Une bière, c'est stout
Mais au fait, pourquoi la Guinness est-elle noire?

Il ne suffit pas d'enfiler un chapeau vert pour briller lors de la Saint-Patrick, le grand rendez-vous irlandais de l'année: avec cet article, vous saurez tout ou presque sur la bière préférée de l'Île d'émeraude, en fête ce vendredi 17 mars.
Publié: 17.03.2023 à 16:55 heures
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Dernière mise à jour: 17.03.2023 à 16:57 heures
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Fabien GoubetJournaliste Blick

Ce 17 mars, c'est la Saint-Patrick, célébration dans le monde du saint patron de l'Irlande. C'est aussi le jour où l'on se doit de porter des chapeaux de farfadets en éclusant des tonneaux de Guinness.

La Guinness, c'est la bière irlandaise de référence, avec sa mousse crémeuse, sa consistance presque onctueuse et surtout sa belle robe noire. Mais savez-vous d'où ce sombre breuvage tire sa couleur?

9000 ans, ça fait un bail

La brasserie éponyme naquit au milieu du XVIIIe siècle à Dublin. Son fondateur, Arthur Guinness, signa un bail de location d'une brasserie désaffectée pour une durée de… 9000 ans (ils sont proprios depuis, mais le bail a été conservé). À l'époque, la bière produite n'est pas encore noire. Pardon, pas encore «rouge rubis foncé», selon sa description officielle. Après quelques verres dans un pub mal éclairé, la nuance peut échapper aux plus fins observateurs.

Déjà, la Guinness n'est pas noire, mais «rouge rubis foncé», selon sa description officielle.
Photo: Shutterstock

À l'époque donc, les premières bières brassées par Guinness sont des ales, c'est-à-dire des bières de fermentation haute qui constituent, avec les lager et les lambics, les trois grandes familles de bière. «Il faut savoir qu'à ce moment-là, les bières blondes n'existaient pas, on ne produisait que des bières rousses à noires», rappelle Cyril Hubert, biérologue et auteur de «Et si on parlait bière» (Éd. Massin). Brassées dans tout le royaume, les ales ont, au gré des idées des brasseurs, donné naissance à des variétés différentes.

«Merci mais vous auriez du sirop de gingembre?»
Photo: DR

Parmi elles, les porters («un nom masculin», précise Cyril Hubert), des ales un peu plus sombres et un peu plus corsés, apparus à Londres au XVIIIe siècle. Le mot anglais porter renvoie ici aux porters londoniens, sortes de coursiers ambulants qui livraient tout et n'importe quoi à longueur de journée, qu'il s'agisse d'apporter des documents ou de décharger des cargaisons des navires. On imagine leur travail harassant, et c'est tout naturellement qu'ils s'abreuvaient de bière bien calorique, laquelle finit par prendre leur nom: porter.

La réaction de Maillard, encore elle

Très populaires, les porters ont, eux aussi, évolué. Au fil du temps et des modifications, les recettes ont abouti à un nouveau type de bière au tournant du XIXe siècle: les stouts (au masculin aussi), telle que la Guinness Draught qu'on connaît aujourd'hui.

Stouts et porters se ressemblent beaucoup, les premiers étant généralement un peu plus forts, un peu plus sombres. «Les brasseurs irlandais utilisaient à l'époque un mélange précis de malt clair et de malt torréfié, de couleur sombre, qui donne sa couleur foncée à leur bière, raconte Cyril Hubert. Après la Seconde Guerre mondiale, Guinness a utilisé des malts grillés et non plus simplement torréfiés, ce qui a rendu la couleur de leur stout encore plus foncée».

En torréfiant, et à plus forte raison en grillant les grains de malt d'orge, les brasseurs de Guinness favorisent la réaction de Maillard qui aboutit à un brunissement, voire un noircissement des grains, comme lorsqu'on cuit un steak. Ce changement de teinte s'explique par le réarrangement des molécules sous l'effet de la chaleur, qui s'assemblent en chaînes reflétant la lumière dans ces couleurs sombres. «La réaction de Maillard entraîne aussi le développement de notes de café, de cacao, de chocolat noir et de pain grillé, estime Cyril Hubert. En bouche, on est plutôt sur des arômes de grain grillé, de caramel et aussi de café et de chocolat noir.»

Bonne avec des huîtres

L'autre particularité de la Guinness, c'est sa consistance. Si vous commandez une Guinness dans un bar, elle est servie grâce à un système spécifique qui injecte de l'azote dans le liquide, et non du gaz carbonique. Si vous ouvrez une canette, vous libérez de l'azote contenu dans une bille, ce qui revient au même: dans les deux cas, la Guinness est riche en azote, un gaz présent sous forme de toutes petites bulles qui donnent à la bière cette consistance peu gazeuse, limite crémeuse. Ceci a une autre conséquence: moins de bulles, ce sont aussi moins d'odeurs qui sont libérées. «Mais la Guinness n'est pas insipide pour autant, car la torréfaction de ses malts amène bien d'autres saveurs», prévient Cyril Hubert.

L'expert en bières conseille de la déguster entre 14 et 18 degrés, pour mieux en ressentir les arômes. Quant aux accords, il suggère «des huîtres, car les côtés iodés et torréfiés se marient très bien. La viande grillée, les desserts au chocolat, à la réglisse, ou encore aux fruits rouges accompagneront très bien cette bière.»

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