Les explications d'un succès
Les joueurs suisses abondent désormais en Ligue 1

Le nombre de joueurs suisses évoluant en Ligue 1 a pratiquement quadruplé ces dernières années et on en compte désormais autant qu'en Bundesliga. Comment expliquer cette augmentation? Blick a posé la question des deux côtés de la frontière franco-suisse.
Publié: 18.02.2024 à 09:05 heures
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Bastien FellerJournaliste Blick

Ils sont désormais onze joueurs suisses à évoluer en Ligue 1. Soit autant qu'en Bundesliga, un championnat pourtant réputé pour être prisé par les Helvètes, et près du double de ce qu'on trouve en Serie A italienne (6). Denis Zakaria, Breel Embolo, Philipp Köhn, Jordan Lotomba, Ulisses Garcia, Fabian Rieder, Vincent Sierro, Yvon Mvogo, Silvan Hefti, Becir Omeragic et Eray Cömert composent ainsi cette délégation de passeports rouges à croix blanche qui évoluent sur le sol français.

Le nombre a explosé ces dernières années, puisqu'on n'en dénombrait que trois lors de la saison 2019-2020: Loris Benito (23 apparitions avec Bordeaux), Diego Benaglio et Anthony Racioppi (tous deux zéro match avec respectivement Monaco et Lyon). Surtout, la Ligue 1 compte davantage d'éléments suisses que de joueur portugais, espagnols ou encore hollandais et belges. La quantité de transferts vers la Ligue 1, de joueurs de toutes les nationalités, augmente également d'année en année. Comment expliquer ce phénomène?

«Les clubs helvétiques savent réaliser des performances sur la scène européenne»

«Les Français se sont rendu compte qu'on est bons par rapport aux résultats européens, estime Michel Urscheler, agent valaisan de Vincent Sierro notamment. Te qualifier pour la Ligue des champions est un gage de qualité. Là, c'est Young Boys qui y va, avant, c'était Bâle, Zurich, ... Le football suisse se fait beaucoup de pub et je sens que l'intérêt est croissant. Les gens nous écoutent davantage maintenant si nous parlons d'un joueur de Lucerne ou Saint-Gall qu'auparavant.»

Les prestations suisses sur la scène européenne ont permis à la Super League de faire parler d'elle.
Photo: keystone-sda.ch
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Même son de cloche de l'autre côté de la frontière. Les résultats européens et les derniers affrontements entre Français et Suisses ont laissé une empreinte. Mettant la lumière sur le travail effectué dans nos contrées. «Les clubs helvétiques savent réaliser des performances sur la scène européenne et celle-ci est le curseur pour dire si ton championnat est de qualité ou non, rappelle Zahir Oussadi, rédacteur en chef du magazine «Onze Mondial». Nous l'avons vu avec Young Boys et Bâle surtout. L'année dernière, Nice a été éliminé par une équipe de Super League et ces résultats contribuent à obtenir un certain respect.»

Bon rapport qualité-prix en Super League

Mais cela ne s'arrête pas là. En effet, le football est devenu un business et le championnat suisse représente une belle opportunité d'allier qualité et prix pour un championnat en perte de vitesse comme la première division française. «Plusieurs marchés ne sont aujourd'hui plus accessibles pour les Français, explique Michel Urscheler. Ils allaient acheter les meilleurs joueurs en Belgique et en Hollande. Mais c'est fini maintenant, ils ne sont aujourd'hui abordables que pour le PSG, Monaco et éventuellement Lyon. Il y a huit ans, le meilleur joueur du championnat belge partait souvent en Ligue 1. Désormais, il prend la direction de l'Italie ou de l'Angleterre pour une somme de transfert et des conditions salariales que les Français ne peuvent plus tenir. Tu dois donc te rabattre sur des marchés plus abordables, dont nous faisons partie. Un bon joueur du championnat suisse coute le tiers de son homologue belge.»

Constat que partage Zahir Oussadi, qui ajoute que la Suisse a prouvé par le passé qu'elle est capable de dénicher et de former des talents intéressant pour les cinq grands championnats. «On sait que Mohamed Salah s'est révélé au FC Bâle, comme Xhaka, Rakitic et Shaqiri par exemple. On voit que les Suisse et Belges considérés comme issus de championnats mineurs, savent bosser et trouver de bons joueurs. Amoura joue et brille à l'Union Saint-Gilloise, mais était en Suisse l'année dernière. Toutes ces choses contribuent à une image du football suisse et de son championnat qui progresse. Il est pris au sérieux, même s'il n'a jamais non plus été dévalorisé ou pris comme un faire-valoir. Il existe aussi un certain historique en France avec des Gelson Fernandes et Alex Frei par exemple. Ce n'est pas un phénomène nouveau, mais celui-ci s'est accentué ces deux-trois dernières années.»

«Nous avons grandi avec TF1 et Canal +»

Justement, Gelson Fernandes, ancien international suisse qui est passé par Saint-Etienne et Rennes, voit une adaptation facilitée et un attrait pour la Ligue 1 ancré dès le plus jeune âge pour les joueurs romands. «Nous avons grandi avec TF1 et Canal +, se souvient-il. Le fait de parler français nous rend intéressant pour eux, et facilite l'adaptation dans notre nouvel environnement une fois arrivé là-bas. C'est un championnat qui n'est pas forcément sexy vu de l'extérieur, mais qui est tout de même relevé et intéressant à disputer.»

La langue, un facteur qui joue également un rôle très important. «De nombreux recruteurs ou présidents français ne parlent pas anglais, et c'est plus facile pour eux d'avoir des interlocuteurs francophones, détaille quant à lui Zahir Oussadi. C'est pour cela logique d'aller chercher des joueurs suisses ou évoluant en Suisse. Le suivi n'en est que meilleur par la suite.»

La Suisse peut compter sur des représentants de qualité

Toutefois, toujours au-delà du plan sportif, l'aspect linguistique n'est de loin pas le seul argument pris en compte. «Le niveau scolaire est plus que correct chez nous et cela influe de plus en plus dans le monde du football, ajoute Michel Urscheler. Nous faisions des transferts YouTube à l'époque, mais à présent le processus est bien plus pointilleux. La personnalité du joueur prend de plus en plus d'importance, et en Suisse, nous avons un avantage avec des gens qui sont très bien éduqués. Mais cela peut aussi aller dans le sens inverse. Parfois, on dit que nous manquons de culot, de folie.»

La Super League a également pu bénéficier de l'arrivée de nombreux joueurs tricolores ces dernières années. Ceux-ci repartent ensuite dans l'Hexagone et font office de porte-parole. «Hoarau avait signé pour quelques mois à Young Boys et est finalement resté six ans, rappelle son agent, Michel Urscheler. Il fait partie de ces gens qui nous font du bien. Il a toujours défendu la qualité du championnat suisse: dans ses contacts, sur les plateaux de télévision françaises, ... C'est un facteur qui aide. Ils viennent en Suisse, cela se passe bien, et cela nous fait un bon coup de pub.» Paul Bernardoni, récemment arrivé à Yverdon, pourrait bien être le prochain. «Il commence bien son aventure helvétique et cela pourrait bien lui ouvrir des portes, poursuit-il. Et il ne vient pas jouer à Bâle ou YB.»

La qualité moyenne du championnat progresse

Preuve en est que la Super League progresse bien. «Nous n'avons pas de talents stratosphériques actuellement, estime Michel Urscheler. Certains arrivent, comme à Bâle, où il y a de très bons jeunes. Mais il n'y a plus de supercrack dans les équipes titulaires, car la qualité moyenne est bien plus élevée qu'il y a quelques années. Avant, il y avait des joueurs très talentueux entourés d'éléments de compléments. Aujourd'hui, c'est bien plus équilibré.»

À noter également que les joueurs suisses présents en Ligue 1 depuis plusieurs années fonctionnent également comme de bons ambassadeurs et font en sorte d'entretenir un effet de mode. Le Valaisan Vincent Sierro est capitaine de Toulouse et joue l'Europa League, Yvon Mvogo s'est imposé comme l'un des meilleurs gardiens du championnat, alors que Denis Zakaria ne cesse d'impressionner ces dernières semaines avec l'AS Monaco.

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