Trop de scènes de sexe
La nouvelle série du créateur d’«Euphoria» fait déjà polémique

La série «The Idol», co-écrite et réalisée par Sam Levinson, à qui l’on doit «Euphoria», voit sa sortie sans cesse repoussée depuis des mois. Selon plusieurs médias américains, le projet est marqué par un tournage chaotique et le management controversé du «showrunner».
Publié: 06.03.2023 à 20:33 heures
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Margaux BaralonJournaliste Blick

Une minute et trente-deux secondes ont suffi, le 19 juillet dernier, pour annoncer la couleur. Dans la toute première bande-annonce de la série «The Idol», on voit de la cocaïne, une culotte qui tombe par terre, une douche de champagne, Lily-Rose Depp à moitié nue, des armes, des voitures décapotables et un carton qui précise que cette «histoire d’amour sordide» est imaginée par «les esprits retors» («sick and twisted», soit «malades et tordus» dans la version originale) de Sam Levinson et Abel Tesfaye. Le premier est le créateur d’une autre fiction produite par HBO, «Euphoria». Le second est plus connu comme chanteur, sous le nom de scène The Weeknd, et joue ici le rôle principal aux côtés de la fille de Vanessa Paradis et Johnny Depp.

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Autant dire que «The Idol» faisait partie des séries les plus attendues pour l’automne 2022. Pourtant, sa sortie a été repoussée sine die. En février, HBO annonçait finalement qu’elle serait diffusée après la quatrième (et dernière) saison de «Succession», soit pas avant juin 2023. Aujourd’hui, la date exacte n’est toujours pas connue. Mais en coulisses, les scandales s’accumulent.

La réalisatrice débarquée

En avril dernier, HBO annonce que Sam Levinson, Abel Tesfaye et Reza Fahim, le troisième co-créateur de «The Idol» ont décidé de retourner intégralement certaines scènes. On ne sait alors de la série que peu de choses, sinon qu’elle raconte l’histoire d’une jeune star de la chanson, Jocelyn (Lily-Rose Depp), qui tombe amoureuse du gérant d’une boîte de nuit de Los Angeles, légèrement gourou sur les bords, Tedros (The Weeknd). La plateforme précise à l’époque que «le casting et les équipes vont être ajustés pour mieux accompagner» une «nouvelle approche créative». Dans la foulée, le site américain Deadline révèle qu’Amy Seimetz, la réalisatrice de la série, quitte le projet. Sam Levinson, qui a lui-même réalisé la très populaire série «Euphoria», est pressenti pour reprendre la caméra à sa place.

Une enquête publiée la semaine dernière par «Rolling Stone» soulève plusieurs points problématiques de la série.

Déjà à l’époque, les esprits s’échauffent un peu. Sam Levinson fait un travail controversé sur «Euphoria», en accordant certes beaucoup d’importance à l’esthétique de sa série, mais en étant également très porté sur la nudité féminine. La deuxième saison de ce drame adolescent, sortie en janvier 2022, comporte un nombre incalculable de gros plans sur les parties intimes des actrices, notamment les seins de Sydney Sweeney, qui joue le rôle de Cassie. En interview, la comédienne louvoie, mais sous-entend qu’elle a déjà réussi, en discutant avec le cinéaste, à remettre des vêtements là où elle aurait dû en avoir encore moins.

Par ailleurs, des rumeurs sur un management toxique en plateau sont relayées par plusieurs médias américains. Le showrunner aurait notamment fait vivre un enfer à l’une des actrices, Barbie Ferreira, qui interprète Kat -en août 2022, celle-ci annoncera sur les réseaux sociaux son départ de la série, «les larmes aux yeux».

The Weeknd trouvait la série trop féministe

Dans ce contexte, débarquer une femme réalisatrice pour mettre Sam Levinson à sa place n’est pas forcément vu d’un bon œil. D’autant que quelques jours plus tard, plusieurs sources confirment à «Deadline» que la fameuse «nouvelle approche créative» de «The Idol» est impulsée par The Weeknd. Le chanteur aurait trouvé que la série adoptait «une perspective trop féminine». Autrement dit, le personnage de Lily-Rose Depp aurait trop d’importance par rapport au sien.

Une grosse enquête publiée la semaine dernière par «Rolling Stones» le confirme et apporte un nouvel éclairage sur les coulisses peu reluisantes de «The Idol». Après avoir interrogé treize personnes, le magazine américain dresse un constat apocalyptique de la production de la série, qui aurait perdu l’essence même de son propos de départ. Exit la satire de la célébrité et la réflexion sur qui sont les gourous du XXIe siècle. Exit aussi la starlette qui tombe entre les griffes d’un prédateur sexuel et tente de s’en sortir pour se réapproprier son corps et son art. Selon un membre de la production qui se confie dans les colonnes du magazine, «The Idol» nouvelle version ressemble à «n’importe quel fantasme de viol comme pourrait en avoir n’importe quel mec toxique dans la série».

Un tournage chaotique

Toujours selon «Rolling Stone», Amy Seimetz est arrivée sur le tournage avec des scripts à moitié terminés, une équipe largement composée de débutants et un agenda impossible à tenir dans ces conditions. Très vite, des désaccords éclatent entre elle et Sam Levinson, «pas très collaboratif», selon une source. Lorsque la production reprend après son départ, la plupart des équipes sont renouvelées. Sam Levinson reprend tout en main, l’écriture comme le tournage et le casting.

Il embauche beaucoup de nouvelles têtes, notamment celle de Jennie, l’une des membres du célèbre groupe féminin de K-pop Blackpink. Cette dernière aurait, selon l’un des membres de la production, un rôle qui consiste à «s’asseoir et être jolie». Sam Levinson ajoute également de nombreuses scènes de sexe avilissantes. Dans l’une d’entre elles, Jocelyn redemande à Tedros de la frapper après avoir déjà reçu un coup de poing. Dans une autre, la chanteuse est forcée de marcher avec un œuf dans le vagin. S’il tombe ou se brise, le gourou refuse de la «violer». Elle le supplie alors de le faire, parce que cela améliore sa musique. Dans les deux cas, les scènes ne seront finalement pas tournées – impossible de filmer la seconde sans obliger Lily-Rose Depp à vraiment se mettre un œuf entre les jambes.

Alors que le tournage de la série navigue à vue et que le budget s’envole, Sam Levinson aurait gardé les coudées franches, sans rappel à l’ordre de HBO. Selon les sources interrogées par «Rolling Stones», le showrunner, qui doit livrer la saison 3 d’«Euphoria» à la plateforme, aurait bien trop de poids pour que celle-ci puisse se permettre la moindre remarque.

The Weeknd fait de la provoc’, HBO se défend

Après la publication de cette enquête, The Weeknd a réagi sur les réseaux sociaux en postant une courte vidéo extraite de «The Idol». On y voit Jocelyn et Tedros hésiter à accepter une offre… du magazine «Rolling Stones», qui propose de mettre la chanteuse en couverture. «Tout le monde s’en fout de ‘Rolling Stones’. Ils ont 6 millions de followers sur Instagram, la moitié sont probablement des bots. Jocelyn en a 78 millions, tous réels.», dit alors le personnage de The Weeknd. La légende qui accompagne la vidéo, limpide, s’adresse au magazine: «Est-ce qu’on vous a vexés?»

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De son côté, Lily-Rose Depp a certifié dans un communiqué que Sam Levinson était, «pour de multiples raisons, le meilleur réalisateur avec lequel [elle avait] jamais travaillé»: «Je ne me suis jamais sentie plus soutenue ou plus respectée sur un projet créatif, mes idées et mes contributions n’ont jamais été aussi valorisées.» Quant à HBO, la plateforme indique à «Variety» que «l’approche initiale sur le tournage et la production des premiers épisodes n’était pas à la hauteur des standards de HBO. Nous avons choisi de faire des changements. Tout au long de ce processus, l’équipe créative s’est investie pour créer un environnement de travail sain, collaboratif et respectueux.»

Pour savoir si «The Idol» penche plus du côté de la série irrévérencieuse ou du fantasme masculiniste sans intérêt, il faudra donc attendre… de pouvoir la voir.

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