7 médailles d'or, 7 secrets
Pourquoi la Suisse sportive est plus forte que jamais

La Suisse a remporté 14 breloques dont 7 fois l'or aux Jeux olympiques de Pékin. Une nouvelle marque de référence: jamais notre pays n'avait réussi une telle moisson. Décryptage d'un conte hivernal qui ne doit pas grand-chose au hasard.
Publié: 20.02.2022 à 14:51 heures
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Dernière mise à jour: 20.02.2022 à 15:29 heures
Emanuel Gisi

Depuis un demi-siècle, on rabâche cette marque de référence dès que les Jeux olympiques d'hiver approchent: en 1972, les Suisses avaient réussi un carton à Sapporo, au Japon. Marie-Theres Nadig (deux fois), Bernhard Russi et l'équipage de bob à quatre (Wicki, Leutenegger, Camichel, Hubacher) s'étaient parés d'or.

L'Asie convient décidément bien aux athlètes suisses. Même s'ils ont été disputés dans des conditions particulières, les JO de Pékin auront aussi droit à une page spéciale dans l'histoire du sport helvétique. La délégation rouge et blanche rentre au pays avec sept médailles d'or, deux médailles d'argent et cinq médailles de bronze. Jamais la Suisse n'avait été aussi haut au classement des breloques.

Certains rabat-joie pourraient objecter qu'il y a quand même bien plus de compétitions qu'auparavant. Et c'est vrai: les chances de remporter 14 médailles olympiques cette année étaient plus grandes qu'en 1988, lorsque les Suisses avaient réussi le record de 15 podiums. Dans l'Ouest canadien, 138 médailles étaient en jeu dans 46 compétitions, alors que 327 athlètes sont revenus auréolés de Pékin (pour 109 épreuves).


Mais les breloques que les Suisses ramènent cette année sont particulièrement prestigieuses. Beat Feuz, Lara Gut-Behrami, Marco Odermatt et Michelle Gisin ont raflé la mise en descente, en super-G et en géant, des compétitions phares du sport roi, le ski alpin. Les deux médailles de Mathilde Gremaud en ski freestyle ont été acquises face à une concurrence très rude, à commencer par le prodige local Eileen Gu. Cette fois, la Suisse n'a pas tablé sur des nouveaux sports pour acquérir des médailles «bon marché».

Avec deux médailles dont un titre olympique, Mathilde Gremaud a marqué ces joutes de son empreinte.
Photo: keystone-sda.ch

Quelles sont les raisons de ce succès? Blick en a identifié sept, comme autant de récompenses dorées (gravées de 24 points pour marquer cette 24e édition des JO d'hiver).

1 — Les surdoués

La Suisse peut compter sur des athlètes exceptionnels. «Quelle génération affamée!», s'enthousiasme Hippolyt Kempf, enseignant et chercheur sur le thème du sport de performance à la Haute école fédérale du sport de Macolin. «Les athlètes sont très forts et au sommet de leur performance à l'âge parfait», résume celui qui avait conquis l'or en 1988 en combiné nordique.

Avec Marco Odermatt et Beat Feuz, notre pays compte le meilleur skieur du moment et le meilleur descendeur. Tout comme Mathilde Gremaud, qui a su tirer le meilleur d'elle-même lorsque cela a compté. Pour le chercheur, la moisson helvétique aurait pu être encore plus importantes. «Dans des disciplines comme les Aerials ou le ski de fond, il a manqué très peu. Ce fut une question de malchance». Cela montre, selon Hippolyt Kempf, l'étendue de «l'armada» suisse.

Marco Odermatt, le meilleur skieur de l'hiver.
Photo: Keystone

2 — L'instinct du tueur

Pendant longtemps, l'important était de participer. La Suisse envoyait une délégation aux Jeux olympiques, et ceux-ci étaient contents d'y être. Peu importe ce qui se passait sur place. En 1992, à Albertville, notre pays avait atteint un «plus bas» historique avec trois médailles seulement. «Au même titre que la neutralité, la modestie a toujours été une vertu suisse de l'Après-Guerre», rappelle le psychologue du sport Jörg Wetzel.

Selon l'auteur de «L'or - la force mentale au service de la meilleure performance», cela n'a pas aidé les athlètes à se surpasser. «L'estime de soi, la confiance et la résilience sont des valeurs fondamentales pour des prestations de haut-vol. Nos athlètes ont énormément progressé en la matière.»

Si Jörg Wetzel voit parfois les vieux démons suisses revenir, il salue les breloques ramenées de Pékin par certains athlètes partis favoris du pays. «Conquérir une médaille que les gens pensent acquise à votre cause est compliqué. Il faut un instinct de tueur.» Le Bernois note que les sportifs suisses ont fait preuve de beaucoup de force mentale durant ces «Jeux pandémiques»: jamais la santé mentale n'avait été aussi importante.

Jörg Wetzel, coach mental.
Photo: Esther Michel

3 – Les athlètes femmes montrent la voie

Neuf des quatorze médailles de Pékin sont à mettre sur le compte des femmes. Ce n'est pas un hasard: lors des Jeux de Tokyo l'été dernier, la Suisse avait déjà remporté trois titres olympiques, mais aucun homme n'avait réussi à décrocher l'or. En athlétisme, une Suissesse a atteint quatre fois la finale olympique, alors qu'aucun homme suisse ne peut se targuer d'un tel succès.

La promotion des femmes dans le sport suisse a fait des progrès considérables ces dernières années. Là où le bât blesse encore: les entraîneuses et les fonctionnaires sont encore nettement moins nombreuses que les hommes. Cela prendra encore du temps; l'objectif de la ministre des sports, Viola Amherd, qui souhaite que 40% des postes de fonctionnaires dans les fédérations sportives suisses soient occupés par des femmes d'ici 2024, sera difficile à tenir.

Mathilde Gremaud, toujours là lorsque cela compte.
Photo: Keystone

4 — Les entraîneurs

Demandez à qui vous le souhaitez: vous n'obtiendrez que des compliments vis-à-vis du chef de la délégation Ralph Stöckli. L'ancien curleur a su créer un climat constructif qui traverse les disciplines. Les entraîneurs, quel que soit le sport, y contribuent largement. «Ce sont pour la plupart des gens expérimentés qui s'acceptent mutuellement, analyse le psychologue Jörg Wetzel. Ils n'ont pas besoin de s'affirmer, mais travaillent de manière à trouver des solutions et, même dans les sports individuels, ils attachent beaucoup d'importance à ce que le travail se fasse en équipe. Cela se révèle payant.»

L'ancien curleur Ralph Stöckli a eu le sourire aux lèvres durant toute la compétition.
Photo: Keystone

5 — La technologie

Pour les sports de neige en particulier, la coopération entre les disciplines a été très pointue à Pékin: suivi GPS, suivi météo, prévisions, service de fartage, calcul des conditions d'enneigement... L'anticipation a été plus professionnelle que jamais. «Nous avions cinq ou six personnes sur place qui ne faisaient rien d'autre que de faire des analyses, de préparer des données et d'aider les entraîneurs et les personnes chargées du service», révèle Hippolyt Kempf. Quel impact dans les résultats obtenus? «Impossible à chiffrer», selon l'ancien champion olympique. Mais une certitude tout de même: la Suisse a mis toutes les chances de son côté.

Hippolyt Kempf est lui-même multiple médaillé olympique.
Photo: Keystone

6 — La politique vis-à-vis du Covid

C'est une conséquence indirecte, mais la position plutôt libérale de la Suisse vis-à-vis de la pandémie a profité aux sportifs suisses. Alors que dans de nombreux endroits, les mesures sanitaires ont perturbé la préparation des athlètes, les représentants de notre pays ont pu faire presque abstraction. «Notre gouvernement a toujours cherché la moins mauvaise des solutions, à nous laisser autant que possible faire du sport. Il faut lui rendre hommage», estime Hippolyt Kempf.

L'automne dernier, lorsque les skieurs français ou italiens avaient prévu de s'envoler vers l'Argentine pour s'entraîner, le Covid a rendu tout voyage impossible. Pendant ce temps, les Suisses pouvaient enchaîner les manches dans des conditions optimales à Zermatt, se permettant même d'accueillir leurs concurrents pour quelques jours.

À Zermatt, les skieurs peuvent s'entraîner toute l'année.
Photo: Keystone

7 — Le triomphe de Swiss-Ski

Le ski restera le mot-clé de Pékin 2022. Toutes les médailles suisses de ces Jeux olympiques ont été remportées par Swiss-Ski! Qu'il s'agisse des skieurs alpins, des snowboardeurs (Jan Scherrer) ou encore du freestyle (Mathilde Gremaud), c'est la même fédération qui a triomphé. «Elle dispose d'excellentes structures, a relevé la légende autrichienne Karl Frehsner auprès de Blick. Et même si je sais que de nombreuses personnes n'aiment pas l'entendre, ce mérite va surtout à Urs Lehmann.»

Le président de Swiss-Ski a fait en sorte que l'on puisse augmenter le chiffre d'affaires de près de 39 millions à 60 millions de francs depuis 2010. De l'argent qui profite au sport. Ainsi, en mars dernier, Swiss-Ski a pris le relais lorsque la Coupe du monde de ski de fond d'Oslo a été annulée et que des courses de remplacement ont été organisées en quelques jours en Engadine. Pour cela, la fédération de ski compte sur un vaste réseau de donateurs qui ont également pu intervenir lors de la pandémie.

Urs Lehmann a contribué au renouveau du ski suisse.
Photo: Keystone
Le Top 5 des JO d'hiver pour la Suisse

1. Pékin 2022 (14 médailles)
Or 7 / Argent 2 / Bronze 5

2. Sotchi 2014 (11 médailles)
Or 7 / Argent 2 / Bronze 2

3. Vancouver 2010 (9 médailles)
Or 6 / Argent 0 / Bronze 4

4. Pyeongchang 2018 (15 médailles)
Or 5 / Argent 6 / Bronze 4

5. Calgary 1988 (15 médailles)
Or 5 / Argent 5 / Bronze 5

1. Pékin 2022 (14 médailles)
Or 7 / Argent 2 / Bronze 5

2. Sotchi 2014 (11 médailles)
Or 7 / Argent 2 / Bronze 2

3. Vancouver 2010 (9 médailles)
Or 6 / Argent 0 / Bronze 4

4. Pyeongchang 2018 (15 médailles)
Or 5 / Argent 6 / Bronze 4

5. Calgary 1988 (15 médailles)
Or 5 / Argent 5 / Bronze 5

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