C'est bien bio
Pourquoi les chefs veulent tous leur petit jardin?

Pratiques pour glaner quelques herbettes fraîches et carrément inspirants quand il s’agit imaginer des recettes locales et de saison, les potagers de chefs ne se cachent plus.
Publié: 08.09.2024 à 11:36 heures
Jennifer Segui

C’était le mois dernier sur le profil Instagram de Danny Khezzar. En balade sur la côte d’Azur, le plus sheesh des chefs de cuisine romands, à la tête du Bayview à Genève, faisait escale dans ce qui est considéré comme l’un des meilleurs restaurants du monde, le Mirazur, à Menton. Si la caméra du cuisinier rappeur nous faisait bien sûr saliver devant la créativité et les dressages de Mauro Colagreco, triple étoilé depuis 2019, voilà qu’elle nous emmenait dans un endroit un peu plus inhabituel: le potager du chef.

Ce n'est pas un cas isolé, mais une véritable tendance de fond. Colagreco au bord de la Méditerranée, Glenn Viel en Provence ou encore Alain Passard et ses potagers normands… nombre de tables multiétoilées puisent dans leurs terres attenantes ou éloignées les précieux ingrédients de leurs menus.

Des jardins extraordinaires qui deviennent même les grands ordonnateurs de recettes devenues cultes, comme le Gargouillou de jeunes légumes du chef aveyronnais Michel Bras, sorte de patchwork gourmand croquant de végétaux cueillis du jour. Là-bas ou ici, en Suisse romande, au bord du lac, en forêt ou dans les pâturages, les potagers essaiment. Pour le plus grand bonheur des cuisiniers-jardiniers et de leurs hôtes.

Le chef César Troisgros, 3 étoiles Michelin, dans le potager de son restaurant Le Bois sans Feuilles.
Photo: AFP
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Le terrain de jeu lunaire de Mauro Colagreco à Menton

Pour la brigade du restaurant le Mirazur, sorte de rotonde posée à flanc de colline à deux pas de la frontière italienne, la tâche n’est pas facile. Couronnée de trois étoiles Michelin et de la note de 18 sur 20 au GaultMillau, élevée au titre de meilleur restaurant du monde en 2019 par le classement The World’s 50 Best Restaurant, la table de Mauro Golagreco fait le pari de proposer une carte calquée non pas sur les quatre saisons, mais sur les phases de la lune.

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Selon les phases de l’astre nocturne, le choix des végétaux, voire de leurs parties, est différent. Un jour racine, un jour feuille, une autre fleur. Pour décider des recettes, et donc des menus qui peuvent changer chaque jour, le chef et son équipe puisent dans les cinq jardins à leur disposition: le jardin des aromatiques attenant au restaurant où poussent fleurs, herbes et fruits, le jardin rosmarino, autour de la maison du chef avec ses 150 espèces végétales dont 30 de tomates, le jardin de la ville et un autre d’oliviers et de fruitiers.

Le potager royal de Patrice Vander à Evian

De Lausanne, il suffit d’une bonne paire de jumelles pour l’apercevoir. Là-bas, de l’autre côté, l’hôtel Royal trône fièrement au milieu d’un îlot de verdure accroché sur la ville. Au cœur de ce parc de 19 hectares, en contrebas de l’hôtel, les jardiniers du lieu et le chef Patrick Vander, à la tête du restaurant étoilé Les Fresques, ont créé un jardin potager de 3000 mètres carrés façon potager royal, cerné de buis taillés.

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Herbes aromatiques, mais aussi petits fruits, légumes et fruits cultivés sans produits chimiques entrent dans la composition de certains plats. Et si ce seul espace ne suffit pas à fournir tous les végétaux nécessaires aux multiples tables de l’hôtel, il est une source d’inspiration inépuisable pour le chef qui propose toute l’année un menu Escapade Végétale largement inspiré par la récolte du jardin. Si certains produits sont plantés à sa demande, d’autres sont le fruit d'expériences jardinières, comme cette tétragone, un épinard originaire de Nouvelle-Zélande qui élargit le champ des possibles.

Le jardin champêtre de Romano Hasenauer au Mont-Sur-Lausanne

Son côté bucolique n’est plus à démontrer. On dit même que, jadis, Coco Chanel, durant son exil lausannois, aimait s'y arrêter pour y déguster un verre de lait et une part de flan. Situé au milieu d’une clairière de la forêt du Jorat, le Chalet des Enfants était une exploitation agricole jusqu’en 2004. Logique donc, 20 ans après, de trouver un très beau jardin potager attenant à l’Auberge dirigée par Romano Hasenauer.

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Sur presque 1200 mètres carrés entretenus par Jacqueline et Michel Meister, le cuisinier précurseur du circuit court fait pousser de nombreux ingrédients qui entreront dans la composition de ses plats du jour, agrémenteront certaines recettes ou constitueront la base de produits transformés sur place et vendus au marché à la ferme sis dans la dépendance de l’Auberge.

Cultivé en permaculture, légumes, herbes, salades, fruits y poussent fort bien malgré les 840 mètres d’altitude et la proximité presque immédiate de la forêt. Autonome en salades, dont les clients raffolent l’été en terrasse, le restaurant peut aussi profiter d’une belle récolte de courges pour les soupes des jours d’automne. Des ruches et une houblonnière, à la base d’une bière élaborée par la Brasserie du Jorat, complètent le panel des produits du jardin où piaillent aussi poules et canards.

Le jardinet de Fabien Pairon au Mont-Sur-Lausanne

Si le chef de l’Auberge communale du Mont-Sur-Lausanne, qui possède quelques vignes dans le Jura, se sent plus viticulteur que jardinier, le petit tour quotidien du côté du jardin situé non loin du restaurant pourtant posé au centre du village est devenu une habitude.

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«Ce jardin, à trente secondes à pied du restaurant, faisait partie du bail du restaurant quand nous l'avons repris. N’ayant pas vraiment le temps de m'en occuper, il a été confié à une association, Jardimont,» explique Fabien Pairon. Herbes aromatiques, petits fruits rouges mais aussi courgettes y sont cultivées en permaculture.»

Chaque jour, le chef et sa brigade viennent y prélever juste ce dont ils ont besoin pour la journée: «Ce que j’apprécie dans ce jardin, c’est la qualité gustative de ce qui y pousse, les propriétés organoleptiques. Plus le produit est cueilli proche du moment où il est consommé, meilleur il est».

La cueillette providentielle de Nicolas Darnauguilhem à Cerniat

Depuis Judith Baumann, féérique cuisinière qui avait fait de la cueillette sauvage dans les alentours de sa jolie Pinte des Mossettes sa marque de fabrique, ce chalet de la Gruyère ne cesse de ravir ceux pour qui les légumes ne sont pas que garnitures.

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Si Nicolas Darnauguilhem puise aussi son inspiration dans le terroir fribourgeois et dans la nature environnante, il y a quelque peu sédentarisé ses récoltes grâce à un magnifique jardin attenant qui grandit chaque année pour une cuisine de plus en plus fidèle à la philosophie «Du potager à l’assiette».

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