Pou en finir avec les polluants éternels
Le guide des meilleures poêles sans PFAS, les polluants éternels

Poêles et casseroles en téflon ou dérivés ont très mauvaise presse en raison de leur pollution et des effets sur la santé. De plus en plus de gens s'en débarrassent, mais par quoi les remplacer?
Publié: 16.05.2024 à 11:42 heures
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Dernière mise à jour: 17.05.2024 à 12:05 heures
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Fabien GoubetJournaliste Blick

Cette fois, le téflon prend une casserole. De plus en plus de gens se débarrassent de leurs ustensiles avec revêtement anti-adhérent. La raison? La présence en leur sein de «polluants éternels» (notamment les alkyls perfluorés et polyfluorés ou PFAS), dont fait partie le téflon. Ces substances chimiques sont en effet partout dans l'environnement et les organismes, avec des effets néfastes établis. Les plus récentes révélations concernant ce scandale environnemental pourraient bien enfoncer le clou dans le cercueil de ces ustensiles.

«Je n'ai jamais autant vendu d'ustensiles en inox et en fonte qu'en ce moment, assure un vendeur lausannois. C'est comme si tout le monde voulait se débarrasser de ses poêles anti-adhérentes!». Si vous aussi vous en avez du téflon ou de ses cousins, voici un guide exhaustif des matériaux de nos ustensiles favoris pour vous guider dans vos choix.

La déception des poêles anti-adhérentes

On a tous au moins une fois été transpercés par cette tristesse teintée de rage. Elle a surgi lorsqu'on s'est résignés, étouffant larmes et sanglots, à jeter à la poubelle notre poêle anti-adhérente.

Photo: Shutterstock

Pourtant, on avait été sacrément pointilleux, limite psychorigide. Marque réputée, gamme semi-professionnelle. Personne n'avait le droit d'y toucher. Et puis quoi, on l'avait entretenue avec attention en évitant comme la peste les ustensiles en métal. Et même qu'on l'avait toujours lavée à la main, avec des gestes tenant parfois de la parade nuptiale. Las, après 2 à 3 ans de bons et loyaux services, la voilà cabossée, son revêtement effrité, bref, elle est foutue, il n'y a plus qu'à l'euthanasier.

«Je l'avais pourtant pas mise au lave-vaisselle…»
Photo: creative commons

Cette fois, Blick est là pour pratiquer l'autopsie afin de comprendre pourquoi ces foutues poêles sont ces petits anges partis trop tôt. Autant vous rassurer tout de suite: ce n'est pas votre faute. C'est juste que ces ustensiles ont une durée de vie ridicule. En plus, elles n'ont de véritable intérêt que dans de rares occasions. Alors il est grand temps d'arrêter les frais.

C'est quoi le problème?

Le problème, c'est le téflon. Ce revêtement anti-adhérent est présent dans bon nombre d'ustensiles de cuisson. Le polytétrafluoroéthylène (PTFE), son vrai nom, a été inventé en 1938 par la firme chimique DuPont, devenue Chemours. Du point de vue moléculaire, c'est un plastique. Il a la particularité d'être relativement résistant à la chaleur et fortement anti-adhérent, bref, le PTFE est un matériau intéressant pour recouvrir poêles et casseroles en aluminium ou en inox, qui ont tendance à accrocher les aliments.

Le téflon a toutefois quelques défauts. Sur le plan sanitaire, il a longtemps causé l'inquiétude en raison de l'acide perfluorooctanoïque (PFOA) utilisé dans sa fabrication, une molécule cancérigène et un perturbateur endocrinien. Le PFOA est néanmoins banni des ustensiles depuis 2021 en Suisse, son usage réservé à quelques applications industrielles. Depuis, le téflon semble donc plus sûr, même si les substituts du PFOA doivent encore démontrer toute leur innocuité. Sur le plan écologique, c'est pas la joie non plus. Certains composés entrant dans sa fabrication sont connus pour leur persistance dans l'environnement.

Pour autant, bannir le téflon de votre casserolier ne rendra service ni à dame nature, ni à votre santé. D'abord parce que l'exposition éventuelle aux molécules problématiques reste très limitée dans le cas de notre cuisine (les associations de consommateurs telles que la FRC ou l'UFC-Que Choisir disent ainsi ne plus détecter de PFOA dans les poêles depuis des années). Ensuite, parce que le téflon est utilisé dans de nombreuses autres applications, du textile à la plomberie en passant par les emballages de pop-corn ou les embouts de cigarettes électroniques.

Mais si cet article vous conseille d'abandonner le téflon, outre les risques pour votre santé ou celle de Gaïa, c'est aussi parce que ce matériau n'est pas, et de loin, le meilleur choix pour cuisiner. Non seulement sa structure est si fragile qu'il s'abîme très vite quel que soit le soin que vous portez à vos casseroles, mais de plus on obtient généralement de bien meilleurs résultats justement lorsque les aliments accrochent.

Ne faites pas que cuire, cuisinez!

Prenons les viandes. Un vrai bon steak, c'est celui qui, en plus d'être à la température idéale, présente une belle croûte brune, comme nous vous l'expliquions dans notre guide du steak parfait. Cette croûte se développe bien mieux lorsque la viande accroche à la poêle. Pourquoi? Parce qu'un contact plus important favorise une meilleure réaction de Maillard, nom donné à un ensemble des phénomènes chimiques qui se déroulent lors de la cuisson.

Lorsqu'on cuit quelque chose, la chaleur transforme les acides gras, les protéines et les sucres en de nouvelles molécules avec leurs propres arômes. Certains de ces arômes, tels que celui de viande grillée, sont si puissants que quelques grammes à peine peuvent changer le goût de l'eau d'un lac de 2 mètres de profondeur et de 8 kilomètres de diamètre, apprend-on sur le site du musée de l'Alimentarium. Optimiser la réaction de Maillard, c'est en d'autres termes favoriser toues ces réactions, bref c'est faire exploser les saveurs. C'est ce que certains définissent d'ailleurs comme «la différence entre cuire et cuisiner».

Problème, cette réaction n'est pas vraiment facilitée dans une poêle anti-adhérente, où les aliments glissent sans vraiment accrocher, et dans lesquelles on cuisine généralement avec moins de matière grasse. Autrement résumé, si vous voulez concentrer les saveurs dans vos préparations, il faut chercher ailleurs. Le téflon reste toutefois intéressant pour certaines préparations, telles que celles à base d'œufs battus (omelettes, œufs brouillés, etc.), ou les poissons blancs fragiles. Pour ces utilisations-là, inutile de craquer pour une batterie d'ustensiles livrée avec une armure intégrale en téflon: une seule (petite) poêle ou casserole anti-adhérente suffit amplement.

Par quoi remplacer ses poêles en téflon?

Il est donc grand temps d'envisager de vrais matériaux durables. La fonte émaillée - marques Le Creuset, Staub, etc. - a ma préférence. Ce matériau, un alliage à base de fer revêtu d'une couche d'émail, présente d'abord l'avantage d'être fabriqué sans produit chimique suspect. Souvent de couleur noire ou beige, la fonte émaillée donne des aliments bien dorés, caramélisés si nécessaire. Le matériau se bonifie avec le temps en accumulant une fine patine en surface. La fonte émaillée emmagasine et restitue parfaitement la chaleur. On peut donc cuire ses aliments avec un moindre feu. Très lourdes, ces poêles ont aussi l'avantage de muscler les bras, ce que certaines mauviettes verront cependant comme un problème.

Au rayon des petits inconvénients, l'entretien des ustensiles en fonte émaillée est un tout petit peu plus délicat. Bien qu'ils passent parfaitement au lave-vaisselle, leur poids et leur encombrement les fait mal tenir dedans. Mieux vaut de toute façon laver ces poêles à la main afin de les faire durer (la chaleur et les sels du lave-vaisselle peuvent à la longue altérer les métaux).

Elles sont aussi plus chères à l'achat, un point à toutefois relativiser. Certes, une poêle en Téflon de 28 centimètres ne coûte qu'une trentaine de francs, alors qu'une Le Creuset tutoie les 200. Mais puisqu'elles ont la capacité de durer toute la vie, l'investissement en vaut la peine.

Rien de tel que le fer

Autre alliage métallique à base de fer, l'acier obtient souvent les faveurs des chefs. Y compris du nôtre. Michel, notre rédacteur-en-chef, ne tarit pas d'éloges à propos de sa poêle en acier chérie. Fin connaisseur, il vante les «belles réactions de Maillard» qu'il obtient avec. Michel souligne enfin «l'aspect écolo» de l'objet, «durable» et ne nécessitant «pas de savon» pour la nettoyer.

Pas de savon? Et non! A la différence de la couche d'émail précédemment évoquée, casseroles et poêles en acier (ou celles en fonte non émaillée) ne disposent d'aucun revêtement protecteur, ce qui les rend sensibles à l'oxydation et les fait accrocher. Il faut donc se résoudre à les culotter, un procédé dans lequel on chauffe de la matière grasse dans la poêle. Ceci entraîne une réaction de polymérisation des acides gras et de l'alliage de fer qui crée un revêtement protecteur et anti-adhérent. Pour ne pas le détruire, on déconseille de laver ces poêles avec du liquide vaisselle - faute de quoi tout est à refaire.

«Le culottage demande plusieurs utilisations, et il faut ensuite huiler le fond après chaque utilisation», confirme notre chef. Si contrairement à lui, vous n'avez aucune envie de bichonner votre poêle avec amour, passez donc votre chemin. Les poêles en acier sont enfin peu onéreuses: comptez à partir d'une septantaine de francs pour un modèle De Buyer de 28 centimètres.

Outre ces deux matériaux, on rencontre aussi des ustensiles en cuivre. Ce métal a d'excellentes propriétés thermiques, et nombre de chefs ne jurent que par lui, mais il reste cher et délicat à retenir. Mais c'est une autre option bien meilleure que le téflon que je n'ai pas encore eu l'occasion d'essayer.

Une petite expérience

Pour examiner la différence de cuisson entre deux revêtements, j'ai cuit en parallèle deux filets de poulet dans deux poêles, l'une avec revêtement anti-adhérent, l'autre en fonte émaillée.

Fonte émaillée
Photo: Fabien Goubet
Poêle anti-adhérente.
Photo: Fabien Goubet

Première différence constatée, celle en fonte était beaucoup plus chaude. J'ai dû baisser le feu pour obtenir la même chaleur que sur la poêle anti-adhérente. Deuxième constat au bout de quelques minutes, lorsque j'ai retourné les escalopes: la poêle en fonte a produit une croûte bien plus aboutie, plus colorée, plus régulière sur toute la surface, tandis que l'autre était beaucoup plus parcellaire, avec des taches brunes ça et là.

En fin de cuisson, la poêle anti-adhérente ne présentait pratiquement aucun suc, tandis que celle en fonte en avait bien davantage. Autant de preuves d'une excellente réaction de Maillard dans la poêle en fonte, et de sa quasi-absence avec le téflon.

Photo: Fabien Goubet
Pratiquement aucun suc dans la poêles anti-adhérente
Photo: Fabien Goubet

Pour conclure honnêtement, la différence entre les deux filets de poulet dans l'assiette n'était pas astronomique. Le principal avantage de la fonte et de l'acier, selon moi, c'est leur durabilité face à l'épreuve du temps. Le reste, c'est du bonus. Cette petite croûte et la possibilité de faire une sauce par déglaçage sont certes deux détails, mais ils élèvent le niveau des plats et les font passer dans la ligue supérieure. Du matériel vraiment durable et qui donne des plats plus savoureux: n'est-ce pas finalement ce que nous cherchons tous en cuisinant?

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