Des Jeux très gaulois
Le pire job du monde? Être Premier ministre en France après les JO

Emmanuel Macron gardera-t-il jusqu'à la parade olympique du 14 septembre un gouvernement «en affaires courantes»? Peu probable. Problème: la politique post-JO risque surtout de décevoir. Et le futur chef de gouvernement devra essuyer les plâtres.
Publié: 10.08.2024 à 10:00 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

C’est parti pour l’épreuve la plus difficile de cet été olympique français: trouver le bon Premier ministre pour diriger le gouvernement, à la place du sortant Gabriel Attal, 35 ans, démissionnaire depuis le 16 juillet. Plus qu’une épreuve, car toutes les options qui se présentent sont de nature à décevoir une population grisée par les deux semaines de fièvre et de ferveur patriotique et tricolore. Au point que certains soupçonnent Emmanuel Macron de vouloir faire durer la trêve sportive jusqu’au 14 septembre, date de la grande parade finale des athlètes médaillées durant les Jeux olympiques et paralympiques…

Trois petits rappels d’abord, qui vous donneront une idée du mal de tête politique que pas mal de Français risquent de ressentir dans les semaines à venir:

Le décideur

Il n’y en aura qu’un: Emmanuel Macron, ce président à qui la constitution confère le pouvoir de nommer qui il veut, y compris une personnalité non élue et sans affiliation partisane. La constitution est implacable. Le Chef de l’État peut faire ce qu’il veut, même si le Premier ministre devra, ensuite, trouver une majorité à l’Assemblée nationale pour faire voter les lois, à commencer par la loi de finances, c’est-à-dire le budget.

C'est Emmanuel Macron qui, seul, a le pouvoir de nommer le nouveau premier ministre pour succéder à Gabriel Attal.
Photo: Getty Images
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Le calendrier

Là, plusieurs options se présentent. Pour rappel, les JO s’achèveront ce dimanche 11 août par une cérémonie au Stade de France baptisée «Records», avec Tom Cruise en vedette. Les Jeux paralympiques démarreront eux le mercredi 28 août pour se terminer le 8 septembre. Et entretemps, toute une série de dates sont déjà occupées par les cérémonies du 80e anniversaire du débarquement en Provence (le 15 août) et celles de la libération de Paris (le 25 août). Pour l’heure, le scénario le plus souvent envisagé est celui d’un ultime Conseil des ministres le 19 août, et d’une nomination dans la foulée. A charge pour le nominé de proposer rapidement un premier gouvernement. Fenêtre de tir pour sa prise de fonction: autour du 22 au 27 août.

Le casting

C’est là que tout se complique. Car il y a, sur le papier, trois possibilités. D'abord, la nomination (improbable) d’une personnalité issue de la gauche qui ne serait pas Lucie Castets, la candidate présentée par le Nouveau Front Populaire (NFP, alliance de gauche). Exemple: la présidente de la région Occitanie Carole Delga. Ensuite, la nomination souvent évoquée d’une personnalité de centre droit, suffisamment sociale pour convaincre des députés de gauche de rallier cette majorité ad-hoc, par exemple le président de la région Nord Xavier Bertrand. Enfin, le choix d’une personnalité hors des clous, au profil politique non partisan, par exemple un technocrate familier des arcanes du pouvoir comme Frédéric Salat-Barroux, ancien secrétaire général de l’Élysée sous Jacques Chirac, dont il a épousé la fille Claude. Ou bien le maire d'une grande ville de France.

Le pire job du monde

Dans tous les cas, une certitude: il sera impossible pour le futur Premier ministre français de compter d’emblée sur une majorité absolue de 289 sièges, sauf peut-être s’il nommait le judoka Teddy Riner! En fonction des choix, le nombre de députés sur lesquels il ou elle pourra compter sera d’environ 210-220. A chaque projet de loi, le risque d’une motion de censure déposée par les oppositions se présentera, avec le Rassemblement national et ses 143 élus en embuscade. Un paysage politique? Non, un champ de mines.

Emmanuel Macron a pour lui le vent en poupe des Jeux Olympiques réussis. Il a gagné son pari d’une France festive, volontaire, audacieuse, gagnante et couronnée de succès. Il voit sa cote de popularité remonter légèrement. Peut-il, dans ces conditions, changer de tempérament, abandonner son caractère si peu partageur du pouvoir, et nouer une relation de confiance avec un futur chef du gouvernement alors qu’il semble avoir pris ses distances avec son poulain Gabriel Attal?

Le pire job du monde, oui. Vous imaginez: ce Premier ministre sans majorité sera celui du démontage généralisé des sites olympiques, des retrouvailles avec les problèmes budgétaires et sociaux, et du retour de la politique et des polémiques qui vont avec. Pas sûr que beaucoup de personnalités aient envie de monter sur ce podium-là.

Et vous, qui voyez-vous comme Premier ministre? Écrivez-moi: richard.werly@ringier.ch

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