Malgré les avancées médicales
«La vie des survivantes du cancer du sein reste encore difficile»

Si le cancer du sein n'est pas moins dangereux qu'il y a quelques années, les patientes sont mieux prises en charge aujourd'hui. Pourtant, le combat est loin d'être terminé. Rétrospective sur les progrès réalisés jusqu'ici et ce qu'il reste encore à faire.
Publié: 11.10.2022 à 16:20 heures
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Dernière mise à jour: 12.10.2022 à 14:14 heures
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Valentina San MartinJournaliste Blick

Avec ses 6300 nouveaux cas et 1400 décès recensés chaque année, le cancer du sein fait partie des crabes les plus mortels chez les femmes et c’est également le plus répandu.

Il n’empêche que la médecine n’a cessé d’évoluer dans le domaine. Des premières chirurgies aux chimios, en passant par des prises en charge médicales plus ciblées, le cancer du sein est de mieux en mieux compris et traité par les professionnels.

Mission octobre rose de Blick

À l'occasion de la campagne de sensibilisation du cancer du sein qui a lieu chaque année durant le mois d'octobre, Blick a prévu toute une série d'articles sur le sujet.
Voici les épisodes à lire au plus vite!

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À l’aube des premières chirurgies

Si on bénéficie actuellement d’un panel de thérapies et d’une certaine expertise en la matière, c'était le scalpel qui était de rigueur il y a une centaine d'années. «On assiste aux premières publications scientifiques de chirurgies dès le XIXe siècle», nous explique Dr Khalil Zaman, spécialiste en oncologie médicale et médecin responsable du Centre du sein au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Comme on connaissait peu le cancer à l'époque, les médecins retiraient généralement l’intégralité du sein et une partie de la paroi thoracique pour tenter de venir à bout de la maladie.

Dr Khalil Zaman est spécialiste en oncologie médicale et médecin responsable du Centre du sein au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV).
Photo: Shutterstock/CHUV

«Durant la seconde partie du XXe siècle, on comprend que le risque de rechute est possible, malgré la chirurgie. On y a donc une désescalade de la pratique», note l’expert. Avant d’ajouter que deux tiers de malades n’ont aujourd'hui pas besoin de mastectomie: «De plus, pour la majorité des patientes, on se contente de n'enlever que quelques ganglions sentinelles sous le bras.»

Thérapies et surtraitement

Vers la fin des années 1990 à début 2000, les traitements complémentaires comme la radiothérapie, l’hormonothérapie et la chimiothérapie gagnent en importance. «Ces traitements ont permis une nette amélioration du devenir des patientes, mais à l'inverse, on a aussi constaté qu’il y avait une sorte de surtraitement chez certaines d'entre elles», note le docteur Zaman.

«Au cours de la dernière décennie, les professionnels ont une vision de plus en plus claire du risque de rechute de la maladie. Avec le temps, on a pu développer des techniques pour évaluer au mieux une patiente. Résultat: la chimiothérapie est maintenue pour les cas plus graves et a diminué pour les cas à risque intermédiaire ou faible.»

La Suisse à la traîne

Mais pour savoir si un cancer est à un stade avancé ou non, il convient tout d'abord de consulter. D’où l’importance des dépistages. Les premières grandes campagnes voient donc le jour dans les années 1970 à New York ainsi que dans les pays scandinaves. Mais la Suisse, elle, reste à la traîne. «Les premières campagnes suisses datent du début des années 1990, avec un fort soutien des patientes», nous apprend le médecin.

Toutefois, la pratique n’est pas généralisée ou niveau national. La raison: le fédéralisme made in Switzerland. «Chaque canton a sa manière de fonctionner, en ce qui concerne la santé. Si le canton de Vaud a été le premier à proposer des dépistages aux femmes en 1993, la Suisse alémanique s’est montrée plus réfractaire pendant longtemps, débutant avec Saint-Gall en 2010. À noter que dans certaines régions de Suisse centrale, aucune campagne de dépistage organisé n’est mise en place à l'heure actuelle.»

Une constatation plutôt étonnante lorsqu’on sait que le risque de décès lié au cancer du sein diminue de 20% s’il y a dépistage, selon des estimations… Mais alors, pourquoi certains cantons n’ont-ils jamais opté pour ce moyen de prévention plutôt efficace? «En fait, les anti-dépistages considèrent notamment que ce n’est pas nécessaire étant donné que les traitements actuels sont beaucoup plus efficaces. Par conséquent, les chances de survie restent bonnes, et ce, malgré un cancer avancé. Néanmoins, il convient de noter que les traitements tardifs sont aussi plus lourds. Même si les chances de guérir sont bonnes au final, il est toute de même préférable d’être diagnostiquée plus tôt, avec moins de risque et de bénéficier de traitements moins agressifs», explique le Dr Zaman.

Ce qu’il reste à faire…

Si les chiffres sont plutôt encourageants en termes de guérison, cela ne signifie pas que tout est gagné pour autant. «Plus de 80% des patientes atteintes d’un cancer du sein guérissent de leur maladie. Cela équivaut à environ 50’000, voire 70’000 personnes en Suisse ayant connu un cancer du sein. Pourtant, on oublie souvent qu’il y a un 'après la maladie' qu’il faut prendre en compte.»

Si les nouvelles générations de thérapies ont permis de prévenir de potentielles rechutes et d’obtenir de meilleurs résultats en termes de guérison, l’expert signale que c’est la prise en charge sociale et professionnelle qui doit s’améliorer: «Après la phase de guérison, il faut penser à la qualité de vie. Je pense que le quotidien des survivantes reste compliqué. Il existe encore trop de discriminations et ça va au-delà du domaine médical.»

En effet, garder ou obtenir un emploi reste difficile lorsqu’on a eu un cancer. La grande fatigue et la résistance moins bonne des ex-malades sont considérées comme des freins par certains employeurs. «En France par exemple, certaines entreprises font des contrats spécifiques et s’engagent à garder des employés qui ont des soucis de santé. Ici, on peut licencier pendant la maladie», précise le médecin. Avant d’ajouter que contrairement à la Suisse, notre voisine dispose d’une loi garantissant le droit à l’oubli. «Après cinq ans de rémission, ne plus être contraint de révéler des informations concernant son diagnostic de cancer lorsqu’on demande un prêt à la banque ou qu’on contracte une assurance est plutôt avantageux.»

Après les avancées scientifiques qui ne font nul doute, l'enjeu central en ce qui concerne le cancer du sein est désormais plus large: «Après la survie, il faut penser au plus important, la vie, tout simplement», conclut Khalil Zaman.

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