Forte hausse des prix
De quel revenu ai-je besoin pour acheter une maison individuelle?

Seuls 4% des ménages possèdent le revenu nécessaire pour effectuer un achat immobilier. Blick vous expose les solutions qui pourraient vous permettre de tout de même réaliser votre rêve.
Publié: 13.08.2024 à 18:00 heures
Carmen Schirm-Gasser

Ce retraité aisé n'a pas pu cacher son étonnement. Reçu par le conseiller hypothécaire de sa banque, ce septuagénaire a expliqué son intention de donner un coup de pouce à son fils unique afin qu'il puisse acheter la maison pour laquelle il a récemment eu le coup de cœur. Malheureusement pour lui, le bien en question se trouve sur la Gold Coast à Küsnacht, qui n'est autre que l'endroit le plus cher de Suisse.

Pour acquérir ces 200 mètres carrés de surface habitable agrémentés d'un peu de terrain, mais sans vue sur le lac, il faut compter 3 millions. Une bonne affaire pour Küsnacht qui n'a cependant pas empêché la banque de refuser son financement au généreux paternel.

Pour ce conseiller en crédit, les chiffres ne mentent pas: en effet, si une donation de 1,2 million permet un apport en fonds propres de 40% (soit deux fois le minimum légal tout de même), il n'en demeure pas moins que le fils de notre retraité devrait gagner au moins 360'000 francs afin de s'assurer de pouvoir rembourser l'hypothèque. Impossible en l'état pour ce dernier et son salaire d'enseignant d'acquérir la maison de ses rêves.

Depuis le début du millénaire, les prix de l'immobilier ont fortement augmenté.
Photo: Sven Thomann
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Des espoirs déçus malgré des taux d'intérêt historiquement bas

Une mésaventure qui n'a rien d'un cas isolé alors que de plus en plus de Suisses doivent renoncer à leur rêve de devenir propriétaires. «En cas de revenu peu élevé, il est nécessaire d'apporter beaucoup de fonds propres pour pouvoir en garantir la viabilité du projet», explique Adrian Wenger, conseiller hypothécaire au Vermögenszentrum.

Celui qui conseille chaque année un grand nombre de nouveaux acquéreurs explique que ces derniers sont généralement surpris par l'importance des fonds propres nécessaires. «Afin de respecter les exigences en matière de capacité financière, il faut investir beaucoup plus de capital que prévu.»

Ainsi, pour espérer faire l'acquisition d'un appartement dont le prix s'élève à 900'000 francs, il faut aujourd'hui un revenu du ménage d'environ 160'000 francs. Pour une maison individuelle moyenne d'un prix d'achat de 1,1 million, celui-ci doit être nettement supérieur à 200'000 francs. Or, à peine 3% des ménages suisses disposent de ce revenu.

À l'inverse, les personnes ne disposant pas de revenus aussi élevés doivent alors apporter davantage de fonds propres afin de réduire le montant de leur hypothèque. C'est là la seule solution pour satisfaire à la règle stricte selon laquelle les intérêts calculés de 5% sur le capital emprunté ne doivent pas dépasser un tiers du revenu du ménage. Mais alors, comment expliquer cette évolution?

Problème 1: de multiples obstacles au financement

Lorsqu'il s'agit de financement, il faut surmonter deux obstacles à la fois. Pour l'achat d'un logement, il faut en général financer 20% par ses propres moyens. Pour une maison d'un million, il faut donc 200'000 francs de fonds propres.

En raison de la forte évolution des prix de l'immobilier ces dernières années, cet obstacle au financement est devenu un énorme problème. Comme si cela ne suffisait pas, les exigences en matière de fonds propres ont de plus évolué de manière linéaire avec les prix au cours des dernières années. Alors qu'au début du millénaire, un appartement typique coûtait environ 450'000 francs et nécessitait 90'000 francs de fonds propres. En 2020 et pour le même logement, il fallait débourser pas mois de 910'000 francs, dont 180'000 de fonds propres.

Par ailleurs, la banque doit s'assurer que l'emprunteur peut se permettre de payer les intérêts hypothécaires mensuels. C'est l'obstacle de la capacité financière. La règle générale est la suivante: la somme des coûts hypothécaires ne doit pas dépasser un tiers du revenu.

Le problème de ce calcul: pour des raisons réglementaires, les banques ne calculent pas avec les intérêts hypothécaires effectifs, mais avec un taux d'intérêt durable à long terme de 5%. S'y ajoutent 1% de frais annexes dévolus à l'entretien du bien immobilier ainsi que l'amortissement de la deuxième hypothèque sur 15 ans. Ainsi, pour une maison d'une valeur de 1 million de francs, il faut un revenu du ménage de 180'000 francs.

Problème 2: des prix en hausse depuis plus de 20 ans

Depuis environ deux décennies, les prix de l'immobilier ne connaissent qu'une seule direction: les sommets. Or, les salaires sont loin d'avoir augmenté autant que les prix des logements en propriété. Et pour cause, le prix d'une maison individuelle typique (5 pièces, 800m³ de volume, 600m² de terrain) a augmenté de 75% depuis le début du millénaire tandis qu'un appartement typique en copropriété (4 pièces, 100m² de surface habitable) se négociait deux fois plus cher en 2020 qu'en 2000.

Dans le même temps, les revenus moyens des ménages n'ont augmenté «que» de 20% avec une stagnation au cours des dix dernières années.

Problème 3: une demande accrue et une offre faible

Aujourd'hui, un cinquième de personnes en plus vivent dans notre pays par rapport au début du millénaire, et ce nombre ne cesse d'augmenter alors que l'immigration se situe toujours à un niveau élevé. Parallèlement, le nombre de logements vacants sur le marché immobilier n'a eu de cesse de baisser. Avec une durée moyenne d'annonce de 62 jours, ce sont surtout les maisons individuelles qui sont actuellement littéralement arrachées des mains des vendeurs.

Avec une durée moyenne d'annonce de 71 jours, les propriétés par étage se vendent également très rapidement. «Parallèlement, la construction de logements neufs n'est plus que l'ombre des temps passés, puisqu'elle s'est effondrée de 40% depuis 2011», écrit le Credit Suisse dans son étude, indiquant que «la pandémie freine l'urbanisation» alors que «la demande effective dépasse de loin l'offre limitée dont le taux a chuté d'un tiers depuis 2019».

Que faire lors de l'achat d'une maison individuelle?

À l'heure actuelle, les maisons individuelles coûtent en moyenne bien plus d'un million de francs. Mais même en Suisse, il existe bel et bien des maisons individuelles en vente pour un prix inférieur. Alors que la maison moyenne mise en vente sur les plateformes immobilières affichait un prix de 1,08 million de francs, l'objet moyen financé par les banques et donc effectivement vendu a en revanche franchi le seuil de 1,24 million de francs. Une différence qui s'explique par le fait que la plupart des maisons ne se négocient pas dans les secteurs bon marché, mais là où l'offre est particulièrement rare et la demande particulièrement forte, à savoir dans les endroits relativement bien situés.

Accéder à la propriété grâce à l'avancement d'hoirie

Il existe néanmoins un moyen pour les futurs propriétaires de surmonter les obstacles financiers est d'apporter davantage de fonds propres lors de l'achat d'un bien immobilier. Petit bémol: ce capital doit toutefois d'abord être épargné. Une stratégie qui prend du temps et constitue de plus en plus souvent un défi, même pour les ménages qui gagnent bien leur vie: «Sans le soutien de la famille, par exemple sous la forme d'un prêt sans intérêt ou d'un héritage anticipé, le désir d'accéder à la propriété reste hors de portée, en particulier pour les jeunes ménages», explique Adrian Wenger du Vermögenszentrum.

De fait, les héritages anticipés sont aussi de plus en plus utilisés. Selon les estimations de l'Université de Lausanne, des fortunes d'environ 95 milliards de francs ont été héritées ou transmises sous forme d'avancements d'hoirie en 2020. En 2011, ce montant se montait à 61 milliards, respectivement 36 milliards en 1999. Au cours des dix derniers mois, près d'un quart de toutes les transactions bancaires de plus de 10'000 francs clairement identifiables comme des héritages ont été des avances d'hoirie avec une moyenne aux alentours des 77'000 francs.

L'argent de la caisse de pension pour accéder à la propriété

Le capital de la prévoyance personnelle ouvre une porte importante pour l'acquisition d'un logement. En effet, un retrait anticipé des fonds du pilier 3a et de la caisse de pension peut être imputé sur les fonds propres lors de l'achat d'un logement en propriété.

Pour l'achat d'un logement, il faut en général financer 20% par ses propres moyens. On peut soit retirer l'avoir de la caisse de pension de manière anticipée, soit le mettre en gage auprès du créancier hypothécaire à condition que le bien immobilier soit utilisé comme résidence principale.

En revanche, il n'est pas possible d'acheter sans argent propre et au moins 10% du prix d'achat doivent provenir de liquidités, par exemple d'épargne ou de donations. Les versements anticipés et les mises en gage sont généralement autorisés jusqu'à cinq ans avant la retraite ordinaire.

Les caisses de pension peuvent toutefois en décider autrement dans leur règlement. «Pour plus d'une nouvelle acquisition sur trois, un retrait anticipé de la caisse de pension est effectué, en moyenne à hauteur de 75'000 francs, ce qui correspond à près de la moitié des fonds propres nécessaires», écrit l'UBS dans son «Real Estate Focus 2020», ajoutant que «le retrait de capital du pilier 3a est encore plus fréquent, car il peut être ajouté aux fonds propres durs, avec un montant moyen de retrait nettement inférieur, à savoir 35'000 francs».

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