Henri Dès: «Je n'en ai pas l'air comme ça, mais je suis un rebelle»
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Interview Boom:Henri Dès: «Je n'en ai pas l'air comme ça, mais je suis un rebelle»

Henri Dès
«Il faudrait que j'aie un handicap physique pour arrêter de jouer»

Ecologie, avenir de la scène et même retraite, le célèbre Henri Dès a accepté de se confier à Blick. Ce qui est sûr, c'est qu'il n'est pas prêt de s'arrêter de si tôt. La musique, c'est plus qu'un métier. C'est toute sa vie.
Publié: 07.12.2021 à 18:32 heures
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Valentina San MartinJournaliste Blick

Lorsqu'Henri Dès foule le sol de la rédaction, c'est le silence complet. Tout le monde se retourne et l'observe discrètement. Ici, chaque personne le connaît. Eh oui, Henri Dès a bercé notre enfance de millenials avec «La petite Charlotte» ou «Les bêtises à l'école». Même le boss - qui est (presque) un boomer - allait à ses concerts quand il était gamin. C'est dire le mythe. C'est dire aussi qu'Henri Dès, compagnon de toutes nos enfances, n'a forcément plus aucun secret pour nous. Aucun secret, vraiment? C'est ce qu'on va voir.

Quel est votre moteur dans la vie, ce qui vous tire vers l’avant?
Henri Dès: Le plaisir. Le plaisir de découvrir quelque chose, de s'y mettre et d’aboutir cette chose. C’est tout.

Ça a l’air simple comme ça. Mais il faut l’entretenir ce plaisir tout de même…
Oh vous savez, il suffit de faire des choses qui vous font plaisir (rires). Il se trouve que j’ai beaucoup de sollicitations. J’en accepte certaines, j’en refuse d’autres. Tout ce que je fais aujourd’hui, je le fais avant tout parce que j’aime ça.

Et votre public dans tout cela?
Les fans qui m’apportent de l’affection, c’est une forme de reconnaissance. Si les gens me disent bonjour dans la rue, c’est que quelque part, ils ont su que j’existais et qu’ils m’apprécient d’une certaine façon.

Vous avez 81 ans et n’êtes toujours pas à la retraite. Pourquoi?
Ça fait 16 ans que je ne suis pas à la retraite (rires). Et je n’y suis pas parce que j’ai du plaisir! Comme je l’ai dit. Lorsqu'on s’arrête de travailler et qu’on n’a plus rien devant de soi, c’est assez moche. C’est affreux. Il y a des gens qui souffrent de ce vide. Moi pas. Je continue à faire plein de choses. Je n’ai donc pas besoin de prendre ma retraite. Je suis en vacances toute l’année, même si je travaille.

Vous n’aviez pas envie de vivre une nouvelle aventure, remplir un nouveau rôle?
Je n’ai pas besoin de ça. Les choses arrivent à moi. Depuis mes 64 ans, beaucoup de choses me sont arrivées et il y en aura encore beaucoup plus après ma mort, si je puis m’exprimer ainsi. Moi, je n’initie pas. Ça ne m’est jamais arrivé d’initier des choses. Je les fais parce que je suis obligé de les faire ou parce que quelqu’un m’a proposé de les faire. Dernièrement on est venu me demander de faire des enregistrements en holographie et je m'y suis mis parce que c’est une nouveauté, c’est révolutionnaire. Une autre personne m’a demandé s’il pouvait faire une comédie musicale avec mes chansons et j’ai dit oui. Et ça va sortir fin 2022. C’est Zep qui fait le livret et c’est Le Cirque du Soleil qui a fait la mise en scène. C’est énorme. Je n’ai pas besoin de basculer dans d’autres rôles. Je suis dans mon domaine, mais avec des choses nouvelles.

Une nouvelle aventure qui n’aurait rien à voir avec la musique n’est donc pas quelque chose que vous envisagez…
Non, je n’ai pas envie de ça. Je suis très bien dans ce que je fais. Je ne cherche pas à faire du théâtre ou... (il cherche ses mots) En fait, je m’en fous complètement, je suis bien comme ça.

Qu’est-ce qui pourrait vous faire ranger votre guitare?
La maladie, peut-être. L’incapacité de tenir une guitare, de chanter ou perdre la mémoire… Ce sont des choses qui peuvent m’arriver. J’ai un âge avancé. C’est donc très possible qu’à un moment donné je me dise: ça devient trop dur, je ne peux pas mémoriser ou assurer 1h30 de spectacle. Si cela devait m’arriver, là, j’arrêterais. Mais il faudrait que ce soit un handicap physique, autrement non.

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Qu’est-ce qui vous inspire?
Tout! J’observe, je suis toujours en train de regarder les gens. Je me souviens quand ma femme était encore là, elle me surprenait en train guetter les autres alors que nous étions sur la terrasse d’un café. Elle me disait toujours: «Mais arrête de regarder les gens!» Je lui répondais: «Ça m’intéresse de voir comment ils sont». Parfois ils ont jambes croisées, parfois ils parlent, parfois ils gesticulent… En fait, j’ai observé mes propres enfants dans la vie de tous les jours et c’était une source d’inspiration assez inépuisable. C’est ça qui finit par ressortir dans les chansons.

Allez, entre nous, vous l’avez déjà eu, le syndrome de la page blanche!
Non, parce que je ne me suis jamais dit: «Tiens, il faut que j’écrive une chanson sur tel ou tel sujet». Jamais. C’est le sujet qui s’est toujours imposé à moi.

Vous semblez être passé du chanteur qui transmet des émotions à celui qui transmet des messages, notamment grâce à la chanson «Maintenant on est là».
Alors ça, c’est une chanson pour adultes que j’ai écrite pour mon fils. C’est vrai qu’elle est... (il réfléchit) pas politique, mais elle parle de nos dirigeants qui traînent un peu la patte concernant le climat et qui ne font pas vraiment ce qu’il faut. Je ne suis pas le seul à le dire d’ailleurs. Greta l’a dit avant moi (rires). Mais au-delà de l’émotion versus les messages, je pense qu’il faut surtout discerner deux choses: la chanson pour enfants et la chanson pour adultes. Ce n’est pas pareil et ça ne s’écrit pas de la même manière. Il se trouve qu'au moment d'imaginer la mélodie, j’ai eu envie d’aborder le thème du climat. «Maintenant on est là» s’est imposé et après j’ai développé.

Maintenant qu’on parle climat, êtes-vous écolo?
Un peu oui. J’ai des panneaux solaires sur mon toit, j’ai des pompes à chaleur, j’ai une voiture électrique… Certes, on ne peut pas être parfait, mais cela n’empêche pas de faire au mieux.

Êtes-vous optimiste pour la planète?
Je suis moyennement optimiste et moyennement pessimiste… Donc les deux en somme. Je pense qu’on est mal barrés, mais que si on bouge un petit peu on peut faire la différence. Mais ça va être très, très dur de faire bouger les lignes parce que les gens ont leurs petites habitudes, leur petit confort. C’est difficile de changer de braquet. Mais à un moment donné, soit tout le monde fait un effort, soit ça va péter, ça c’est sûr.

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Vous avez plus de 50 ans d’expérience dans la musique, qu’est-ce qui a le plus changé à travers les années?
Personnellement, j’ai toujours fait ce que je voulais sans tenir compte de ce qu’il y avait autour de moi. Mais c’est vrai qu'il y a eu du changement, à commencer par le style musical: le rap, il y a 40 ans, ça existait surtout Etats-Unis. Pas chez nous.

Si les tendances s’en vont et reviennent, comment expliquer que vos chansons ne soient pas tombées en désuétude?
Mes chansons pour enfants ont traversé le temps sans être obligées d’être à la mode. En 40-50 ans, j'ai vu beaucoup de chanteurs qui étaient à la mode et qui ont fini par disparaître. Moi je ne suis pas à la mode et je n’ai pas disparu, voilà. Je suis toujours là parce que je suis resté stable dans ce que je fais. Je n’ai jamais essayé d’être à la mode, je n’ai jamais été happé par le show-business. Je ne suis jamais dans des grands shows télévisés, je n’existe pas dans les playlists de la radio… ce sont les gens et le bouche-à-oreille qui m’ont fait, pas les médias.

Vous avez votre propre hologramme, quelle mouche vous a piqué?
Comme je vous l’ai dit, je n’initie rien. C’est un certain Pierluigi Orunesu qui m’a contacté et qui m’a demandé si je voulais bien le rencontrer. J’ai accepté et nous avons décidé de le faire. Au début, mon producteur n’était pas très chaud parce qu’il ne voyait pas très bien où ça allait. Moi j’ai tout de suite trouvé que ça pouvait être intéressant pour des raisons patrimoniales.

Des raisons patrimoniales?
Oui. Je dis toujours à ma fille: «Ce sera sympa tu verras quand je serai mort. Tu pourras me foutre dans le salon». Et puis elle me répond: «Arrête tes bêtises!» Bon, je n’ai pas le droit de dire ça…

Eh bien je la comprends!
(Rires) Moi aussi. Plus sérieusement, l’hologramme c’est un peu comme les chansons, ça permet d’exister encore longtemps.

Selon vous, la technologie représente-t-elle le futur de la scène?
L’hologramme, par exemple, c’est révolutionnaire, oui. Ça permettra aux gens de me regarder dans leur salon à travers leur tablette. Plutôt qu’un disque, il sera désormais possible de voir les artistes.

N’est-ce pas un peu dommage que l’artiste ne soit plus là en vrai?
Non, c’est une façon de démultiplier les choses. Si on part de ce principe là, on pourrait dire pareil pour le CD. C’est formidable d’entendre quelqu’un chanter en direct, n’est-ce pas un peu triste d’écouter sur disque? Eh bien non, c’est la même chose.

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Le plus mauvais souvenir de votre carrière?
J’ai très peu de mauvais souvenirs. Je les ai effacés. C’est m’est arrivé d’avoir une mauvaise expérience sur scène car on avait choisi la mauvaise salle, le mauvais spectacle et que je sois un peu malheureux en sortant. Mais je ne me suis jamais vraiment trompé.

Vous avez un bon instinct alors?
J’ai un très bon instinct, oui!

Finalement, le plus beau souvenir?
Eh bien toutes les choses qui m’arrivent et auxquelles je ne m’attendais pas. Le fait qu’on me dise qu’on veut faire une comédie musicale avec mes chansons, je trouve ça incroyable. Sans oublier l’expérience de l’holographie. Je me réjouis de voir ce que ça va provoquer chez les gens. Un autre exemple: depuis peu, j’ai un contrebassiste avec moi sur scène. C’est un truc en plus que j’aime beaucoup. Il est très sympa, il joue bien, il est simple comme j’aime bien. C’est vraiment un plaisir d’aller chanter en sa compagnie.

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