Commentaire de Tim Guillemin
Murat Yakin n'a pas choisi la facilité

Il aurait été tellement simple de nominer 28 joueurs, en expliquant que Breel Embolo et Denis Zakaria étaient incertains. Mais Murat Yakin a effectué un choix différent, audacieux et risqué, estime notre journaliste Tim Guillemin.
Publié: 18.05.2024 à 14:33 heures
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Dernière mise à jour: 18.05.2024 à 14:54 heures
Tim Guillemin

Dans l'attitude et ce qu'il dégage, le Murat Yakin de 2024 me plaît bien et je trouve qu'il aborde l'Euro avec, dans sa communication, un mélange de décontraction et de relâchement qui lui va assez bien. Blagueur, y compris avec les journalistes qui ne le ménagent pas depuis des mois, le sélectionneur national propose un mélange assez subtil de recul sur lui-même et d'indépendance d'esprit qui n'est pas inintéressant. Bien sûr, on ne parle là que d'image, qu'il faut ramener à sa juste place: elle ne permet pas de gagner des matches. Mais elle peut contribuer à créer une atmosphère.

Ainsi, Murat Yakin aurait pu choisir la voie de la facilité ce vendredi. L'UEFA lui propose de sélectionner 26 joueurs pour l'Euro. Il aurait pu donner 28 noms, en précisant qu'un ou deux joueurs étaient susceptibles de quitter la Nati dans les prochains jours pour faire de la place à Breel Embolo et/ou Denis Zakaria, et personne n'aurait rien dit. Tout juste aurait-on pu polémiquer un peu sur pourquoi Steven Zuber plutôt qu'Edimilson Fernandes ou Andi Zeqiri à la place de Haris Seferovic. Des broutilles.

Une liste qui peut paraître indigeste et brouillonne

Le sélectionneur aurait ainsi effectué un choix médiatique et populaire confortable, mais il a décidé de suivre son instinct et de faire un vrai choix sportif, celui de pré-sélectionner 38 joueurs, au risque de paraître indigeste et brouillon aux yeux du grand public, celui qu'il doit emmener dans son sillage en Allemagne. Etre sélectionneur national est bien différent d'être entraîneur de club: Murat Yakin est le visage de tout le football suisse, encore plus l'été d'une grande compétition où fédérer le pays autour de la Nati est essentiel.

La décision de prendre 19 joueurs de champ dès le 27 mai à Saint-Gall, puis d'en faire partir une partie alors que d'autres vont arriver se défend tout à fait sportivement. Les arguments sont recevables et, pour autant que tous les cas individuels soient bien gérés et que la communication sur qui part et qui reste se fasse en bonne intelligence et en toute transparence (Giorgio Contini aura un rôle essentiel à jouer dans ce processus), tout se passera bien.

Et au moins, cette fois, il a pensé à prendre des latéraux, ce qui est déjà un bon point. Il se pourrait même qu'il y en ait deux ou trois dans la liste définitive des 26 noms à soumettre à l'UEFA, une avancée considérable dans la gestion de Murat Yakin par rapport à la Coupe du monde au Qatar.

La communication sera primordiale

Nommer 38 joueurs, avec des statuts différents, des attentes diverses et des destins individuels dissemblables, c'est jouer avec le feu, peut-être. Les Luganais Albian Hajdari, Uran Bislimi et Renato Steffen, qui arriveront avec la Nati au lendemain de la finale de la Coupe, perdue ou gagnée face à Servette, comprendront-ils de ne venir que pour trois jours avant de devoir partir en vacances, peut-être... ou peut-être pas? La communication en amont et en aval sera essentielle et 38 joueurs, ce sont 38 problèmes potentiels à gérer, même si une grande partie de ces 38 éléments sait déjà probablement plus ou moins si elle ira en Allemagne cet été.

Il n'empêche: Murat Yakin n'a pas fait le choix de la facilité, mais il est faux de lui reprocher un manque d'anticipation dans la construction du groupe. De toute façon, Granit Xhaka, Manuel Akanji et bien d'autres joueurs importants n'auraient pas pu venir le 27 mai à Saint-Gall, puisqu'ils sont occupés avec leur club. De nouveau, le choix sportif de vouloir bien travailler à Saint-Gall se défend entièrement et s'argumente très bien. Mais il n'est pas simple à expliquer, tant il est bien plus simple de se moquer du fait que la Suisse est l'une des seules nations à procéder ainsi. Il arrive, parfois, que ne pas faire comme tout le monde apporte du succès. Murat Yakin connaît assez bien cette philosophie...

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