La perchiste vise les étoiles
Angelica Moser, toujours plus haut

Angelica Moser est la détentrice du record de Suisse du saut à la perche. À Paris, elle va participer à ses troisièmes Jeux olympiques. Et jamais elle n'a été autant proche de réaliser une performance exceptionnelle. Portrait.
Publié: 04.08.2024 à 12:00 heures
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Matthias DavetJournaliste Blick

La Salle de la Fin du Monde de Macolin subit quelques rénovations. Difficile de comprendre par quelle entrée il faut passer pour y pénétrer, sauf pour Angelica Moser, qui a fait de ce lieu sa deuxième maison. La perchiste en connaît tous les recoins… et possède le badge pour y se faufiler à l'intérieur. Heureusement.

Une fois dans la salle et un peu plus loin d'un cours d'épée, il y a le terrain de jeu d'Angelica Moser: la piste, ses perches, ainsi qu'une barre à 4m50. L'endroit idéal pour revenir sur le parcours de l'athlète zurichoise, récente championne d'Europe et détentrice du record de Suisse.

Et tout a commencé le 9 octobre 1997… aux États-Unis. «Je suis née au Texas, car mon papa y a travaillé deux ans, nous explique Angelica Moser. J'ai eu le passeport américain, mais je l'ai redonné à 18 ans – on n'a pas du tout de famille là-bas.» Puis, à l'âge de 1 an, la petite Angelica passe également six mois de sa vie à New York «mais je ne m'en souviens pas du tout», sourit-elle. Depuis, elle est retournée en voyage dans la Grande Pomme «mais à Dallas, seulement à l'aéroport». Dans un français presque parfait – merci à son professeur de l'époque –, celle qui réside dans le Jura nous retrace son parcours.

Angelica Moser est championne d'Europe de saut à la perche.
Photo: Adrien Perritaz

Elle a suivi sa sœur

La Zurichoise vient d'une famille de sportifs: le père d'Angelica, Severin Moser, a participé au décathlon des Jeux olympiques de Séoul en 1988. Sa mère, Monika, a pris part à des compétitions d'heptathlon, de 400 m et de marathon à haut niveau. Angelica et sa grande sœur Jasmine ont donc testé de nombreux sports quand elles étaient petites. L'athlétisme, forcément. Le handball, pourquoi pas. Mais c'est avec la gymnastique artistique qu'elles ont eu un coup de foudre. «Moi, je l'ai surtout suivie, se marre Angelica Moser en parlant de sa sœur. Et ça n'a pas dérangé nos parents, même si je pense qu'ils sont heureux qu'on soit revenu à l'athlétisme.» Car, après 13 ans de gymnastique et un assez bon niveau, elle doit faire un choix: la gymnastique ou la perche. En effet, la jeune Angelica a trouvé un autre amour dans le sport: celui de sauter haut. Très haut. À nouveau, elle a suivi Jasmine qui a commencé quelque temps avant elle à s'envoler.

«D'avoir fait de la gymnastique m'aide beaucoup, surtout pour avoir des repères en l'air, décrit la récente championne d'Europe. Mais je dois bien t'avouer que je ne me souviens pas de mon tout premier saut.» Par contre, elle peut décrire avec précision pourquoi elle a choisi ce sport si particulier: «C'est la discipline la plus fascinante de l'athlétisme, martèle-t-elle. C'est si technique et on travaille tout à l'entraînement. Et bon, voler à 4m78, c'est cool.» Au moment de notre entretien à Macolin, il s'agissait du record personnel d'Angelica Moser. Sauf que mi-juillet, elle a amélioré à deux reprises cette marque au Meeting de Diamond League de Monaco. Désormais, elle peut dire que «voler à 4m88, c'est cool».

Troubles alimentaires et grosse chute

Mais pour y arriver, tout n'a pas été rose dans la carrière d'Angelica Moser. Certes, dès le plus jeune âge, elle avait d'excellents résultats. «J'ai toujours rêvé des Jeux olympiques. D'ailleurs, dans une interview en 2012, je viens de commencer la perche et je dis que je veux participer aux JO de Rio. Tout le monde me dit que c'est trop tôt.» Sauf qu'en 2016, Angelica Moser est au Brésil pour ses premiers Jeux.

Tout semble bien se dérouler dans sa carrière et elle continue de monter toujours plus haut. Mais le Covid la freine. Plus tard, elle révèlera qu'elle a souffert de troubles alimentaires durant cette période. «Là, tout va bien, je n'ai plus de souci avec ça, rassure-t-elle. Et cet épisode prouve aux jeunes que, même nous qui sommes athlètes de haut niveau, nous devons nous battre avec des problèmes. Et ce n'est pas une honte si on a besoin d'aide.»

Angelica Moser va-t-elle accéder à la finale aux JO?
Photo: Getty Images

Après avoir surmonté ce défi, Angelica Moser est à nouveau d'attaque: juste avant les Jeux olympiques de Tokyo, elle décroche le titre de championne d'Europe en salle. De bon augure pour le Japon. Sauf que là, elle manque la finale. «C'est vraiment une énorme déception pour moi. Mais ça m'a motivée à travailler encore plus dur pour montrer ce que je sais faire à Paris», explique-t-elle. Problème: en rentrant de Tokyo, elle veut directement ressauter et, lors du premier entraînement, se blesse gravement à cause d'une perche brisée. «On n'a jamais su pourquoi, mais on pense que ça peut être lié au voyage de retour.» Le verdict est impressionnant: pneumothorax, déchirures de fibres musculaires et le bras gauche est comme paralysé pendant un certain temps.

«Directement, je voulais sauter à nouveau, détaille Angelica Moser. Mais les médecins m'ont dit que je pouvais m'estimer heureuse d'encore marcher.» Après plusieurs mois de pause et quelques autres blessures, elle a retrouvé son meilleur niveau. De quoi lui permettre de décrocher l'or aux Européens de Rome, le plus beau résultat de sa carrière… jusqu'à présent. Car à Paris, la Zurichoise a la possibilité de réaliser quelque chose de grand. Et, pourquoi pas, pouvoir dire juste après ces JO: «Voler à 4m90, c'est cool.»

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