Entre le bataillon Azov et le groupe Wagner
La guerre d'Ukraine, cet imbroglio de néo-nazis

La Russie a envahi l'Ukraine entre autres sous prétexte de protéger le pays contre les «nazis», tels que le régiment Azov. Des mercenaires du groupe Wagner ont été engagés à cet effet. Mais le groupe a lui même des penchants néo-nazis plutôt explicites...
Publié: 09.03.2022 à 06:08 heures
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Dernière mise à jour: 09.03.2022 à 07:49 heures
Chiara Schlenz

Pour justifier son invasion, le président russe, Vladimir Poutine, a affirmé vouloir «dénazifier» l'Ukraine. Le chef du Kremlin qualifie le gouvernement pro-européen de Volodymyr Zelensky, par ailleurs d'origine juive, de «néo-nazis». Considérant, en conséquence, qu'il est de son devoir de débarrasser son voisin du péril de l'extrême-droite.

Cet argument de «dénazification» a suscité l'émoi et l'incompréhension dans le monde entier. Mais le fait est que le régiment Azov, qui fait officiellement partie de la garde nationale ukrainienne, existe bel et bien. Et il est problématique, car composé d'hommes aux convictions néo-nazies. Les combattants portent par exemple, comme signe de reconnaissance, un emblème avec une hampe de loup, un signe également utilisé par les SS pendant la Seconde Guerre mondiale.

Le régiment Azov à Marioupol

Le régiment Azov défend actuellement la ville portuaire ukrainienne de Marioupol, dans le sud-est du pays, qui n'a cessé de faire la une des journaux ces derniers jours. Cette conjoncture est «un cadeau» pour la propagande du Kremlin, car elle donne à Poutine la possibilité de continuer à justifier sa «dénazification de l'Ukraine», comme le souligne le magazine allemand «Der Spiegel».

La «dénazification» de l'Ukraine est au centre de l'argumentaire que brandit le président russe, Vladimir Poutine, pour justifier son invasion.
Photo: AFP
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La semaine dernière, les médias russes ont diffusé des images et des nouvelles en provenance d'immeubles d'habitation à Marioupol, qui auraient été détruits par le bataillon en question, alimentant ainsi le narratif d'un régiment Azov qui mènerait une lutte impitoyable contre sa propre population.

Ce n'est pas la première fois que les troupes russes et les combattants d'Azov se mesurent dans la ville portuaire. En 2014, les deux formations s'étaient déjà affrontées à Marioupol. Finalement, le régiment Azov avait réussi à reprendre la ville et à libérer dans la foulée plusieurs colonies dans les régions séparatistes du Donbass. Le nombre de combattants d'Azov est alors passé de quelques centaines à 2000 individus actifs actuellement, comme le rapporte «Der Spiegel».

Des néo-nazis financés par le contribuable

Mais le passif de l'Ukraine avec l'extrême-droite ne se limite toutefois pas au régiment Azov. Pendant les manifestations de Maïdan, entre 2013 et 2014, le groupe Secteur Droit s'était déchaîné contre l'ex-président ukrainien Victor Ianoukovitch, corrompu et fidèle à la Russie. Après ces démonstrations pro-européennes, certains politiciens ultra-nationalistes avaient même réussi à entrer brièvement au Parlement ukrainien.

Le fait que le bataillon de volontaires extrémistes Azov fasse partie de la garde nationale est en revanche surtout dû au piètre état de l'armée ukrainienne. «Tous ceux qui voulaient prendre une arme étaient les bienvenus», explique «Der Spiegel». Depuis lors, le groupe est financé par le trésor public, et se présente comme une unité spéciale normale de la garde nationale. La Russie a profité de cette situation pour affirmer que l'Ukraine était désormais dirigée par une «junte fasciste».

Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (OHCHR) a déjà documenté plusieurs crimes commis par les membres du régiment Azov dans le Donbass. Ainsi, ses combattants auraient torturé des personnes en 2014 et 2015 parce qu'elles avaient exprimé leur soutien aux séparatistes pro-russes de Lougansk et de Donetsk. De nombreuses autres violations des droits de l'homme, documentées par l'OHCHR, ont également été commises par les séparatistes de la même région.

Côté russe, le groupe Wagner

Les séparatistes pro-russes, quant à eux, ont leurs propres «foreign fighters» depuis 2014. Comme l'a révélé «Der Spiegel», le «plus célèbre membre de l'extrême-droite italienne», Andrea Palmeri, vit à Lougansk depuis 2014. Et tandis que le dirigeant du Kremlin s'en prend aux «nazis» en Ukraine, l'armée russe elle-même profite des mercenaires du groupe Wagner qui compte plusieurs néo-nazis se battant, selon plusieurs rapports, du côté russe contre l'Ukraine.

Selon plusieurs sources russes et lituaniennes, leur chef est l'entrepreneur Dmitry Valerievitch Outkine, qui se bat sous le nom de «Wagner». Selon le média d'opposition russe «Meduza», il a été inspiré par le compositeur préféré d'Adolf Hitler, Richard Wagner. Des photos montrent Outkine avec des tatouages nazis. Cet ex-soldat aurait de bonnes relations avec Vladimir Poutine en personne.

En collaboration avec l'armée russe, il aurait en outre déjà planifié et mené des missions en Libye, en Syrie et en Crimée, et se salirait actuellement les mains en Ukraine. Pour son «héroïsme et son courage pour sa patrie, la Russie» lors de l'annexion de la Crimée, il a reçu en 2016 une médaille de Poutine en personne, comme le montrent plusieurs photos. C'est ce qu'écrit le projet open source lituanien «Res Publica».

Fiché criminel de guerre en Ukraine

Le média lituanien évoque en outre un certain Jan Petrowski, vice-commandant de la Taskforce Rusich, un groupe russe d'extrême-droite. Ce groupe a lui aussi combattu aux côtés des séparatistes à Donetsk et Lougansk en 2014 et 2015. En Ukraine, cet individu est considéré comme un criminel de guerre.

Les tendances néo-nazies du groupe Wagner sont également attestées par les symboles et les runes qu'il peint sur ses véhicules militaires. Beaucoup de ces inscriptions sont considérées par les experts comme des symboles de haine et trouvent souvent leur origine dans l'idéologie et l'iconographie du national-socialisme allemand.

À travers tout le web, des photos de zones de conflit comme la Libye ou la Syrie montrent des mercenaires russes barbouillant des maisons et des mosquées avec de tels symboles. Dans la guerre qui fait actuellement rage en Ukraine, de tels symboles ont également été apposés sur les chars russes. Ce que représentent ce «Z» et ce «V» n'est pas encore clarifié. Certains qualifient toutefois déjà ces lettres de «nouvelles croix gammées».

Les néo-nazis allemands soutiennent la Russie

Pendant ce temps, les opinions des extrémistes de droite de par le monde sur les groupes ukrainiens et russes divergent. L'Office fédéral allemand de protection de la Constitution a confirmé au «Welt» que des néo-nazis allemands s'étaient rendus en Ukraine ces derniers jours.

La majeure partie des néo-nazis allemands soutiendraient la Russie, selon les informations des services de sécurité. Leurs pendants serbes se déclarent également en faveur de Moscou, comme le montrent des vidéos de manifestations pro-russes.

La Russie se prétend un rempart face au néo-nazisme

En Suisse également, des appels à rejoindre le régiment Azov ont fait le tour du pays, comme l'a rapporté le «Tages-Anzeiger». L'on ne sait pas encore si ces appels sont authentiques, ni par qui ils ont été diffusés sur les portails d'information helvétiques. On ne sait pas non plus où les néo-nazis suisses se rendent, mais les appels n'ont été rendus publics que du côté du régiment Azov.

Alors que de nombreux mercenaires russes adhèrent ouvertement à des idéologies d'extrême-droite ou néo-nazies, l'aversion pour tout ce qui a trait au national-socialisme et au fascisme est pourtant profondément enracinée dans la société russe.

De plus, le Kremlin continue d'insister obstinément sur le fait que la Russie est le seul pays à faire face au néo-nazisme. Énorme paradoxe: Vladimir Poutine dit lutter contre la «nazification» de l'Ukraine précisément avec l'aide de néo-nazis et d'extrémistes de droite issus de son propre pays.

(Adaptation par Daniella Gorbunova)

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