Un fantasme encore utopique
Au FC Sion, des «socios» valaisans pour succéder à Christian Constantin

Que va-t-il advenir du FC Sion si Christian Constantin le retire bel et bien de Super League en 2024? Cette semaine, la naissance d'un collectif de supporters fait naître l'idée folle d'une prise de pouvoir démocratique et populaire à Tourbillon.
Publié: 05.05.2023 à 00:59 heures
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Dernière mise à jour: 05.05.2023 à 08:15 heures
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Ugo CurtyJournaliste Blick

Si rien n’est fait, le FC Sion n’a plus qu’une saison (et quelques matches) à vivre dans le football professionnel suisse. C’est en tout cas ce que martèle Christian Constantin depuis l’automne dernier. Il retirera son FC Sion de Super League au début de l’exercice 2024-2025. Les choses n’avaient pas bougé dans ce dossier ces derniers mois, sur la place publique en tout cas.

Mercredi, la radio Rhône FM a annoncé l’arrivée d’un nouvel acteur avec le lancement du «Collectif Tourbillon». Un mouvement de supporters qui a pour but de réunir un maximum de soutiens, connus ou anonymes, autour du club valaisan.

Plus de 1200 adhérents en 24 heures

Si les plus fervents ont souvent critiqué Christian Constantin au stade, notamment par l’intermédiaire de banderoles et de chants du Gradin Nord, ce groupe ne veut pas la peau de CC. Au contraire même. Le but est de l’aider à trouver des solutions. Une rencontre a même eu lieu avec l’omnipotent président.

Le public valaisan se mobilise pour la survie du FC Sion dans le football professionnel suisse.
Photo: keystone-sda.ch

En 24 heures, le mouvement a été rejoint par plus de 1200 adhérents. Les intentions restent un peu vagues, mais on retiendra notamment la volonté «de maintenir le FC Sion en mains valaisannes», tout en assurant «une meilleure intégration des supporters dans la vie du club» avec un FC Sion «plus participatif, représentatif et à l’écoute de son public.»

Des «socios» valaisans

Il n’est pas question d’amener des capitaux pour l’heure, Mais si on allait au bout du raisonnement? Le peuple valaisan pourrait-il prendre le contrôle et racheter le club? Le modèle de «socios» fonctionne en Espagne ou au Portugal. Les membres du Barça ou du Real Madrid, seuls propriétaires du club, sont par exemple chargés d’élire le président lors d’un scrutin démocratique.

«En l’état, cette stratégie reste idéaliste en Suisse, tempère Jérôme Berthoud, sociologue à l’Institut de hautes études en administration publique de Lausanne. Une mobilisation populaire, un peu à l’image d’un crowdfunding, serait une manière novatrice de créer des revenus. Mais si le projet et la structure ne sont pas crédibles, les gens ne vont pas mettre beaucoup d’argent.»

Le manque de professionnalisation, c’est justement le problème actuel du FC Sion selon Jérôme Berthoud. «En s’appuyant sur un modèle du mécénat qui est dépassé, avec un président très interventionniste, le club a pris du retard dans sa professionnalisation, analyse le co-directeur de l’Observatoire du sport populaire. Il manque un modèle économique qui s’appuie sur différentes formes de revenus pour permettre d’assurer un management durable. Les changements récurrents d’entraîneurs en sont un symptôme.»

L’exemple croate qui fonctionne

Un mouvement de supporters qu’ils s’élèveraient contre la menace d’un acheteur peu scrupuleux, l’Olympique de Marseille ou Anderlecht y ont aussi cru. Le projet est resté sans suite pour le club bruxellois en 2017. Une année plus tôt, le Massilia Socios Club n’avait réuni qu’un millier de supporters phocéens et la promesse de 70’000 euros. Bien loin des millions nécessaires.

En Croatie, l’Hajduk Split a ouvert la porte à ses supporters. Le collectif «Naš Hajduk» («Notre Hajduk») est parvenu à racheter petit à petit près d’un tiers des actions du sextuple champion national (30,49% pour être précis). Fin avril, le club avait marqué les esprits à Genève par son impressionnante présence lors des finales de la Youth League.

Les si précieux clubs de soutien

On est loin de ce scénario en Suisse. Aucun club de premier plan n’est entre les mains de ses supporters, en partie ou dans sa totalité. Des groupes de fans apportent pourtant leur aide sur le plan économique dans les formations de notre pays, et ce depuis les années 70.

«Les clubs de soutien jouent un rôle central, explique Gianluca Sorrentino, politologue et chercheur en sciences du sport. Historiquement, ce sont surtout des entreprises du bâtiment qui se rapprochent du club et y contribuent. Ces groupes d’intérêt en profitent aussi pour faire des affaires et du réseautage. Le FC Sion a son «Club Platine», au LS c’est la «Confrérie» et le «Onze d’Or».»

L’échec du Mouvement 5 étoiles en Italie

Avec le départ de Christian Constantin, est-ce qu’un projet plus populaire encore serait possible? Au-delà de la question financière, il y a aussi le problème de ressources humaines. «Un projet de «socios» à la Suisse est une solution utopique, un joli projet qui ne peut marcher que si on s’affranchit des logiques managériales, poursuit Gianluca Sorrentino. Au-delà de la passion et de l’amour du club, il faut aussi que ce collectif s’appuie sur des connaissances et des personnes du sérail. La professionnalisation du football suisse est reconnue et il n’est pas donné à tout le monde de faire tourner un club.»

L’expert en histoire et professionnalisation des organisations sportives dresse un parallèle avec la politique italienne et le «Mouvement 5 étoiles», qui avait percé en 2013. «Les électeurs ont voté pour écarter les politiciens de carrière, les remplacer par des gens honnêtes, capables et issus de la société civile.» Sans juger du fond de ce parti et de ses idées, Gianluca Sorrentino dresse un constat d’échec. «Les élus novices ont très vite fait face à leurs limites et leur manque de compétences.» Depuis 2016, les «Cinque Stelle» ont perdu de leur superbe.

Le projet fou d’un Finlandais pour Manchester United

Le retour du football et de ses clubs vers des bases populaires et saines est un fantasme difficile à assouvir. Il n’est pas que l’apanage des gens de gauche sans le sou. Le milliardaire Thomas Zilliacus, ancien ponte de Nokia, avait un projet digne de Robin des Bois pour le rachat de Manchester United.

Le richissime finlandais était prêt à débourser des milliards pour s’offrir la moitié du mythique club anglais, à condition de garder l’autre part pour les supporters. Son plan prévoyait des cotisations de trois dollars seulement (pour 500 millions de membres). «Parce que tout club de sport devrait au final appartenir à ses fans», affirmait l’homme d’affaires et philanthrope au printemps. Il s’est finalement retiré en critiquant le prix élevé trop exigé pour la vente par la famille Glazer, les propriétaires américains.

Quand le romantisme et la passion se heurtent à la réalité des chiffres.


Credit Suisse Super League 24/25
Équipe
J.
DB.
PT.
1
FC Lugano
FC Lugano
6
4
13
2
Servette FC
Servette FC
6
-3
12
3
FC Zurich
FC Zurich
5
6
11
4
FC Lucerne
FC Lucerne
6
4
11
5
FC Bâle
FC Bâle
6
9
10
6
FC St-Gall
FC St-Gall
5
5
10
7
FC Sion
FC Sion
6
4
10
8
Yverdon Sport FC
Yverdon Sport FC
6
-4
5
9
Grasshopper Club Zurich
Grasshopper Club Zurich
6
-4
4
10
FC Lausanne-Sport
FC Lausanne-Sport
6
-7
4
11
FC Winterthour
FC Winterthour
6
-7
4
12
Young Boys
Young Boys
6
-7
3
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