Supporters et clubs montent au créneau
Face aux sanctions collectives, la Suisse du football est divisée

Les punitions collectives répugnent bien des supporters. Elles sont en revanche considérées comme la seule forme efficace de lutte contre les émeutes par les autorités et par la police. Comment en est-on arrivé à une telle division?
Publié: 20.01.2024 à 10:22 heures
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Alain Kunz

Tout commence en mai 2023. C'est le mois où la politique décide de prendre les choses en main avec un changement de paradigme en plein milieu de la saison! Car auparavant, c'est la Swiss Football League qui ordonnait des mesures en cas de débordements.

Les choses s'accélèrent à Genève. Quelque 300 hooligans valaisans, frustrés par la défaite 5-0 de Sion contre Servette, s'en prennent aux policiers à coups de bouteilles et de pierres. Cinq d'entre eux sont blessés. Les autorités chargées de délivrer les autorisations réagissent immédiatement en décidant d'exclure les supporters de Sion pour le prochain match à domicile. Sans ses fans, Sion s'incline contre YB et finira la même saison dans la peau d'un relégué.

Violence à la gare de Lucerne

Quelques jours plus tard, une escalade de la violence se produit à la gare de Lucerne entre les forces de l'ordre et les groupes de supporters rivaux de Lucerne et de Saint-Gall. Des passants sont également blessés. La sanction ne tarde pas à tomber: les secteurs visiteurs des deux clubs seront fermés pour le match suivant et pour tous les affrontements entre les deux équipes la saison suivante.

Le bus de ligne détruit par des «fans» d'YB au mois de septembre dernier. Le chauffeur avait été menacé de mort.
Photo: stadtpolizei zürich
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Un nouveau système de mesures en cascade, adopté une semaine avant les émeutes de Genève, est appliqué pour la première fois après les échauffourées en Suisse centrale. Il faut attendre le mois de septembre pour que ce nouveau programme entre en phase de consultation. Celle-ci fait immédiatement l'objet d'une fin de non-recevoir de la part des groupes de supporters.

La Conférence des directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP) évalue maintenant les résultats et devrait vite décider de la marche à suivre. Mais seules des adaptations marginales sont attendues, car la volonté politique de mettre définitivement en œuvre ce modèle est énorme. Bien que les supporters et les clubs y soient farouchement opposés.

La défaite par forfait parmi les sanctions

Le modèle prévoit des sanctions proportionnelles à la gravité des actes. Et ce à l'intérieur comme à l'extérieur du stade. Les mesures deviennent particulièrement drastiques à partir du niveau 3. Celui-ci s'applique lorsque des personnes sont blessées. Il prévoit la fermeture du virage des supporters ultras pour un match à domicile ainsi que l'arrêt immédiat de la vente de billets afin d'éviter tout déplacement vers d'autres secteurs. Au cinquième niveau, le club se voit retirer l'autorisation d'organiser un match. Dans les faits, il s'agit donc d'une défaite par forfait.

Pourquoi les autorités ne voient-elles pas d'autre modèle que ces sanctions collectives? La conseillère d'Etat nidwaldienne Karin Kayser, coprésidente de la CCDJP, peut comprendre que l'on demande plutôt de sanctionner les auteurs de délits individuels. «Mais il est généralement très difficile d'atteindre les individus, car ils ne peuvent pas être reconnus en raison de leur cagoule. Ils se fondent dans la masse des supporters et ils sont même souvent protégés par celle-ci.» Selon elle, il est trop dangereux pour la police d'aller chercher les fautifs dans la foule.

YB critique la fermeture des virages

Mais les clubs ne sont pas prêts à faire preuve de cette solidarité. Young Boys et le FC Bâle l'ont clairement fait savoir. Car pour eux, l'approche n'est pas bonne. Le club de la Ville fédérale a ainsi critiqué la fermeture du virage après les incidents qui ont suivi l'affrontement entre YB et GC à Zurich au mois de septembre dernier. Pour rappel, des véhicules de polices et un bus ont été saccagés et un chauffeur de bus a été menacé de mort.

Les supporters d'YB ont alors exprimé leur consternation et ont assuré que la police les avait attaqués sans avertissement avec des balles en caoutchouc, du gaz lacrymogène et du spray au poivre. Pour le club bernois, il est «dommage» que des milliers de supporters soient punis pour le comportement de quelques individus.

«Intensifier la poursuite des délinquants»

Cette position, YB la défend encore aujourd'hui, quelques jours avant un match contre GC, qui se jouera en l'absence des fans bernois les plus fervents. «Nous ne sommes pas favorables aux sanctions collectives. Nous prônons clairement une intensification de la poursuite des délinquants sur le plan individuel», assure Albert Staudenmann, responsable-médias du club.

Concernant la menace d'un cortège commun de tous les groupes de supporters, il en appelle à la raison de tous les participants. «Nous espérons vivement que tout se passera dans l'ordre.» On ne dispose d'aucune indication sur ce qui est concrètement prévu. 


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