Il va redescendre du podium
Succès olympique ou pas, Macron a toujours un problème: son caractère

Pour l'éditorialiste Franz-Olivier Giesbert, le président français va devoir vite redescendre du podium olympique. Et son caractère ne va pas l'aider à trouver une solution politique à la crise que traverse le pays.
Publié: 11.08.2024 à 10:58 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Comment comprendre la France et les Français? Avant les Jeux olympiques, le refrain défaitiste prévalait dans l’opinion publique, sur fond de fractures électorales. Et voilà qu’après la réussite de ces JO qui s’achèvent ce dimanche, le fond de l’air est complètement différent. Fierté, patriotisme, esprit de victoire. Quelles leçons en tirer? Nous avons profité d’une escale à Marseille, où il réside, pour en parler avec l’un des meilleurs chroniqueurs de la France politique: Franz-Olivier Giesbert, dont le dernier opus «Tragédie française» (Ed. Gallimard) est un best-seller.

Franz-Olivier Giesbert, le succès populaire incontestable de ces Jeux vous a surpris?
Non, j’ai toujours pensé que les Français seraient au rendez-vous. Mais il s’est passé quelque chose de plus, c’est évident. Un réel engouement. Ce succès ridiculise un peu tous ceux qui, dans ce pays, ont trop souvent mauvais esprit et sont passés maîtres dans l’art de l’autoflagellation. On nous a quand même expliqué que rien ne marcherait!

Ce succès, c’est aussi celui d’Emmanuel Macron?
Le président de la République devrait changer de fonction. Il serait parfait, dans un futur gouvernement, comme ministre chargé des commémorations et des grands événements. Regardez la manière dont s’est déroulée la cérémonie anniversaire des 80 ans du débarquement en Normandie. C’était impeccable, extraordinaire. Idem pour ces jeux, exception faite de quelques fautes de goût qui ont émaillé la soirée d’ouverture. Je n’ai pas été choqué par ce que j’ai vu, plutôt par ce qu’il n’y avait pas. On aurait pu essayer une sorte de grand choc technologique comme l’avaient fait les Chinois. J’ai trouvé étrange certains choix du metteur en scène. On a oublié des personnages comme Marie Curie, comme Jeanne d’Arc, comme le Général de Gaulle ou Napoléon. Il y avait, dans ce spectacle, un côté un peu infantile.

Tout s’achève aujourd’hui, avant les Jeux paralympiques qui débuteront le 28 août. L’élan olympique va rester?
Les soufflés retombent vite. Je ne crois pas que cette ferveur va durer. C’est une fadaise. Je me souviens de Jacques Chirac qui croyait être redevenu le roi du monde après le triomphe de l’équipe de France de football en 1998. Le propre des parenthèses enchantées est qu’elles se terminent. La redescente sur terre ne va pas tarder, avec tous les sujets que ces JO ont mis sous le tapis, à commencer par celui des finances publiques. J’espère juste que les agences de notation ne vont pas siffler la fin de la récréation! Mais avouez qu’il y a de quoi être inquiet. Sans majorité parlementaire, un budget ne pourra pas être voté. Or, je ne vois pas trop comment un pays peut avancer sans budget ou sans gouvernement. Ceux qui pensent qu’un gouvernement en affaires courantes est une bonne nouvelle se trompent. La France a des problèmes structurels, comme l’excès de réglementations, de lois et d’impôts. Mais elle a besoin d’être gouvernée.

Le succès des sportifs français, c’est un réveil patriotique bienvenu?
Le patriotisme est une bonne nouvelle. L’idée qu’on se retrouve dans des champions de valeur ne peut pas faire de mal. Au contraire. Ces succès ont prouvé une chose aussi simple qu’évidente: la France n’est pas finie. C’est une belle idée. Une belle personne. Après, je sais que les contraintes infligées aux Parisiens étaient énormes. Mais je m’en fous: je ne vis plus à Paris…

Que retenez-vous de ces Jeux?
L’engouement autour de Léon Marchand. Ce que ce type a fait est juste dingue. C’est un mec qui arrive, simple, et qui rafle tout. Le genre champion du siècle. C’est extraordinaire. La natation n’est pourtant pas le sport qui m’excite le plus.

Obélix dans les stades olympiques: quand la fiction rejoint la réalité.
Photo: IMAGO/Shutterstock
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Et si on parlait de politique: comment Emmanuel Macron s’en sort?
Il ne s’en sort pas. Il voit bien que la situation est inextricable. Je ne crois pas du tout à la prolongation d’un gouvernement en affaires courantes. La vérité est que Macron a cru, avec la dissolution, qu’il allait gagner et que la peur du Rassemblement national lui permettrait d’obtenir une majorité. C’est raté. Et il va falloir maintenant expliquer aux Français pourquoi il était possible de faire un Front républicain avec toute la gauche contre le RN, mais qu’il est maintenant hors de question de gouverner avec La France Insoumise! Les électeurs ont de bonnes raisons de se sentir blousés. Si gouverner avec LFI n’est pas possible, si ce parti n’est pas fréquentable, alors, pourquoi avoir accepté les voix de ses électeurs?

Le Premier ministre idéal, c’est qui?
La personnalité va jouer énormément. Parce qu’il s’agit quand même de monter sur le Titanic! Et de gouverner avec un président, Emmanuel Macron, qui a beaucoup abîmé ses alliés politiques depuis sa première élection. Je pense à une personnalité de droite modérée et sociale, comme Philippe Juvin. Ou carrément à une personnalité respectée hors partis, comme Frédéric Salat-Barroux, secrétaire général de l’Élysée sous Jacques Chirac ou Yves de Gaulle, le meilleur héritier du Général.


Et ça peut tenir?
Non. Ça peut marcher quelque temps, mais on ira forcément vers une nouvelle dissolution. Je ne vois pas d’autre choix possible.

Dure fin de mandat pour le président donc?
Oui, ce sera une fin de mandat pénible. Ce qui est assez logique. Macron a été élu de manière étrange, suite aux défections de François Hollande et François Fillon. Bis répétita en 2022, avec la guerre en Ukraine qui écrasait tout. Rien ne colle en fait. Jusqu’à cette décision de dissoudre l’Assemblée nationale. Macron garde cela dit un énorme talent. On ne peut pas dire qu’il est sans qualités. Il doit juste mettre son talent au service d’une stratégie, d’une intelligence politique. Son problème, c’est son caractère. J’ai fait longtemps partie de ceux qui pensaient qu’il l’apprendrait. Erreur. Il reste trop seul pour ça. Il n’écoute pas. Or les plus grands écoutent toujours. Ils interrogent le moindre clampin. Ils observent. Macron, lui, pense qu’il a la science infuse. Il ne sent pas le pays. La vie des autres ne l’intéresse pas. Il reste emmuré dans son monde, succès des JO ou pas.

A lire: «Tragédie française» par Franz-Olivier Giesbert (Ed. Gallimard)

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