Le Vaudois livre ses impressions
Pablo Iglesias: «Murat Yakin sait faire déjouer l'adversaire»

Ancien sélectionneur juniors et actuellement directeur du football au FC Sion, Pablo Iglesias livre à Blick ses impressions sur l'équipe nationale suisse. Le Vaudois aux origines espagnoles est notamment admiratif du duo Yakin-Contini.
Publié: 29.06.2024 à 08:41 heures
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Bastien FellerJournaliste Blick

Actuellement directeur du football au FC Sion, Pablo Iglesias est un fin connaisseur du football suisse et de ses rouages, lui qui a connu le métier d'entraîneur, au Lausanne-Sport et avec la relève de l'équipe de Suisse, et de dirigeant, en tant que directeur sportif du LS et donc avec son nouveau poste en Valais. Le quinquagénaire d'origine espagnole garde donc un œil attentif sur la Nati depuis de nombreuses années, et notamment depuis le début de son Euro en Allemagne. Blick l'a rencontré cette semaine.

«Je ne suis pas surpris»

«Pour bien connaitre Murat, je ne suis pas surpris du parcours de l'équipe de Suisse. Murat est l'entraîneur que j'ai côtoyé qui sait le mieux faire déjouer une équipe, c'est une qualité clairement identifiable. Il est capable, et cela s'est souvent vérifié en club, de prédire ce qui va se passer chez l'adversaire, particulièrement au niveau de ses lacunes. Comme il l'a fait contre l'Allemagne et la Hongrie avec ce qui pourrait être interprété comme des surprises. Je suis très content de voir cette équipe. Nous sommes assez Suisses dans notre manière d'aborder les compétitions, mais il ne faut pas oublier que nous avons le gardien champion d'Italie au but, le défenseur central champion d'Angleterre et un champion d'Allemagne au milieu. Je ne sais pas si beaucoup d'équipes peuvent se vanter de cela. Et ce n'est pas un hasard dans le choix des titularisations si nous avons trois joueurs qui ont fait un travail exceptionnel à Bologne sous Thiago Motta avec une qualification pour la Ligue des champions.»

«Pas le même équilibre qu'avec Vladimir Petkovic»

«L'équipe sera capable d'aborder et d'affronter n'importe quel adversaire et de trouver ses points faibles, j'en suis convaincu. C'est vrai qu'après, pour les esthètes du football que l'on peut être, on n'a pas trouvé le même équilibre qu'avec l'équipe de Vladimir Petkovic où elle pouvait proposer un peu plus de jeu, avec un contenu avec ballon plus élaboré. Mais c'est peut-être aussi car elle passe un pourcentage plus élevé de temps à faire déjouer l'équipe en face, à gérer le rythme du match. J'étais à Francfort pour la partie face à l'Allemagne. Tout le monde dit que c'était un match incroyable, mais sur place, je n'avais pas la même impression. L'équipe de Suisse n'est pas entrée dans le jeu de l'Allemagne en termes de rythme, et l'a volontairement baissé. Mais la vérité de la phase de groupes et celle de l'élimination directe est bien différente.»

Aujourd'hui directeur du football au FC Sion, Pablo Iglesias pose son regard sur l'équipe de Suisse.
Photo: Pascal Muller/freshfocus
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«Dan Ndoye n'est qu'au début de ce qu'il peut faire»

«Cela me fait grandement plaisir. Lorsque je m'occupais de la direction sportive à Lausanne, il faisait partie des quatre-cinq garçons, avec Cameron Puertas, Andi Zeqiri, Isaac Schmidt et Josias Lukembila, qui étaient parmi les joueurs qui émergeaient. Dan était un garçon très timide à 15 ans, lors de son arrivée de Team Vaud La Côte. C'était un joueur frêle, un peu craintif, pas encore affirmé, mais avec une éducation parentale magnifique. Il est doté de capacités physiques incroyables, bien au-dessus de la moyenne. Il sait qu'il a encore une marge de progression. On me parle de sa finition, je pense davantage à sa première touche, son jeu de remise, pour changer l'orientation du jeu. Sa force principale est qu'il est à l'écoute et qu'il a envie de progresser. Les anciens de l'équipe nationale me disent qu'il est le chouchou. Il n'est qu'au début de ce qu'il peut faire, car le potentiel est énorme. C'est un joueur à part, avec des caractéristiques que l'on n'a pas dans l'équipe.»

«L'apport de Giorgio est fondamental»

«L'apport de Giorgio est fondamental. J'ai toujours dit qu'il était sous-estimé en Suisse. Lorsque nous l'avons engagé à Lausanne, il était celui dont la longévité était la plus importante en Super League. Avec son passage à Grasshopper, il comptait onze saisons consécutives sur un banc. Sa connaissance sur le football suisse est donc extrême. Et il nous l'avait prouvé au LS avec la promotion, puis le maintien aisé la saison suivante, chose qui n'est de loin pas évidente à réaliser. C'est un entraîneur moderne, qui est capable d'avoir une gestion humaine avec le joueur, tout en restant ferme sur les principes de jeu. Ceux-ci sont clairs, concis. Il ne réinvente pas le football et est capable de suivre l'évolution. La complémentarité entre son côté préparé, structuré et méthodique, et le 'fin nez' que possède Murat ne pouvait être qu'une plus-value pour l'équipe nationale. Je sais d'ailleurs qu'il est très apprécié par les anciens joueurs que j'ai eus en M18 et M20.»

«L'Italie, l'équipe la plus imprévisible»

«Dans cet Euro, autant l'Espagne sait ce qu'elle veut et va faire, autant l'Italie peut être l'équipe la plus imprévisible. Un peu comme l'avait été, avec un peu plus d'arguments, en 2021. Personne ne la voyait venir et s'attendait à ce qu'elle gagne la compétition. Il leur manque sans doute un ou deux éléments, elle est en reconstruction. Et peut-être que l'expérience suisse peut la mettre à défaut, d'autant plus avec un technicien hors pair, en trouvant ses failles. Car cette équipe en a, comme l'Espagne d'ailleurs. Cela sera très serré, on n'a pas dépassé les trois buts lors des dernières confrontations avec cette équipe. Surtout depuis que la Suisse fait partie de la haute scène européenne. Parce qu'on l'oublie, mais ce n'est pas normal ce qu'il se passe. La Suisse n'a que huit millions d'habitants, soit l'équivalent de l'Andalousie en Espagne, et elle participe à toutes les compétitions depuis 2004. Sauf en 2012 en Ukraine et en Pologne. Et non seulement elle y participe, mais en plus de manière remarquable. La Suède, le Danemark et la Norvège pourraient être nos concurrents, mais n'ont pas les mêmes résultats.»

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