Le journaliste nuançait la droitisation de la chaine
Gérard Leclerc était la voix dissidente de CNews

Le journaliste de télévision, décédé le 15 août dans un accident d'avion, s'était reconverti en débatteur sur la chaine de droite CNews, du groupe Bolloré. Son animateur vedette Pascal Praud lui a rendu hommage.
Publié: 17.08.2023 à 18:20 heures
|
Dernière mise à jour: 17.08.2023 à 19:00 heures
Blick_Richard_Werly.png
Richard WerlyJournaliste Blick

A tous ceux qui lui reprochent son positionnement de droite, voire d’extrême-droite, la chaîne française d’information continue CNews vient d’offrir un cinglant démenti, en saluant la mémoire du journaliste disparu Gérard Leclerc, 71 ans. L’ancien présentateur des journaux télévisés du service public, et ancien patron de La chaîne Parlementaire (LCP) entre 2009 et 2015, était connu pour ses vues centristes, voire sa sympathie pour la gauche.

C’est pourtant lui que Pascal Praud, l’un des animateurs vedette de CNews, avait choisi comme débatteur en chef sur son plateau, lui permettant de nuancer les points de vue souvent réactionnaires et très marqués à droite des intervenants. Dès mercredi 16 août, au lendemain de la disparition du journaliste dans un avion qu’il pilotait lui-même, le présentateur de «L’heure des pros» lui a d’ailleurs consacré une émission spéciale.

Contenu tiers
Pour afficher les contenus de prestataires tiers (Twitter, Instagram), vous devez autoriser tous les cookies et le partage de données avec ces prestataires externes.

La vérité est que Gérard Leclerc, comme l’ancien directeur du quotidien de gauche «Libération» Laurent Joffrin ou l’ex-élu socialiste Julien Dray, jouent un rôle crucial pour CNews, cette chaîne du groupe Bolloré que beaucoup d’observateurs comparent à l’américaine Fox News de Rupert Murdoch. Minoritaires sur les plateaux des émissions auxquelles ils participent, souvent contredits voire désapprouvés par les téléspectateurs qui les assaillent parfois sur les réseaux sociaux, ces éditorialistes sont des «dédiabolisateurs» parfaits.

Le journaliste français de télévision Gérard Leclerc, 71 ans, était l'une des figures populaires des médias audiovisuels.
Photo: AFP
1/5

«Il était animé par l’esprit de rigueur. Un honnête homme, l’humour, la gentillesse, la bienveillance. J’aimais nos désaccords, nos entretiens. Il gardait un esprit hippie que le costume et la cravate n’entamaient pas», a réagi Pascal Praud, ému aux larmes par la disparition de celui avec lequel il ferraillait souvent en direct sur les sujets de société qui bousculent la France. En réponse à ses détracteurs, qui lui reprochaient son passage du service public au groupe Bolloré, Gérard Leclerc répondait, lui, par sa détestation de l’interdiction et des «oukases idéologiques».

La plupart des personnalités politiques françaises lui ont rendu hommage. «Gérard Leclerc était un grand journaliste politique. Cultivé, rigoureux, élégant. Il aimait le débat et la controverse tout en respectant la vérité des faits. Je pense à nos interviews, j’entends encore ses analyses et je mesure le talent que la presse vient de perdre», a indiqué l’ancien président François Hollande sur le réseau X (anciennement Twitter).

Le RN entre 27 et 30% des intentions de vote

A l’heure où le Rassemblement national de Marine Le Pen recueille entre 27 et 30% des intentions de vote dans les sondages, en vue des élections européennes de juin 2024, la chaîne CNews est un moteur médiatico-politique puissant en France. Elle est aussi l’élément central de la stratégie du groupe Bolloré qui vient de prendre le contrôle d’Hachette-Lagardère, illustré par la reprise chaotique du «Journal du Dimanche», désormais dirigé par un journaliste ouvertement proche de la droite dure, Geoffroy Lejeune.

Pour ne pas apparaître comme une chaîne extrémiste, et faire mentir ceux qui dénoncent des dérives réactionnaires, la personnalité de Gérard Leclerc était une pièce importante de cet échiquier. Le journaliste disparu démontrait aussi, par sa participation depuis 2016 à l’émission «L’heure des pros», que le pire est d’abandonner le terrain du débat et de l’échange démocratique. «Il aimait répéter que les choses sont souvent plus compliquées qu’elles ne le semblent», a estimé Pascal Praud en faisant l'éloge de son confrère disparu. Reste à savoir si, au sein de cette chaîne qui a servi de tremplin politique à l’ex-candidat présidentiel Eric Zemmour, beaucoup ne seront pas maintenant tentés de l’oublier.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la