Berra/Genoni: Interview croisée
«20 ans déjà? C'est fou de se dire qu'on a passé tout ce temps ensemble»

Reto Berra et Leonardo Genoni sont encore et toujours les deux gardiens de la Suisse. Les Zurichois se connaissent par coeur puisqu'ils ont été coéquipiers durant 20 saisons. L'occasion de les convier à une discussion à bâtons rompus.
Publié: 14.05.2024 à 12:15 heures
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Dernière mise à jour: 14.05.2024 à 12:29 heures
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Grégory BeaudJournaliste Blick

Aussi longtemps que les différentes bases de données se souviennent, Leonardo Genoni et Reto Berra ont toujours eu un parcours commun. La première occurrence remonte à la saison 2001/2002 sous les couleurs des GCK Lions. Ils avaient moins de 15 ans. Depuis, ils se sont suivis dans l'organisation de Zurich puis à Davos où ils ont été transférés la même année.

Au milieu de ce parcours en commun, les deux gardiens ont évidemment été associés à de très nombreuses reprises, faisant d'eux un duo quasi indissociable. À Prague, ils sont d'ailleurs à nouveau associés. Il s'agit de la vingtième saison durant laquelle ils jouent au minimum un match dans la même équipe. À cette occasion, Blick les a réunis pour évoquer cette longue période et leur relation forcément très proche.

Vous vous rendez compte qu'il y a désormais 20 saisons durant lesquelles vous avez été coéquipier?
Reto Berra: 20 ans? Donc, tu prends en compte les équipes nationales, les clubs et tout? 

Reto Berra (à g.) et Leonardo Genoni se connaissent depuis leur plus jeune âge.

Exactement. Ca semble énorme non?
Leonardo Genoni: Oui vraiment. Je ne me suis pas rendu compte que c'était autant. C'est une éternité!

Savez-vous depuis quand vous jouez ensemble?
R.B: Pfff je dirais depuis 2003, oui. Même avant.
L.G: Oui, avant les novices. 

Exactement. En 2001/2002, vous étiez dans la même équipe selon les archives. Mais quel est le premier souvenir que vous avez l'un de l'autre?
R.B: Je me souviens même très bien de cette période. Leo était un grand fan de Roberto Baggio quand il était petit et portait une queue de cheval comme son idole. On ne se connaissait pas personnellement, mais nous étions adversaires lors de tournois piccolos. Moi avec Bülach et lui avec GC. En face, il y avait toujours ce gardien avec les cheveux longs... Et un incroyable casque à flammes.
L.G: Bonne mémoire! Mais je l'ai encore (rires). Et toi? Je ne me souviens plus.
R.B: Moi, comme j'étais plutôt du côté de Kloten, j'avais un casque semblable à celui de Reto Pavoni. Tous les gardiens qui étaient fans de Kloten avaient le même casque. Tu peux regarder, Tobias Stephan, Pascal Caminada ou encore Lukas Flüeler, on avait tous ce grand casque à moitié couvert par une grille.

Et qui était le meilleur des deux à l'époque?
L.G: C'est dur à dire, car nous étions dans deux équipes différentes. Mais je n'ai pas l'impression qu'il y avait une hiérarchie claire.
R.B: Si je me souviens bien de toi, c'est que tu devais être pas mal.
L.G: Ou à cause de casque à flammes (rires). Mais à l'époque, c'est vrai que GC avait toujours de bonnes équipes.
R.B: Moi, il y a une image qui me reste. Tu avais exactement la même posture que maintenant lorsque tu étais debout devant ton but.
L.G: Vraiment?
R.B: Oui oui, vraiment. Nous avions tous la main avec la mitaine en position vers le haut. Et toi, tu l'appuyais sur la jambière en te penchant vers l'avant. C'était une habitude que tu avais. Je te vois encore faire ça aujourd'hui (rires). Je me souviens bien, car lorsque j'étais petit, j'observais beaucoup le style des autres gardiens.
L.G: Je ne pouvais pas m'appuyer sur le but comme toi, vu que j'étais plus petit (rires).

Et donc vous êtes ensuite devenus coéquipiers...
L.G: Exactement. Lorsque les différentes équipes de la région zurichoise se sont regroupées dans la pyramide de Zurich. Il y avait GC, où je jouais, Bülach, où jouait Reto, Dübendorf et évidemment Zurich. C'était en 2001 et nous avions 14 ans.
R.B: Les joueurs étaient répartis en différents niveaux comme aujourd'hui les Elites A et les Elites Top. Il y avait les Lions 1 et les Lions 2. Et nous étions ensemble dans la première équipe.

Et donc vous étiez déjà en compétition l'un contre l'autre pour jouer?
L.G: Non, justement, c'était tout l'intérêt de ce regroupement. Il y avait de nombreuses occasions d'avoir du temps de jeu entre la LNB, les juniors élites, la première ligue. C'est comme ça que nous avons pu progresser en même temps.
R.B: Chaque semaine, je jouais trois matches. Je trouvais incroyablement cool de pouvoir aller faire un match de première ligue, à l'époque. Entre nous, l'entente a toujours été très collégiale.
L.G: Bien sûr qu'il y avait une lutte pour être le meilleur. Mais ensuite, notre petite différence d'âge (ndlr Berra est de janvier 1987 et Genoni d'août 1987) fait que Reto a plus rapidement eu des chances de jouer en LNB et même en LNA. T'as même joué en play-off avec Zurich à 19 ans, non?
R.B: Sporadiquement, oui. Mais Ari Sulander était beaucoup trop fort.
L.G: Et on a dû partir à cause de lui, justement.

Parlez-moi de ce transfert à Davos. Qui a signé en premier?
L.G: C'est Reto!
R.B: Tu venais de jouer la Coupe Spengler avec eux, je suis sûr qu'oralement il y avait déjà un accord. Mais c'est vrai que je suis le premier à avoir signé mon contrat.
L.G: Ca date tellement. Rends-toi compte, c'était il y a 17 ans. En 2007. Mais c'est vrai que pour une raison dont je ne suis pas capable de me souvenir, tout s'était décidé très rapidement. Est-ce que le départ de Jonas Hiller en NHL était déjà clair? En tout cas ils avaient deux places à repourvoir et ils nous ont fait monter les deux à Davos.
R.B: Arno (ndlr Del Curto, entraîneur à l'époque) m'avait dit que le plan était très clair et que si je signais, Leo serait là aussi.
L.G: Je crois qu'à Zurich, ils n'étaient pas tant contents (rires).

De l'extérieur, on a l'impression que vous êtes très proches l'un de l'autre vu que vos deux noms sont toujours associés. Mais vous vous voyez hors du hockey?
L.G: Reto est plus proche de mon frère que de moi. Plus tôt, je pense que nous avions plus de contacts. En même temps, Fribourg ça fait un bout pour moi (rires).
R.B: Durant la saison, on s'envoie un SMS ou l'autre. Mais notre connexion ainsi que notre confiance mutuelle est telle qu'on se comprend presque sans trop avoir besoin de se parler. On peut passer tout un championnat sans avoir de contact, mais dès qu'on se revoit en équipe de Suisse, c'est comme si on était resté très proches. Je ne sais pas comment l'expliquer. Mais il a une famille, moi, je fais mes trucs. On est forcément un peu plus occupés qu'il y a 15 ou 20 ans. Mais de manière quasi innée, on sait à quel point on est proches.

Vous avez fait un pacte d'arrêter en même temps?
L.G: Non non, on n'a rien prévu de tel. Mais je suis surtout très content de voir qu'il est revenu si fort après sa grave blessure. C'était vraiment quelque chose de sérieux. J'ose le dire comme ça?
R.B: Oui, tu peux. Ce n'est pas un secret.
L.G: Je dois avouer que je n'avais que rarement vu Reto avec un tel rayonnement que depuis le début de cette saison. C'est comme s'il avait rajeuni de cinq années en une opération.
R.B: Comme je l'ai dit dans une récente interview, cette blessure m'a profondément changé. Ca peut paraître bizarre, mais j'avais comme un pied hors du hockey à un moment. J'avais sincèrement ce sentiment que cette saison pouvait être The Last Dance pour moi et j'ai tout fait pour en profiter. Et quand tu vois à quel point cela peut aller vite, c'est impossible de pouvoir planifier quoi que ce soit. Chacun doit regarder pour lui-même.
L.G: C'est important ce que tu dis. Ce n'est finalement pas une question d'envie, mais vraiment de joie. Quand tu n'as plus cette joie, car les douleurs sont trop grandes, il faut se demander si cela vaut la peine de continuer. Mais j'ai été impressionné durant toute cette saison. J'avais l'impression de voir un autre Reto devant le filet, que ce soit lorsque l'on s'est affrontés ou à la télé. Mais on n'est pas naïfs. On sait qu'il ne nous reste pas 15 ans à jouer. En tout cas pas moi (rires).

Leonardo, tu arrives à me dire ce que Reto fait de mieux que toi?
L.G: Sa grande volonté d'arrêter le puck même dans des positions impossibles.
R.B: (rires) Comment ça?
L.G: Regarde les Top 10 des arrêts en fin de saison. Tu es toujours deux ou trois fois. Moi? C'est sûr que je ne vais jamais y apparaître. C'est impressionnant, car peu importe à quelle distance du puck il est, il va toujours se battre pour essayer de l'arrêter. C'est sa plus grande force.

Et Reto, que fait Leonardo mieux que toi?
R.B: Ce que je lui volerais volontiers, c'est sa capacité à lire le jeu comme personne d'autre. J'adorerais être capable d'être aussi patient que lui. Leo sait rester très très longtemps debout. Peu importe ce que pensent les entraîneurs de gardien et comment ils veulent peaufiner son jeu, lui, il fait son truc. Ça me fascine.
L.G: (rires) Bien vu.
R.B: Mais tu as toujours été comme ça. Depuis la première fois que je t'ai vu, tu as fait les choses à ta façon et cela montre une sacrée confiance en toi. C'est ce qui m'impressionne le plus dans ta personnalité. Et tu fais ça depuis... (il pouffe) Depuis plus de 20 ans.
L.G: Moi, il me manque un truc que toi, tu as réussi à faire dans ta carrière.
R.B: C'est quoi?
L.G: Marquer un but. Toi tu l'avais fait en Amérique du Nord et moi jamais.

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