Un parfum de pommes au caramel
Voici à quoi devait ressembler la «pizza» de Pompéi il y a 2000 ans

Une journaliste a recréé la «proto-pizza» de Pompéi découverte la semaine passée sur une fresque. A l'aide d'ingrédients et de techniques d'époque, elle donne une idée de ce que pouvaient être les «xenia», ces petits snacks offerts aux invités pendant l'ère romaine.
Publié: 05.07.2023 à 22:18 heures
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Fabien GoubetJournaliste Blick

Une forme ronde, des garnitures colorées surmontées d'une grosse feuille évoquant du laurier ou du basilic, le tout encerclé par une corniccione gonflée et dodue. La tarte peinte sur une fresque de 2000 ans récemment mise au jour lors de fouilles à Pompéi ressemble à s'y méprendre à une pizza. Sauf qu'en 79 après J.-C., on ne cultivait ni blé, ni tomates, on ne fabriquait aucune mozzarella, bref, ce n'était pas vraiment une pizza, mais plutôt une des ses lointaines aïeules.

Pour savoir quel goût pouvait bien avoir cette proto-pizza, la correspondante à Rome du «Guardian» et autrice culinaire Rachel Roddy a tenté de la reproduire le plus fidèlement possible, avec l'appui d'experts.

Des présents d'hospitalité

Le travail a commencé par l'identification précise de ce qui se trouvait sur la fresque. D'après l'archéologue allemand et directeur du site de Pompéi, Gabriel Zuchtriegel, on peut voir de la focaccia, des fruits et une coupe de vin. Des éléments qui constituaient les xenia, des offrandes faites aux invités – une tradition grecque adoptée par les Romains, l'équivalent d'un petit café ou d'un verre de bienvenue aujourd'hui.

Du vin, des fruits frais et une sorte de pesto au fromage de brebis constituait les «xenia», petits snacks qu'on offrait aux invités en guise d'hospitalité, une tradition grecque conservée à Rome.
Photo: DR

Plus en détail, les éclats de rouge et de rose sont en fait des fruits, probablement des grains de grenades et des dattes fraîches. Les taches blanches ne sont pas de la mozzarella mais plutôt un ancien pesto d'herbes et de fromage de brebis, le moretum. Quant aux morceaux posés devant, ce ne sont pas des cacahuètes pour l'apéro mais des noix, et enfin le curieux gros fruit jaune vif avec des épines était un corbezzoli, c'est-à-dire des baies d'arbousier, qui existent également en rouge et en orange. La coupe, sans hésitation, était remplie de vin rouge.

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Faute de blé tel qu'on le connaît aujourd'hui, en quoi était faite la pâte de cette «non-pizza»? En petit-épeautre, a répondu sans hésiter à Rachel Roddy le professeur Salvatore Ceccarelli, grand spécialiste du blé de l'Université de Pérouse. Le petit épeautre (ou engrain) et l'amidonnier sont les variétés de blé les plus anciennes connues de l'homme, cultivées à partir de -7500 au Proche-Orient. Ces deux céréales ont nourri la Rome antique et sont à l'origine de toutes les céréales que nous mangeons. «De l'épeautre moulu sur pierre», a ajouté le professeur.

Une pâte parfumée couleur caramel

Armée de ces renseignements, l'autrice a, avec un ami boulanger, entreprise de recréer la focaccia. Sans levain ni levure de raisin, deux techniques prisées des Romains, elle s'est rabattue sur une recette du premier siècle de notre ère: un pain nommé artelaganus, fabriqué à partir de la farine de petit-épeautre, de vin mousseux, de lait et d'huile d'olive.

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«Nous avons obtenu une pâte parfumée, couleur caramel. Nous l'avons laissée reposer pendant trois heures. Comme c'était le jour le plus chaud de l'année, j'espérais qu'elle lèverait miraculeusement, mais ce ne fut pas le cas. Sans se laisser abattre, mon ami l'a façonné en un gâteau gras et a pressé le milieu pour créer un bord surélevé. N'ayant ni four à bois ni pierre à cuire, nous l'avons fait cuire dans un pot rond en terre cuite sur la sole de mon four à gaz, réglé à la température maximale, 260 °C environ. L'odeur qui s'en dégageait rappelait vaguement celle de pommes au caramel», raconte Rachel Roddy dans un article du quotidien britannique «The Guardian».

Un petit goût de Rome antique

Pour le pesto au moretum, l'autrice a, selon les conseils d'un historien expert en la matière, pilé 100 grammes de fromage de brebis avec une cuillère à soupe de pignons, une petite poignée de persil et de menthe, de l'ail et suffisamment d'huile pour le rendre moelleux. «C'était comme un pesto mélangé à du cacio e pepe, et extrêmement bon», commente-t-elle.

Quant aux garnitures restantes, elle a «improvisé» en écrasant des dattes et en parsemant des graines de grenades entières ou écrasées. «Lorsque nous l'avons enfin coupée, sa texture ressemblait à celle d'un biscuit, croisé avec du pain dense et des crackers. La farine était merveilleuse, le goût l'était tout autant, avec du fromage à pâte molle, des dattes et des épices, c'était excellent!», écrit Rachel Roddy. Et si c'était ça, le goût de la Rome antique?


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