Lauriane Gilliéron
«Faisons attention, tous les hommes ne sont pas des harceleurs»

Il y a 15 ans, l'ex Miss-Suisse Lauriane Gilliéron se lançait un défi fou: partir à Los Angeles et devenir actrice. Désormais à l'affiche d'un blockbuster, elle raconte son aventure américaine, son retour en Suisse et son amour pour les bêtes.
Publié: 02.11.2021 à 19:26 heures
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Dernière mise à jour: 08.11.2021 à 17:14 heures
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Valentina San MartinJournaliste Blick

C’est à 21 ans que Lauriane Gilliéron a été élue la plus belle femme du pays. C’était en 2005. Depuis, la Romande en a fait du chemin. Une année après son élection, elle s’envole pour les États-Unis, le pays où tout est possible. Son but: conquérir Hollywood. Elle décroche des rôles dans «Friends with Benefits», «Amour, Gloire et Beauté» et tourne même une pub Nespresso aux côtés de George Clooney et Matt Damon.

Et puis en 2018, elle décide de revenir en Europe et voyage entre Paris et la Suisse avant de poser à nouveau ses valises dans le canton de Vaud en 2019. Ce retour aux sources forcé par la pandémie ne lui a pourtant pas enlevé ses aspirations américaines.

Vous avez décroché le premier rôle dans le film «Love on the Rock» qui vient de sortir. Comment avez-vous été approchée?
Lauriane Gilliéron: C’est vraiment une histoire assez inattendue pour tout vous dire. C’est le manager que j’avais au moment où je suis arrivée aux US qui m’a envoyé un mail pour me dire que des connaissances à lui étaient sur un film. Ils cherchaient des actrices aux passeports européens. Je lui ai d’abord répondu que je n’avais pas de papiers européens mais suisses (rires) et que j’étais intéressée.

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Vous avez tout de même passé un casting?
Oui, bien sûr. C’était vraiment surréaliste parce qu’on était en pleine pandémie et que j’ai dû me filmer chez moi en anglais, avec l’aide de ma sœur et un de ses amis qui me donnaient la réplique. Bref du jamais vu en termes de casting! Mais vous savez, c’est un de ces moments où on s’amuse tellement qu’on se fiche royalement du résultat. On a tellement ri! On parle quand même d’un film d’action. Donc j’avais un faux flingue et j’en passe (rires). J’ai envoyé tout ça tout en gardant en tête qu’il ne fallait pas mettre tous mes espoirs là-dessus. En tant qu’actrice ça marche une fois sur deux vous savez, mais à ma grande surprise, on m’a rappelée pour un zoom live avec les producteurs et la directrice de casting. Finalement, on m’a annoncé que j’étais prise deux jours avant de partir pour trois semaines de tournage.

Le film est sorti mi-octobre sur les écrans, vous êtes contente du résultat?
Eh bien je n’ai malheureusement pas pu voir le film car je n’étais pas à la première. Covid oblige, on ne pouvait pas encore entrer sur le territoire américain. C’est comme ça. Et puis quand j’y repense, c’est assez rigolo. L’équipe avec qui j’ai travaillé était à Los Angeles sur le tapis rouge, tandis que moi, j’étais en Suisse. Ils m’envoyaient des photos de la première pendant mes interventions à la radio.

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Vous deviez être déçue de ne pas être sur place.
J’ai eu un petit pincement au cœur, oui. Il s’agit quand même de mon vrai premier rôle dans un film américain.

Vous avez été Miss Suisse en 2005. Vous vous êtes ensuite lancée dans le cinéma. Quand avez-vous compris que vous vouliez faire carrière dans le 7e art?
Quand j’étais ado. Il y a deux films qui m’ont donné envie d’être actrice: «Dirty Dancing» et «Le Patient anglais». J’ai vu ces deux œuvres et j’ai su que c’était ce que je voulais faire. Mais être en Suisse et vouloir faire une carrière dans l’acting ça ne va pas vraiment de pair… Il n’y avait pas beaucoup de formations et ce n’était pas encore très démocratisé ou accessible. J’ai l’impression qu’on est plus ouvert aujourd’hui. Pendant des années, j’ai enfoui ce rêve au fond de moi. C’est au moment de partir à Los Angeles pour Miss Univers en 2006 que j’ai eu le déclic. J’étais à la Mecque du cinéma, j’avais des économies, il fallait que je tente ma chance. Finalement, les étoiles se sont alignées, j’ai tourné dans des séries, des films et des publicités aussi.

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Vous êtes revenue en Europe en 2018. Pourquoi?
Pour plein de raisons. Je ne me sentais plus à ma place et en parallèle, Trump avait été élu. Entre le racisme, l’homophobie et la misogynie, cet homme représente tout ce que je déteste dans la société. Après, on ne va pas se leurrer, si ma carrière avait été en plein essor, je n’aurais pas laissé ce facteur impacter mon choix de retour. Et puis, ma famille me manquait, mon frère venait d’avoir une fille que je voulais voir grandir… Je venais aussi d’être prise pour jouer dans «Quartier des banques», c’était donc l’occasion de revenir et de faire ce que j’aimais, tout en étant plus proche des miens.

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Vous enchaînez les tournages, les castings, loin de vos proches, vous sentez-vous seule parfois?
Je suis quelqu’un de très solitaire et c’est une volonté. Après, lors de ma dernière année à LA, je me suis sentie très seule. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle je suis rentrée. Mais oui, être actrice, c’est accepter un mode de vie très individuel et parfois frustrant.

Frustrant? C’est-à-dire?
C’est frustrant surtout quand ça ne marche pas. Rares sont les gens qui vous comprennent vraiment parce qu’ils ne connaissent pas le milieu. On a tendance à penser que l’acting est peut-être juste un hobby et qu’il faudrait se trouver quelque chose de plus sérieux à faire. Mais non, c’est la vie que j’ai choisie. C’est mon travail, ma passion. Parfois, c’est aussi violent de se dire qu’on est remplaçable. Qu’en fin de compte, on est une personne parmi des milliers qui veulent aussi se lancer. En même temps, quand ça fonctionne, c’est le plus beau métier du monde.

La façon de travailler est-elle différente entre l’Europe et les US?
Les méthodes de travail sont les mêmes. Ce qui est très différent, ce sont les moyens. Aux États-Unis, le cinéma est une industrie. On tourne beaucoup en studio et il y a des villes entières consacrées au cinéma. En Europe, c’est plus petit, plus discret. Les mentalités sont aussi différentes. Là-bas, tout est possible. On mange, on boit, on respire cinéma. C’est ancré. Alors qu’ici, le cinéma, c’est plus de l’ordre du particulier. D’ailleurs, c’est plus compliqué de lancer un projet ici ou de récolter des fonds pour tourner un film.

Vous êtes donc d’accord pour dire qu’en Suisse, si veut devenir une star, il faut partir pour ensuite être reconnue dans son propre pays?
Entre nous, l’adage «Nul n’est prophète en son pays» n’est jamais plus vrai que lorsqu’on est en Suisse! Mais je ne pense pas qu’il faille absolument s’expatrier pour réussir. Si on voyage, c’est surtout pour se former ou élargir ses horizons.

En 2017, le mouvement #MeToo explosait à la suite de l’affaire Weinstein, une personnalité influente dans le cinéma. Comment l’avez-vous vécu?
Je pense qu’en tant que femme, on est toutes confrontées au sexisme et au harcèlement dans absolument tous les milieux, pas qu’à Hollywood. De son côté, le cinéma peut être toxique et peut-être encore plus à Los Angeles.

Avez-vous été confrontée au harcèlement et au sexisme?
La réponse est oui, j’ai vécu ça. Je le vivrai peut-être encore. Mais cela ne regarde que moi. Personnellement, quand l’affaire Weinstein est sortie, j’ai pris la décision de ne pas trop me livrer sur ces questions. Tout ce que je peux dire, c’est que l’abcès a été crevé. C’est bien. Après, le problème ne va pas disparaître du jour au lendemain. D’accord, les victimes sont plus protégées et on a désormais l’opportunité de dire les choses. Mais n’oublions pas que les fausses accusations existent et c’est dramatique. Pas tous les hommes, les producteurs ou les personnes puissantes dans le cinéma sont des harceleurs.

Tant qu’on est dans le sujet féminisme, ressentez-vous une pression sociale qui vous pousserait à vous poser?
Oh oui! Les mentalités changent mais en tant que femme, on est conditionnées à vouloir fonder une famille. Souvent, quand je dis que je ne veux pas d’enfants, on me regarde avec de grands yeux. Qu’est-ce que vous voulez, je n’ai pas ce désir qui m’anime… Si d’aventure un jour je changeais d’avis et que c’était trop tard biologiquement, j’adopterais. Il y a plusieurs moyens de devenir parent désormais. Pour le moment, je suis très contente de pouvoir m’occuper de ma nièce quand on a besoin de moi, mais aussi de pouvoir jouir de ma liberté. Je pense que se poser et fonder une famille est une chose qui se construit à deux. Certes, on peut faire un bébé seul. Mais je trouve que c’est plus chouette de se lancer avec la personne qu’on aime dans ce genre d’aventures. Je n’en suis pas là.

Vous vous sentez un peu à contre-courant?
Oui, mais ça ne me dérange pas. A 7 ans j’étais végétarienne, par exemple. Très jeune déjà j’étais habituée à être dans un mode de fonctionnement différent de celui qui m’entoure. Je vis en accord avec moi-même et pas avec ce que les gens pensent de moi.

Vous êtes végane et vous vous engagez pour la cause animale, ce n’est pas un peu cliché d’être la jolie fille qui aime les animaux?
(Rires) Eh bien ça ne me dérange pas du tout. C’est flatteur d’être considéré comme une jolie fille. Quant aux animaux, ils ont toujours fait partie de moi. Pour moi, la cause est animale aussi importante que celle des femmes ou des homosexuels. Je ne comprends pas que ce ne soit pas une évidence pour tout le monde.

Ça ne vous dérange pas d’être l’énième Brigitte Bardot?
Si être comparée à Brigitte Bardot est la pire chose qui puisse m’arriver, et bien qu’il en soit ainsi. Ça me passe au-dessus. Il y a des choses qu’elle a dites qui n’appartiennent qu’à elle. Mais en ce qui concerne les animaux, il n’y a aucun problème. J’aimerais pouvoir quitter cette terre en me disant que j’ai tout fait pour améliorer la condition des bêtes.

Entre nous, la planète et l’humain vont mal. Ne devrait-on pas mettre l’homme en priorité avant de s’occuper des animaux?
Je n’ai jamais compris comment on pouvait penser que parce qu’on se bat pour les animaux, forcément on ne s’intéresse pas à la cause humaine. C’est le propre de l’humain moyen de penser qu’il faut choisir un camp. On fait tous partie du même écosystème. Quand l’un va bien, l’autre va bien et vice versa. Si les gens pouvaient saisir ça, peut-être qu’on s’en sortirait.

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