Lorsque Kwadwo Duah arrive en zone mixte après ses débuts en équipe nationale lors du match amical contre l'Estonie, d'autres joueurs sont déjà là. Des stars qui jouent pour la Suisse depuis des années. Des leaders de la place. Kwadwo Duah, timide en apparence, se cache et réapparaît peu de temps après. Trois mètres à côté de lui, le capitaine Granit Xhaka donne une dernière interview. Le Bernois regarde son téléphone portable, lit les messages de félicitations, est perdu dans ses pensées, ne remarque même pas que c'est son tour maintenant.
Tiré de ses rêves, il dit: «C'est surréaliste, la convocation de la Nati est sortie de nulle part!» Lorsque Blick annonce qu'il pourrait être appelé pour l'Euro, la nouvelle étonne: personne, vraiment personne, n'avait le Bernois de 27 ans sur le radar. Lorsqu'il a été transféré en Bulgarie, à Ludogorets Razgrad, l'été dernier, il semblait plus éloigné d'une sélection que la Nati du titre suprême à l'Euro. Et voilà que ce samedi, il ouvre le score contre la Hongrie! La Suisse du football vit son premier conte de fées de la compétition. «On le connaissait en Suisse. Mais aujourd'hui, c'est l'Europe qui le connaît!», a souri Murat Yakin après la rencontre.
Mais ce n'est pas un hasard non plus. Car Kwadwo Duah possède depuis des années tout ce qu'il faut sur le plan physique. Linus Obexer, latéral de Stade-Lausanne-Ouchy et qui a joué pendant des années avec lui chez les juniors d'YB, dit: «Il a toujours été costaud, rapide, efficace. Mais j'ai le sentiment qu'il a dû apprendre ce qu'il faut vraiment pour devenir professionnel».
Ciriaco Sforza l'a fait progresser
Fabian von Matt, qui accompagne Kwadwo Duah depuis des années en tant que conseiller, explique: «Il fallait le soutenir avec des idées et des approches. Pour qu'il utilise correctement les outils incroyables qu'il a à disposition». C'est surtout dans le domaine athlétique que le savoir-faire en matière de sciences du sport a permis d'optimiser le potentiel du joueur. Linus Obexer dit: «Ce n'est qu'au FC Wil qu'il a eu le déclic».
Sous la direction de l'entraîneur Ciriaco Sforza, l'attaquant réussit 17 buts et assists en 33 matches et devient adulte sur le plan footballistique. La plupart du temps, il joue sur l'aile gauche. Mais à Saint-Gall, à Nuremberg et à Ludogorets, ses étapes suivantes, il est presque toujours utilisé comme avant-centre.
Pour le champion de Bulgarie, il a marqué 15 buts en 37 matches la saison dernière et a délivré six passes décisives. Pour Petar Aleksandrov, qui a joué la mythique Coupe du monde de 1994 et est actuellement entraîneur des attaquants du FC Aarau, ces chiffres sont bons. Et ce, indépendamment du fait que la ligue bulgare ne compte pas parmi les meilleures du monde. «Quand je suis arrivé à Aarau, j'ai marqué cinq buts lors d'un match amical contre Kölliken et tout le monde m'a acclamé. Pourtant, l'adversaire était un club de 2e ligue. Mais mon entraîneur Roger Wehrli m'a dit: 'Cinq buts, c'est cinq buts. Peu importe l'adversaire'. Il en va de même pour Duah».
Petar Aleksandrov explique qu'il a vu tous les matches de Ludogorets cette saison. Ce n'est donc pas un hasard, selon lui, si Duah a été bon lors du match d'ouverture de l'Euro contre la Hongrie. «J'ai discuté avec l'entraîneur de Ludogorets Georgi Dermendzhiev, il m'a dit que c'était un bon garçon, qui n'abandonnait jamais. Au début de la saison, il était blessé, mais il est revenu».
De Londres à Berne
Kwadwo Duah est né dans le quartier londonien de Tottenham, et à cinq ans, a déménagé à Berne parce que ses parents, originaires du Ghana, pensaient y trouver de meilleures perspectives économiques. Le père travaille comme serveur, la mère comme femme de ménage. A l'âge de quatre ans, le petit Kwadwo joue dans le club bernois de l'AS Italiana. A dix ans, il rejoint les espoirs d'YB. A 19 ans, il fait ses débuts dans la première équipe, mais il ne parvient pas à percer au Wankdorf.
Et le voila propulsé star de l'équipe nationale et buteur à l'Euro! YB va-t-il regretter de ne pas lui avoir donné sa chance à l'époque? Le frère cadet de Kwadwo, Christian, a depuis lui aussi quitté Berne, le milieu de terrain de 14 ans jouant désormais au FC Bâle. Va-t-il lui aussi réussir à percer un jour?