Un menu 100% abats!
On a trouvé le resto le plus décalé pour la Semaine du goût

Le restaurant lausannois Comac met les abats à l'honneur dans un menu délirant, imaginé et préparé par deux chefs créatifs.
Publié: 14.09.2022 à 17:30 heures
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Dernière mise à jour: 16.09.2022 à 10:01 heures
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Fabien GoubetJournaliste Blick

On pourrait croire à une mauvaise farce. Sauf qu'ici, au restaurant Comac, les farces sont bonnes: elles sont en tripes d'agneau ou en pied de porc et garnissent des tomates ou des papillotes thaï cuites vapeur.

Telle est l'idée improbable de Pablo Reyes Del Canto et Sourasack Phongphet, les deux chefs de ce restaurant du quartier du Flon à Lausanne: préparer pour leurs clients, à l'occasion de la Semaine du goût du 15 au 25 septembre, un menu décliné quasi exclusivement autour… des abats.

Les deux hommes ont construit leur proposition autour de trois abats principaux (pied de porc, tripes d'agneau et cou de poulet). Le nom du menu? «ABBA». Ça vous paraît sans doute explicite, mais comme toujours avec ces deux gusses, ça va un peu plus loin que les apparences. En l'occurrence, ce palindrome renvoie aussi à la manière dont sont servis les plats: en miroir, chaque chef préparant le même abat à sa façon.

Le Comac est situé dans l'École de jazz et de musique actuelle (EJMA).
Photo: DR

Deux chefs, deux ambiances

Maître dans l'art de la cuisine sud-asiatique, Sourasack Phongphet, dit «Sou», cuisine les abats tout en fraîcheur, par exemple avec ses tripes d'agneau enveloppés dans une papillote avec un curry au lait de coco, citronnelle et aneth du Laos. De son côté, Pablo les proposera sous une forme plus classique, mais pas moins créative puisqu'il servira des tomates farcies… aux tripes, taillées en spaghettis!

Photo: DR

Et ce n'est qu'un exemple de la folie douce qui sert de fil rouge à ce menu. «Personne ne veut préparer les abats. Nous, on trouve que c'est un challenge qui nous pousse à réfléchir, à être plus créatifs», explique Pablo Reyes Del Canto.

Les abats, c'est avant tout du travail, assure-t-il en désossant délicatement des pieds de porc préalablement longuement dégorgés au sel, puis au vinaigre, et ensuite cuits sous vide pendant 12 heures. Le désossage est un travail minutieux qui occasionne de 60 à 70% de pertes. Il faut bien s'assurer d'ôter la multitude de fragments d'os et de cartilage présents dans chaque pied. Avant de recommencer pour les 30 kg restants. Ce n'est qu'une fois tout cela achevé que les deux hommes pourront enfin commencer… à cuisiner! «Pour être prêts le jour J, il faut démarrer le travail une semaine plus tôt», dit Pablo.

Du Laos à la Suisse en passant par Paris

Formé en Suisse, Pablo démarre sa carrière en 2007, sur le tard. Il devient rapidement sous-chef au Muesmatt, à Berne, puis crée une entreprise: PomPom, des jus de pommes préparés avec des fruits mûrs qui, sinon, seraient partis à la poubelle. Comme en cuisine, l'homme décide de ne rien faire comme les autres. Pas question de jouer sur l'image du fermier moustachu qui remplit de jus ses bouteilles en verre: il veut dynamiter son image et sollicite des artistes et graphistes romands pour donner vie à ses étiquettes.

Son affaire le fait revenir dans le canton de Vaud, où il acquiert en 2019 Le Perroquet, dans le quartier du Rôtillon à Lausanne. L'établissement monte des expériences pop-up, dont certaines avec Sou. Le courant passe bien entre les deux hommes, et c'est ainsi que depuis peu, Sou a été engagé au Comac.

Originaire du Laos, venu de Paris, Sourasack Phongphet est un petit génie de la cuisine asiatique. Au SoMa, sis dans le quartier du Marais de la capitale, il signait une carte dans un style fusion japonais qui avait su épater les critiques gastronomiques.

Il était auparavant propriétaire du Ploum, devenu le tristement célèbre Petit Cambodge, restaurant fauché par les balles lors des attentats du 13-Novembre. Quittant la Ville Lumière, Sou est ensuite parti parfaire ses techniques au Portugal, à Monaco, en Corse, en Sicile et bien sûr en Asie, avant de poser ses couteaux en Suisse. «Le Comac, c'est un coup de coeur», glisse-t-il.

Au Comac, les deux cuistots ont à cœur de «servir de la bonne nourriture à un prix raisonnable» aux étudiants de l'École de jazz et de musique actuelle, qui composent 70% de la clientèle. «Ils deviennent des habitués. On connaît leurs goûts. Ils vont beaucoup moins dans les fast food, c'est cool», se réjouit Pablo. Espérons que les deux hommes sauront élever la qualité de l'offre gastronomique du quartier, jusqu'ici fort médiocre.

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