«Je n'ai pas de vie sociale»
Ex-héros de Carouge, Loris Mettler joue en D2 norvégienne

A 24 ans, Loris Mettler a déjà connu trois pays dans sa carrière footballistique. De la Suisse à la Norvège, le milieu suisse a fait une escale en Espagne. Retour sur ses premières années de carrière.
Publié: 18.08.2023 à 11:15 heures
Bastien Feller

Loris Mettler a un parcours atypique et il en est fier. Ne voulant rien lâcher et tout donner pour accomplir son rêve de jouer en première division, il n'a pas hésité à tout plaquer pour partir exporter ses talents de footballeur en Espagne et maintenant en Norvège.

Formé à Carouge et Servette, l'homme de 24 ans brille désormais dans un des championnats mineurs du Vieux Continent. A mi-saison en deuxième division norvégienne, le petit milieu compte sept buts et six passes décisives à la moitié de la saison. Le pari semble être jusqu'à présent gagnant. Interview.

Pourquoi et comment s'est prise la décision de quitter Carouge et ton entourage l'été dernier pour partir jouer en Espagne?
J'ai toujours joué la sécurité de renouveler mon contrat en faisant une bonne saison et en contactant des clubs de Challenge League. Mais ça n'a rien donné et j'en ai eu marre. J'ai voulu prendre le taureau par les cornes et me mettre en danger, car c'était le moment ou jamais.

Loris Mettler (à d.) a connu de nombreux succès en Coupe de Suisse face à des gros. Ici contre le FC Bâle en 2021 (victoire 1-0 des Carougeois).
Photo: Bastien Gallay/freshfocus
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Est-ce que tes démarches en Suisse ont abouti sur des essais?
Le seul test que j'ai pu passer, c'était à St-Gall. Grâce à un bon match en Coupe avec Carouge contre eux et après avoir contacté Peter Zeidler, j'ai pu faire une semaine d'essai chez eux. Mais ce n'est pas facile dans notre pays, il y a très peu d'équipes professionnelles et beaucoup de paramètres à prendre en compte. Comme l'éventuel besoin d'un milieu et du profil recherché, par exemple. 

Comment atterris-tu en quatrième division espagnole?
Mon test chez les Brodeurs s'était bien passé, mais ils n'avaient pas de licence de disponible à ce moment et je ne voulais pas attendre. J'ai eu cette possibilité en Espagne et c'était un rêve pour moi de jouer dans ce pays.

On pourrait penser que c'est un risque de tout plaquer à 22 ans pour partir jouer là-bas...
Au contraire. J'aurais pris beaucoup plus de risques en restant en Suisse, où on ne m'a pas donné d'opportunité. Le football est mondial et il y a des milliers de clubs. Donc pourquoi ne pas essayer à l'étranger? C'est tombé sur l'Espagne, mais cela aurait pu être ailleurs.

Quel bilan tires-tu de ton passage à Lleida Esportiu?
C'était une expérience exceptionnelle et pour rien au monde je ne changerais quoi que ce soit, car c'est grâce à ça que j'en suis là aujourd'hui. C'était une vraie opportunité de pouvoir sortir de la Suisse et d'apprendre une nouvelle langue. L'exigence était très haute et j'ai pu passer un gros cap là-bas. De plus, nous jouions devant 5'000 personnes, face aux réserves des plus grands clubs d'Espagne et les matches étaient télévisés.

Comment se prend donc la décision de quitter tout cela pour te rendre en deuxième division norvégienne?
Je n'avais signé que pour un an et à six mois du terme du contrat (ndlr. en mars 2023), j'ai eu cette opportunité en Norvège et je me suis demandé ce qui était le plus judicieux. Je préférais jouer en deuxième division dans un plus petit pays que dans la quatrième d'un grand. Je ne suis qu'un joueur de plus en Espagne. Beaucoup ont mon profil: petit et technique. En Norvège, j'ai un profil atypique et je suis tout près du plus haut niveau.

Sur le papier, un tel transfert est surprenant. Comment se fait-il?
(Rires) En fait, c'est simple. J'ai eu la chance d'avoir un contact au Raufoss IL. L'assistant du club était mon entraîneur en jeune à Servette. L'équipe avait besoin d'un milieu et il m'a proposé.

Quelles sont les caractéristiques du football norvégien?
Le football ici me convient très bien. Il est très intensif, va vite d'un but à l'autre et est plus physique qu'en Espagne ou ce que j'ai pu connaître en Suisse. Il y a peu de phase de conservation de la balle, même si les meilleurs clubs essaient de repartir de derrière. Chaque équipe joue avec ses armes et c'est très palpitant. Ce qui est également plus intéressant que chez nous, c'est le fait qu'il y ait énormément de transferts entre la première et la deuxième division. Les clubs de l'élite n'hésitent pas à aller chercher des joueurs plus bas.

Quel est l'engouement pour le football là-bas?
Malgré ce que l'on peut penser, le sport principal en Norvège est le foot. Il y a beaucoup de spectateurs en première division (ndlr. 7308 en moyenne cette saison). En deuxième, cela dépend des clubs, mais c'est bien suivi aussi. Je trouve aussi que les Norvégiens sont plus patriotes que les Suisses. Ils tiennent énormément à leurs clubs et veulent faire grandir leurs joueurs.

Que met le club à votre disposition pour vous entraîner? Les conditions météorologiques sont parfois compliquées en Norvège...
Nous avons la chance d'avoir des installations merveilleuses ici. Une salle de fitness et un spa toujours ouverts pour nous. Un terrain synthétique et un dôme pour les jours vraiment froids ou de neige. Nous avons les infrastructures qui me permettent de m'épanouir et de grandir comme je le souhaite.

Et en dehors du foot, comment vis-tu cette expérience?
Il n'y a pas de vie sociale: pas de restaurant, pas de bar, de bowling de cinéma, etc. La seule chose que j'ai à faire, c'est m'entraîner et récupérer. Ce sont les conditions idéales pour passer un nouveau palier. Je suis tout de même à deux heures d'Oslo et j'y vais parfois pour me changer les idées. C'est un grand sacrifice, mais je le fais avec plaisir car c'est ce que je voulais.

D'autant plus que c'est plus facile à ton âge qu'à 18 ou 30 ans...
Oui, je pense. Aujourd'hui, j'ai atteint une certaine maturité et je sais ce que je veux. Je suis fort mentalement et je ferai tout pour atteindre mon objectif qui est de jouer dans une première division le plus rapidement possible. Je suis parti en mission.

Penses-tu pouvoir l'accomplir dans un futur proche?
Je pense que je suis bien parti et que j'en suis plus près que jamais. Je n'ai jamais joué un football aussi bon que maintenant et j'ai beaucoup progressé sur le plan mental également. Si tout se passe bien, je pourrais déjà avoir des opportunités cet hiver. 

Tes dirigeants sont-ils au courant de ta volonté?
Je pense que l'objectif de chaque joueur de deuxième division est de toucher au plus haut niveau. Alors oui, je pense que le club est au courant de mes ambitions et qu'ils ne refuseront pas une belle opportunité de vente.

Que représente pour toi ces changements de pays?
Chaque voyage te confronte à une nouvelle philosophie et une manière de vivre différente. C'est un nouveau départ à chaque fois. Tu n'es pas connu et tu dois faire tes preuves. Plus tu fais de pays, plus ton bagage grandit et t'aide pour la suite. Cela me permet également de voir quel style de football me correspond le mieux et de me découvrir en tant que footballeur. Je pensais que c'était l'espagnol, mais finalement je préfère le jeu plus direct car ça me permet d'être plus libre et de tenter davantage.

Quels conseils donnerais-tu à un jeune joueur amateur qui souhaiterait tenter sa chance à l'étranger comme tu l'as fait?
De ne pas avoir peur et de surtout ne pas avoir de regret. Mais de faire attention à être prêt mentalement à vivre un éloignement et un dépaysement. Cela peut être le plus compliqué.


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