Si l'on demande à un artiste d'expliquer son œuvre, la réponse n'est pas toujours concluante. Qu'en est-il des sportifs? Cette saison, Blick va essayer de comprendre ce qui fait la force des acteurs du championnat de National League. Cette série «Dans la tête de...» leur permet de se raconter sur la base des images de leurs exploits. Et parfois, aussi, de leurs erreurs. Premier joueur décortiqué: Henrik Tömmernes, le défenseur de Genève-Servette.
Le rendez-vous avec Henrik Tömmernes a lieu au Prime's, le pub de la patinoire des Vernets. Après avoir pris la pose pour le photographe — «J'ai appris à aimer ça» —, le Suédois prend place à table et propose de joindre l'utile à l'agréable en analysant son jeu tout en mangeant. Il choisit le menu du jour: une blanquette de veau. Elle était bonne, paraît-il. La discussion a pris plus d'une heure, avec un «MVP» du dernier championnat de plus en plus à l'aise au fil de ses explications.
Le rendez-vous avec Henrik Tömmernes a lieu au Prime's, le pub de la patinoire des Vernets. Après avoir pris la pose pour le photographe — «J'ai appris à aimer ça» —, le Suédois prend place à table et propose de joindre l'utile à l'agréable en analysant son jeu tout en mangeant. Il choisit le menu du jour: une blanquette de veau. Elle était bonne, paraît-il. La discussion a pris plus d'une heure, avec un «MVP» du dernier championnat de plus en plus à l'aise au fil de ses explications.
«Quel style de joueur suis-je? C'est une question à laquelle, finalement, il n'est pas si simple de répondre. Pour me définir, je dirais que je suis un joueur doté d'une bonne lecture du jeu et que je suis calme. Les deux choses sont liées, de toute façon. J'essaie d'avoir toujours un coup d'avance sur mon adversaire. Ce temps que je gagne me permet d'être moins stressé sur la glace. C'est peut-être pour cela que mon jeu peut paraître «facile» même lorsque je suis sous pression. Mes débuts en Suisse, par exemple, n'avaient pas été si simples...
En Suède, toutes les équipes pratiquent le même jeu, caractérisé par un rythme très élevé. Ici, tu peux tomber face à une formation comme Davos qui vient t'asphyxier avec un pressing à trois joueurs et le lendemain te retrouver opposé à une trappe en zone neutre qui va te forcer à t'adapter constamment. Mais c'est un challenge que je trouve assez cool à relever.
Je vais donc essayer d'expliquer, avec mes propres mots, ce qui se passe dans ma tête lors de certaines situations de match. C'est parti.
On commence avec mon but contre Ambri. C'est une bonne chose pour moi, car c'est un exemple de ce que je devrais appliquer plus souvent. Si je devais ajouter quelque chose à mon jeu, ce serait probablement de prendre davantage ma chance. Je ne suis parfois pas suffisamment individualiste alors que je crois, pourtant, avoir un bon shoot. En fin de match, j'ai décidé de prendre les choses en main.
Son but face à Ambri
Voici l'analyse d'Henrik Tömmernes sur cette séquence.
Son but face à Davos
Voici l'analyse d'Henrik Tömmernes sur cette séquence.
Trouver le bon équilibre entre risque et sécurité
Savoir attaquer tout en gardant un œil à l'arrière? Je n'ai pas toujours su faire un bon panachage. Au début de ma carrière, je ne pensais qu'à marquer des buts et à jouer en power-play. L'expérience m'a probablement permis de calmer cette fougue tout en étant plus impliqué défensivement. Avec les années, je pense avoir compris que la bonne défense te permet d'être meilleur offensivement.
Cet équilibre entre risque et jeu assuré se développe avec le temps. En tant que jeune, je ne faisais que des jeux risqués. Mais en évoluant — et en côtoyant des coaches expérimentés —, tu apprends. Évoluer dans des équipes ayant du succès aide aussi forcément. À chaque occasion, je me pose la question si une prise de risque est nécessaire ou pas. Mais c'est une question de centième de seconde. Tout va très vite.
Voici l'analyse d'Henrik Tömmernes pour nous expliquer sa prise de décision.
Cette situation est intéressante, car je l'aurais probablement jouée différemment suivant le moment du match. Cela se passe au début du deuxième tiers-temps et le score est de 1-1. Si nous étions lors d'un septième match de play-off, peut-être que je ne me serais pas autorisé ce petit risque. Mais je sais également que c'est à moi de prendre ces décisions qui peuvent changer le cours d'un match.
Et c'est aussi une question d'état d'esprit. Dans cette situation précise, si je ne fais pas ce jeu, il se peut que mes coéquipiers se demandent pourquoi je joue ainsi et cela peut induire de l'inconfort, voire du stress chez eux.
Mais tout ne se passe pas toujours bien et c'est pour cela que je me sais encore perfectible à 32 ans. Parlons d'une séquence plus compliquée.
Ce n’est pas un bon jeu de ma part, avouons-le tout de suite. Il s'agit typiquement d'un cas où je dois prendre une meilleure décision. Et le fait d'être en fin de premier tiers avec un avantage au score doit me pousser à ne pas prendre de risque. Nous menons à Zoug et nous avons été très bons. Pourquoi mettre tout ça en danger?
Je sais que si j'arrive à générer un peu de vitesse, je pourrai me défaire du marquage. Mais en même temps, j'ai deux options de passe à gauche et à droite. Je m'en sers pour justement prendre un risque. Mais c'est faux. Le coaching staff me laisse cette liberté de faire des erreurs. Presque le droit d'en faire, je dirais. C'est ainsi que la confiance est plus grande.
Lorsque je commets une telle erreur, c'est sûr que cela ne me fait pas plaisir. Au moment de revenir au banc, j’ai mis ça sur le compte de la mauvaise glace. Moi-même, je n’y croyais pas (rires)… J'ai sûrement hurlé un truc en suédois. Mais pour moi, ce n'est pas quelque chose qui va me miner. Cela fait partie de mon jeu et de ce qui fait ma force.
Personne n'a besoin de me dire quoi que ce soit — et personne ne le fait, d'ailleurs. C'est évident que j'ai fait une erreur. Je sais juste que ma prochaine présence doit être irréprochable. Je me parle sur le banc. Je me dis que «c'est ok». Ce n'est pas en s'agaçant contre soi-même que cela va mieux. En tout cas, chez moi, cela ne marche pas.
On passe sur un exemple dans lequel je fais meilleure figure.
Voici l'analyse d'Henrik Tömmernes pour nous expliquer cette séquence.
Shooter... pas toujours pour marquer?
Je le disais plus tôt: je dois parfois davantage prendre ma chance. Mais il faut justement être capable de savoir quand le faire à bon escient.
Voici l'analyse d'Henrik Tömmernes pour nous expliquer cette séquence.
Acquérir de l'expérience
Ce genre de prise de conscience ne vient pas toute seule, c'est évident. J'ai toujours pu compter sur le soutien de mon père qui n'est pas un ancien professionnel, mais qui était un bon joueur de bandy, un sport proche du hockey principalement pratiqué au nord. Au niveau du jeu, j'ai eu la chance de beaucoup jouer avec Christian Bäckman, un compatriote qui a joué en NHL. Il m'a pris sous son aile pour l'aspect technique et tactique du jeu. Et pour toute la préparation, Joel Lundqvist m'a appris à me comporter comme un vrai professionnel au quotidien et pas uniquement les jours de match. Il me poussait sans cesse à me donner à fond.
Les conseils reçus par ces deux joueurs me sont encore utiles tous les jours et je pense que mon développement depuis mon arrivée en Suisse prouve que le travail est fait correctement.»
Depuis, Henrik Tömmernes a encore inscrit un but d'anthologie, quelques jours après l'interview. «On aurait pu l'analyser ensemble, celui-ci», a-t-il rigolé dans les couloirs de la PostFinance Arena. Cela aurait probablement été passionnant, en effet.