En agissant concrètement sur place
Lorik Cana aide les enfants albanais à construire leur avenir

Au lieu de profiter d'une confortable retraite, Lorik Cana prouve encore et toujours être un homme de grande valeur. Le Lausannois s'investit concrètement pour l'avenir des jeunes en Albanie et au Kosovo, en aidant à améliorer la situation sur place.
Publié: 06.09.2024 à 12:30 heures
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Dernière mise à jour: 06.09.2024 à 12:40 heures
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Tim GuilleminResponsable du pôle Sport

Lorik Cana a fracassé tellement de frontières dans sa carrière que le voir rayonner autant depuis l'annonce de sa retraite de joueur est au fond peu étonnant. Aujourd'hui âgé de 41 ans, l'ancien milieu de terrain est parti à 17 ans de Lausanne en direction du Paris Saint-Germain, avant de signer à Marseille (et d'être aujourd'hui encore respecté dans les deux clubs!), ce qui est déjà une aventure en soi. Premier joueur d'origine albanaise à jouer en Premier League, à Sunderland, il a également brillé à la Lazio, avant de terminer sa carrière à Nantes.

Capitaine de la sélection albanaise à l'Euro 2016, le premier de l'histoire de la sélection, il a mis un terme à sa carrière dans la foulée pour créer sa fondation Lorik Cana 5 Foundation, avec un objectif très noble: s'investir pour l'Albanie et le Kosovo et aider ces deux états à faire grandir leurs infrastructures, leur éducation et leur formation, tout en promouvant la culture et le sport. Un vaste programme, à la hauteur de la motivation et du caractère de celui qui a toujours été un leader sur le terrain et en dehors.

A quelques heures de retrouver Lausanne, où il assistera à la rencontre entre la Suisse et l'Albanie M21 (19h30 à la Tuilière), Lorik Cana a pris le temps de répondre aux questions de Blick.

Aujourd'hui âgé de 41 ans, le Lausannois s'engage concrètement pour la formation et l'éducation au Kosovo et en Albanie.
Photo: DR
Lorik Cana était capitaine de la sélection albanaise lors de l'Euro 2016.
Photo: AFP

Je dois avouer que je suis un peu déçu...
Pourquoi?

Au nom du monde du football! Après votre exceptionnelle carrière de joueur, je vous imaginais entraîneur, directeur sportif, président.. Vous auriez pu apporter tellement!
Allons-y dans l'ordre (rires)! Entraîneur, c'est non. Je ne me suis jamais vu continuer dans ce rôle-là. Directeur sportif, je n'en ai pas eu directement l'opportunité. Mais je ne me suis pas éloigné du monde du football. Pas du tout, même. Je commente la Ligue des Champions depuis sept ans en Albanie et j'ai toujours mon réseau.

Donc dirigeant, ce n'est pas à exclure?
En effet, ça ne me déplairait pas. Ce monde du football est toujours le mien, je vous rassure (rires).

Ce soir, vous effectuez votre retour à Lausanne, dans le cadre de votre fondation, Lorik Cana 5. Parlez-nous en s'il vous plaît.
Lorsque j'ai arrêté ma carrière de joueur, assez tôt, après l'Euro 2016, je m'y suis consacré. Nous voulons promouvoir le sport et l'éducation des enfants à travers le sport en Albanie. Mais notre fondation s'intéresse aussi à la culture, à l'art. Nous voulons promouvoir le patrimoine albanais et améliorer les infrastructures, ainsi que la formation.

Les infrastructures, c'est le grand enjeu? J'imagine que le gouvernement a également un immense rôle à jouer dans ce domaine, non?
Bien sûr. Que ce soit au Kosovo ou en Albanie, il y a tout un développement à effectuer. Mais ce n'est pas que les infrastructures, il y a aussi les ressources humaines. On a besoin de former des éducateurs, des gens qui peuvent s'occuper de nos jeunes. C'est primordial pour notre développement.

Concrètement, cela consiste en quoi?
Construire des terrains de sport pour les enfants qui sont en crèche et qui n'auraient pas accès au sport sans cela. Mais aussi mettre sur pied des activités ludiques et sportives pour les enfants, via des éducateurs, afin de leur transmettre les valeurs sportives depuis tout petit. Et ce partout en Albanie et au Kosovo.

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A ce titre, est-ce facile de convaincre des membres de l'importante diaspora de suivre votre chemin et de venir aider l'Albanie et le Kosovo à se développer?
C'est possible en tout cas! Mais on ne parle pas que de football. Un entrepreneur kosovar en Suisse, par exemple, il peut aussi développer un business au Kosovo et aider à faire grandir les standards chez nous. On a tous un rôle à jouer, plus ou moins grand, selon ses capacités et son envie. Chaque contribution compte.

Vous auriez pu rester tranquillement à Rome après votre carrière de joueur, profiter de l'argent que vous avez gagné et ne pas vous poser toutes ces questions. Pourquoi, au fond? Qu'est-ce qui vous anime?
Chacun fait ses choix en fonction de ses valeurs propres. Je suis né dans ce qui n'était pas encore le Kosovo en 1983. A l'âge de 7 ans, je suis venu en Suisse avec mon père qui finissait sa carrière de joueur professionnel au Montreux-Sports, qui était en LNB. Ensuite, j'ai commencé ma scolarité au Kosovo, mais quand la guerre a éclaté en Yougoslavie, nous sommes revenus en Suisse, à Cheseaux d'abord, à Lausanne ensuite. Aujourd'hui, j'ai envie de contribuer au développement du Kosovo et de l'Albanie et aider la jeunesse là-bas à se construire un avenir. C'est important. Ce sont mes valeurs, ce qui me définit, ce qui me motive.

Et donc concrètement, améliorer la situation sur place?
Exactement. Si je dois apporter une contribution, c'est celle-là. Je pense qu'il est important d'investir chez nous afin que les enfants puissent construire leur futur sur place, ce que nous n'avons pas pu faire. Et pour ça, il faut éduquer les jeunes, les former. Et donc, on y revient, mettre en place des structures qui le permettent. C'est un gros travail.

Que l'on peut mettre en parallèle avec le football, d'ailleurs. Aujourd'hui, l'Albanie et le Kosovo forment peu de joueurs de très bon niveau, qui viennent plutôt de la diaspora. L'idée est d'inverser la tendance, c'est juste?
Oui. L'Albanie et le Kosovo sont deux jeunes sélections. Evidemment que pour grandir, il fallait s'appuyer sur les joueurs formés à l'étranger. Mais cela sera mécaniquement moins le cas à l'avenir.

Pour une raison toute simple, au fond. Aujourd'hui déjà, un jeune d'origine kosovare qui naît en Suisse a potentiellement ses deux parents qui sont nés en Suisse. Et donc se sentira moins concerné par la sélection kosovare ou albanaise que celui dont les parents y sont nés ou qui y est même né lui-même, comme vous. Ce phénomène est logique et a concerné les Italiens en Suisse, par exemple. Plusieurs d'entre eux aujourd'hui ont un nom à consonance italienne, mais ne parlent même pas la langue.
Exactement. Et c'est tout à fait normal. Aujourd'hui, le Kosovo et l'Albanie doivent améliorer le niveau de leur formation et essayer de se rapprocher du niveau de la Serbie et de la Croatie, deux pays qui forment énormément de talents sur leur territoire. On peut y arriver, mais cela prendra du temps et demande des efforts.

A ce titre, on imagine que la décision de l'UEFA d'augmenter le nombre d'équipes à l'Euro doit vous réjouir, non?
Bien sûr. Je partage complètement cet avis. C'est tellement important de participer à un tour final, de pouvoir promouvoir son identité, sa culture, de pouvoir montrer la meilleure image possible de son pays. Quelle sélection n'a pas été à la hauteur de l'événement cet été en Allemagne? Aucune.

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Pendant l'Euro, Willy Sagnol nous disait toute l'importance de cette compétition pour un pays comme la Géorgie, qu'il était primordial de s'en servir pour progresser...
Et il a raison à 100%. Il y a le football, le terrain, et il y a tout ce qu'il y a autour. Le football est un accélérateur d'intégration. Il n'y a pas un vecteur plus puissant dans le monde pour véhiculer une image. Et il est important qu'elle soit bonne.

Vous parlez dans cet interview souvent du Kosovo et de l'Albanie dans la même phrase. Est-ce réaliste à terme d'imaginer que ces deux états n'en forment plus qu'un?
C'est ce que veulent 90% des gens dans notre nation, je pense. On ne va pas faire de géo-politique, mais je pense que c'est le désir de beaucoup de gens à terme. Après, nous sommes deux états indépendants, libres, ce qui est déjà beaucoup pour ceux qui ont connu autre chose. La question, c'est: que voulons-nous faire de cette liberté? Où allons-nous? De ces réponses dépendront l'avenir. Et ce que je sais, c'est qu'on peut s'engager concrètement.

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