Nouvelle pépite HBO
«Irma Vep», la série qui va concurrencer «Dix pour cent»

Réalisée par Olivier Assayas et projetée au dernier Festival de Cannes, la série «Irma Vep» raconte… le tournage d’une série. Une sorte de «Dix pour cent» beaucoup plus méta et dramatique, qui permet à l’actrice Alicia Vikander de trouver son meilleur rôle.
Publié: 18.06.2022 à 20:23 heures
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Margaux BaralonJournaliste Blick

Pour comprendre la série «Irma Vep», en cours de diffusion sur HBO et OCS, il faut regarder rapidement dans le rétro. En 1915, le réalisateur français Louis Feuillade sort un film muet, en noir et blanc, de dix épisodes (on ne parle alors pas encore de série) qui s’intitule «Les Vampires».

L’histoire est celle du cache-cache entre un journaliste-enquêteur et une bande de criminels inspirés par Irma Vep, femme fatale et muse dangereuse. Huit décennies plus tard, en 1996, le réalisateur français Olivier Assayas en tire un film, «Irma Vep», dans lequel l’actrice chinoise Maggie Cheung (dans son propre rôle) débarque sur le tournage d’un remake des «Vampires». Enfin, en 2022, Olivier Assayas décide d’adapter son propre film… en série. Vous suivez?


Cette fois, c’est la Suédoise Alicia Vikander qui endosse le rôle de Mira, actrice connue pour ses prestations dans des blockbusters de qualité variable, dont elle doit ensuite assurer l’interminable promotion. Lorsque la comédienne se voit proposer le rôle d’Irma Vep par René Vidal, réalisateur estimé mais qui n’attire pas les foules dans les salles, elle pense saisir la chance de sa vie. Adieu les sagas de super-héros débiles, voici enfin un projet à même de lui permettre d’exprimer tout son talent. Ce qu’elle ignore, c’est que René Vidal est dépressif, l’équipe de tournage surmenée, et les autres membres du casting tous plus difficiles à gérer les uns que les autres, entre égo surdimensionnés et addiction au crack.

La Suédoise Alicia Vikander incarne Mira, comédienne spécialiste des blockbusters en mal de reconnaissance.
1/2

Un tournage rocambolesque


«Irma Vep» ressemble d’abord un peu à la série française «Dix pour cent», en offrant une plongée souvent très drôle dans les coulisses d’un tournage rocambolesque. Le réalisateur René Vidal (joué par un Vincent Macaigne délicieusement blasé), qui «a essayé le bonheur, mais ce n’est pas pour (lui)» et «n’aime pas les gens», est pris en étau entre son producteur, toujours prompt à couper dans les budgets, et son acteur principal insupportable. La costumière (magnifique Jeanne Balibar) se retrouve obligée de trouver un dealer de crack pour satisfaire les exigences d’un comédien allemand toujours défoncé ou en gueule de bois. Les aventures de cette petite troupe hétéroclite portent à la fois l’intrigue d’«Irma Vep» et la réflexion d’Olivier Assayas autour, justement, de son projet.

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S’agit-il d’un film découpé en huit parties? D’une série à proprement parler? En filmant un tournage, le cinéaste français oblige à réfléchir à l’avènement d’un nouveau monde du divertissement, où l’on regarde des chefs-d'œuvres du septième art sur des smartphones et où il faut absolument intégrer une comédienne chinoise dans le casting afin de «conquérir les marchés asiatiques». L’art est-il aujourd’hui sacrifié sur l’autel des algorithmes et des impératifs économiques? Toutes ces questions pourraient paraître futiles si elles n’étaient pas si brûlantes, alors qu’en Suisse comme ailleurs, la fréquentation des cinémas ne retrouve pas ses niveaux d’avant la crise du Covid-19. Et Olivier Assayas maîtrise bien trop sa mise en scène et le rythme de sa série pour tomber dans un simple délire intello de cinéphile. Cette réflexion s’inscrit parfaitement dans un série divertissante.

Drame poignant


Olivier Assayas s’illustre aussi dans l’écriture intelligente de ses personnages. Ce sont bien René et Mira qui font la grandeur d’«Irma Vep». Tous deux sont habités par la passion de leur art et la peur de n’être pas à la hauteur, mais aussi par leurs échecs amoureux. Mira a ainsi le grand déplaisir de recroiser deux de ses ex dans les premiers épisodes, et de constater qu’ils ont avancé bien plus vite qu’elle, en tout cas aux yeux du reste du monde. Alicia Vikander livre une partition remarquable, tantôt légère et joueuse, tantôt grave et troublée par ce rôle qui finit par la dévorer. En combinaison de velours noir, on ne sait plus si elle est toujours cette actrice un peu paumée ou s’il lui est plus facile de se transformer en Irma Vep pour échapper à une réalité trop terne. La série s’éloigne alors de la chronique d’un tournage pour devenir un drame poignant sur le temps qui passe, les remords qui restent, et les êtres humains qui tentent de ne pas sombrer.

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