Retour sur les JO de 1924 à Paris
Il y a 100 ans, le sport suisse célébrait déjà ses héros

Le 26 juillet, le coup d'envoi des Jeux olympiques de Paris sera donné. L'occasion également de célébrer le centenaire des JO de 1924, organisés eux aussi dans la capitale française. Blick revient sur cet événement considéré comme un tournant dans l'histoire du sport.
Publié: 08.07.2024 à 14:22 heures
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Patrick Mäder

La scène est considérée comme l'une des plus iconiques de l'histoire de la télévision allemande. En 1971, Johnny Weissmuller – célèbre dans le monde entier pour son rôle de Tarzan dans les années 30 et 40 – est invité de «Aktuellen Sportstudio», l'émission du samedi soir de la ZDF. La star est accompagnée son épouse Maria Baumann et d'un chimpanzé nommé Cheetah. Sur le plateau, l'animateur lui fait remarquer que son fils, Johnny Junior, est un bon nageur et qu'il ressemble à son père quand soudain, le chimpanzé arrache la perruque blonde de Maria Baumann. La scène fait rire Johnny Weissmuller aux éclats, sa femme aussi prend la chose avec humour. Une scène qui peut encore être visionnée aujourd'hui sur Youtube.

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Mais Johnny Weissmüller n'était pas seulement un drôle de gars et une incarnation mythique de Tarzan. Il était surtout un nageur sensationnel. Le premier à réaliser le 100 mètres crawl en moins d'une minute. En 1924, il a remporté trois médailles d'or en natation et le bronze en water-polo aux Jeux olympiques de Paris. Plus tard, deux autres médailles d'or sont venues s'y ajouter.

Victoires et drames des superstars

Outre Johnny Weissmuller, Paavo Nurmi a également marqué les esprits aux JO il y a 100 ans. Ce coureur finlandais d'exception a remporté cinq médailles d'or à Paris, dont une en 5000 mètres, qu'il a décrochée 50 minutes seulement après avoir remporté le 1500 mètres. Les deux superstars de l'époque sont décédées il y a longtemps. Weissmuller a été mis sous tutelle en 1979 et placé dans une maison de retraite pour acteurs hollywoodiens appauvris. Il est décédé en 1984 à Acapulco (Mexique) après plusieurs attaques cérébrales.

Johnny Weissmüller (à gauche) et le nageur hawaïen Duke Kahanamoku pendant les épreuves de 1924 à Paris.
Photo: IMAGO/AAP
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Quant à Nurmi, il a été suspendu à vie par le CIO en 1932 pour ne pas avoir respecté le statut d'amateur. On lui reprochait d'avoir touché trop d'argent pour les frais de voyage. Une sanction qui a empli le Finlandais d'amertume. Hémiplégique, presque aveugle et marqué par la dépression, Nurmi est mort en 1973 à Helsinki.

Au total, cet athlète d'exception a remporté neuf médailles d'or en tant que coureur. Trois d'entre elles ont été décrochées en 1924, au Stade Olympique Yves-du-Manoir à Colombes, à dix kilomètres au nord-ouest du centre de Paris. L'enceinte pouvait accueillir 45'000 spectateurs et elle constituait le principal lieu d'organisation des compétitions. Cent ans plus tard, elle hébergera à nouveau une épreuve olympique – en hockey sur gazon. Le stade, dont la capacité a été réduite à 15'000 places assises, a été rénové à cette occasion pour un montant dépassant les 100 millions d'euros. Son gazon naturel a quant à lui été remplacé par un terrain de hockey en gazon synthétique bleu.

La naissance du village olympique

Le village olympique se trouve aujourd'hui à environ neuf kilomètres du stade. Il est si grand qu'il s'étend sur trois communes différentes – Saint-Denis, Saint-Ouen et sur l'Île-Saint-Denis, aux portes de Paris. 25'000 athlètes y prendront place: 14'500 pendant les Jeux olympiques et 9000 pendant les Jeux paralympiques qui suivront. Tous jouiront de tout le confort dont un sportif peut rêver.

Il y a 100 ans, la donne n'était pas la même. Pour la première fois, les sportifs étaient accueillis dans un village olympique, avec quelques baraques en bois, un coiffeur et un guichet postal pour les lettres et les télégrammes. Un peu plus de 3000 athlètes, dont seulement 4% de femmes, s'y étaient alors installés. En 1900, pour les premiers JO organisés à Paris, on comptait 22 femmes parmi les 997 participants (2,2 %). C'était là la première fois qu'elles étaient admises aux Jeux olympiques. Cette année, femmes et hommes seront en nombre égal: autant d'athlètes féminins que de sportifs masculins, pour autant de disciplines et autant de lors de médailles. Le CIO a fixé des critères d'équité entre les sexes, quitte à mettre ainsi les autres fédérations sportives dans l'embarras.

La délégation suisse comptera environ 120 athlètes. Fait surprenant: il y a 100 ans, ils étaient 127, donc plus. En revanche, seulement cinq femmes composaient la délégation. Lors de ces JO, les Suisses ont remporté le gros lot en gymnastique, avec deux médailles d'or, deux d'argent et trois de bronze. Les autres médailles d'or ont été glanées en aviron, en lutte et en équitation. Au total, la Suisse a raflé sept médailles d'or. Huit médailles d'argent et dix médailles de bronze sont venues se greffer à ce palmarès. Mais à l'époque, l'importance des deuxième et troisième places était bien moindre qu'aujourd'hui.

Le miracle du football suisse

Malgré cela, les footballeurs helvétiques ont eu droit à une grande réception à Bâle à leur retour de Paris. A l'époque, le football était le sport le plus important des Jeux olympiques: il n'y avait ni Coupe du monde (première édition en 1930), ni Euro (première édition en 1960). La Suisse avait réalisé l'un des exploits du siècle en parvenant à se hisser en finale, avant de s'incliner contre l'Uruguay.

Une performance sensationnelle que personne n'aurait pu prédire. Raison pour laquelle l'hôtel de l'équipe n'a été réservé que jusqu'aux huitièmes de finale. Le billet de retour en train expirait quant à lui après seulement dix jours de compétition. Les Suisses de l'attaquant vedette Max «Xam» Abegglen – qui donnera son nom au club Neuchâtel Xamax – risquaient de manquer d'argent à Paris et seule une collecte de fonds au pays a permis de sauver l'aventure olympique et donc la médaille d'argent. Et comme la Suisse était le pays européen le mieux classé, elle a été désignée sour l'appellation de championne d'Europe. Cet été en revanche, la Suisse ne participera pas aux Jeux olympiques de football. En 2023, les rougets ont manqué la qualification pour les JO de Paris lors de l'Euro des moins de 21 ans.

La malchance du recordman du monde suisse

Nation dominante en 1924, les Etats-Unis ont raflé 99 médailles. L'athlète suisse Joseph Imbach voulait lui aussi en remporter une. Lors de la demi-finale du 400 mètres, il s'est lancé comme s'il était poursuivi par un tigre affamé. En franchissant la ligne après seulement 48,00 secondes, le Lucernois établissait même un nouveau record du monde sur la piste. En finale, il s'est toutefois présenté dans un état désolant. Titubant, le Suisse a vomi et est même tombé pendant la dernière ligne droite. Si bien qu'il a fini par être le dernier à atteindre la ligne d'arrivée. Aux origines de cette contre-performance? Une... omelette qui lui a saboté l'estomac.

Né en 1894 à Lyss, dans le canton de Berne, Joseph Imbach n'était pas seulement un excellent coureur, il était également un superbe cycliste. Coureur et cycliste? Pas seulement. Il jouait aussi au poste d'attaquant aux Kickers Luzern dans la plus haute ligue de football du pays. À son apogée, il était considéré comme un sportif suisse d'exception. Il est mort en 1964, trois mois avant son 70e anniversaire, dans l'oubli et la pauvreté.

Un tournant dans l'histoire du sport

Les JO de 1924 sont généralement considérés comme un tournant dans l'histoire du sport. Pour la première fois, les compétitions ont attiré l'attention du monde entier. Autre fait inédit: les compétitions étaient couverte en direct depuis une montgolfière par un journaliste radio. D'ailleurs, plus de 1000 journalistes avaient fait le déplacement. Les Jeux olympiques de Paris, ce sont également ceux des premiers débordements en tribunes: des supporters de l'équipe française de rugby s'en sont pris ainsi à des spectateurs américains et des milliers de personnes ont envahi le terrain. C'est notamment à cette époque que l'on a pris conscience de la nécessité de mieux protéger les athlètes.


En 2024, jusqu'à 45'000 policiers et gendarmes français seront déployés chaque jour à Paris. En outre, 18'000 soldats seront mobilisés et quelque 20'000 agents de sécurité privés seront sur le terrain. Les JO et la Coupe du monde de football sont depuis longtemps considérés comme les plus grands événements sportifs du monde. En juillet et en août, Paris ressemblera à une base militaire hautement sécurisée. Si la menace terroriste est énorme, l'espoir de voir les matches se dérouler dans la paix prend tout de même le dessus.

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