La France prise pour cible à Moscou
Entre la Russie et la France, les menaces nucléaires ont remplacé le téléphone

La décision de la France de livrer à l'armée ukrainienne des chars AMX 10 provoque la colère de Moscou. Sur les plateaux TV russes, l'envoi d'une bombe nucléaire sur Paris est même évoqué.
Publié: 11.01.2023 à 16:56 heures
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Dernière mise à jour: 11.01.2023 à 19:35 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

On savait qu’Emmanuel Macron a cessé de téléphoner ces temps-ci à Vladimir Poutine. On savait aussi que Paris fait actuellement pression, aux côtés de Washington, pour que l’Allemagne livre à l’Ukraine des chars Léopard 2, destinés à entrer en action aux côtés des chars légers AMX-10 que la France s’apprête à donner à l’armée ukrainienne. L’on avait compris, enfin, que rien ne va plus entre le Kremlin et Paris depuis que l'ex-patron de Roscosmos, Dmitri Rogozine, a envoyé à l’ambassade de France à Moscou, en guise de cadeau de Nouvel An, un éclat d’obus tiré par un canon Caesar, à la suite d'une blessure reçue lors d'un déplacement dans le Donbass.

La lettre de Dmitri Rogozine à l’Ambassade de France:

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Bref: terminée l’illusion de possibles bons offices français, comme lorsque Emmanuel Macron espérait encore convaincre son homologue russe de revenir à Genève pour y rencontrer Joe Biden. Souvent alliées dans l’histoire récente, après les guerres napoléoniennes, lorsque l’Empereur crut pouvoir asservir cet immense pays et y sacrifia sa grande armée en 1812, sa France et la Russie sont désormais ennemies.

Proche de Vladimir Poutine, l'ex-directeur de Roscosmos, Dmitri Rogozine, est l'un des critiques les plus véhéments de Paris. Il a récemment envoyé à l'ambassade de France à Moscou l'éclat d'un obus tiré par un canon Caesar français, après avoir été blessé.
Photo: DUKAS

Et pour cause. Avec son éclat d’obus déposé sous enveloppe, Dmitri Rogozine a illustré la raison de la colère russe: aux côtés des armements sophistiqués américains, comme les lance-missiles mobile HIMARS, les équipements français font mal à l’armée de Vladimir Poutine.

La France, de plus en plus belligérante

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La vingtaine de canons autoportés Caesar de 155 mm, capables de tirer avec précision des obus sur des cibles jusqu’à 45 kilomètres, sont aujourd’hui l’un des fers de lance de la résistance des forces de Kiev. Les artilleurs ukrainiens, formés en France dans le Var, font de plus en plus mouche. Et les chars de combat légers AMX-10 attendus bientôt en première ligne, montés sur six roues et non sur chenilles, disent l’intensité à venir des combats.

Selon l’expert militaire français Guillaume Ancel, ancien officier, ces engins sont livrés pour permettre aux forces ukrainiennes de repartir à l’offensive, sans doute au moment du dégel. «Ces engins blindés ont une capacité offensive que n’avaient pas les matériels fournis jusqu’ici», estime-t-il. C’est aussi pour cette raison, selon les experts, que Paris fait pression sur Berlin pour la livraison de chars lourds Léopard 2, en plus des blindés américains Bradley et allemands Marder.

Rage anti-française

En riposte, la rage anti-française s’est invitée sur les plateaux de télévision russe. Cette semaine, le commentateur moscovite Vladimir Soloviev s’est même permis d’affirmer, presque en rigolant, que tirer une bombe nucléaire sur Paris serait facile, et que personne n’interviendrait pour soutenir la France après la vitrification de sa capitale. Certes, des voix se sont élevées, sur le plateau, pour dire leur désaccord face à cet appel à l’escalade. Mais le pouvoir russe, de son côté, ne s’est pas démarqué.

Vladimir Soloviev, la bombe nucléaire et la France:

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Le fait est que le début d’année 2023 marque un tournant radical dans la politique française. Jusque-là, Emmanuel Macron, défenseur du concept de puissance «d’équilibre», avait toujours défendu ses appels téléphoniques à Vladimir Poutine, même s’il n’avait obtenu aucune concession de son homologue.

Sauf que la guerre en Ukraine a emporté les vieilles amitiés et le réalisme géopolitique d'hier. Les voix les plus compréhensives ou nuancées envers la Russie, comme celles des anciens ministres des Affaires étrangères Hubert Védrine ou Dominique de Villepin, sont désormais ignorées. Le traditionnel lobby pro-Russe, avec ses ex-ténors comme l'ancien Premier ministre François Fillon, Éric Zemmour ou la patronne du Rassemblement national, Marine Le Pen, est réduit au silence. La Russie rime avec corruption, comme viennent de le prouver de nouvelles accusations de Médiapart selon lesquelles Nicolas Sarkozy aurait, dans le passé, profité de subsides russes pour faire «les louanges du Kremlin».

L’heure est à l’inventaire des matériels militaires

Oubliée, la diplomatie du téléphone! L’heure est à l’inventaire des matériels militaires que les Européens peuvent livrer avant le sommet UE-Ukraine, qui se tiendra à Kiev le 3 février. Selon «L’Opinion», un quotidien français bien informé sur les questions de défense, la France et l’Italie s’apprêtent ainsi à fournir à Kiev des batteries sophistiquées de missiles sol-air Mamba, d’une portée de plus de 100 kilomètres. Paris réfléchirait aussi à la livraison de son tank de référence, le char Leclerc. Ce qui confirmerait, après les canons Caesar, que le meilleur de l’arsenal français est aujourd’hui engagé en Ukraine contre l’armée russe.

Jusqu’où cette escalade peut-elle aller? La fièvre des combats semble avoir contaminé les politiques plus que les militaires. «L’armée française refuse mordicus de céder quelques-uns de ses 200 chars Leclerc, pour inciter Berlin à faire de même. Toutefois, ce qui était inenvisageable au printemps s’impose au fil des mois», explique «L’Opinion».

Vladimir Poutine, qualifié récemment avec ironie de «Gros minet prêt à taper tous azimuts» par un ancien général français, laissera-t-il le «Titi» tricolore continuer à le défier?

Vladimir Poutine, le «Gros minet» du Kremlin:

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