Le référendum, ce remède
Macron en Suisse en novembre: pour apprendre la démocratie directe?

Le président français a accepté l'invitation du président de la Confédération Alain Berset. Il devrait se rendre en Suisse à la mi-novembre pour une visite d'État. Pour y apprendre la démocratie directe?
Publié: 16.07.2023 à 15:57 heures
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Dernière mise à jour: 16.07.2023 à 15:59 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Alain Berset et le Conseil fédéral feraient bien d’inviter Jean-Louis Debré avant de recevoir Emmanuel Macron, les 15 et 16 novembre. Sauf changement de dernière minute, le chef de l’État français a en effet accepté l’invitation de l’actuel président de la Confédération, qui était encore présent à Paris le 23 juin dernier, pour le sommet sur un nouveau pacte financier mondial organisé par la France.

La date de cette visite, révélée par «Le Temps», coïncidera avec l’après-élection fédérale du 22 octobre et avec les ultimes semaines au gouvernement du conseiller fédéral socialiste fribourgeois. Belle opportunité, donc, pour expliquer au locataire de l’Élysée les vertus de la démocratie directe, que vient de défendre haut et fort l’ancien président du Conseil constitutionnel dans les colonnes du «Parisien»: «Pour sortir de l’impasse politique actuelle, je pense que le retour au souverain, c’est-à-dire au peuple, s’impose», estime Jean-Louis Debré dans ce quotidien.

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Parler, en France, du peuple comme «le souverain»: rien que cela mérite le détour, dans cette république hyper-centralisée qu’Emmanuel Macron rêvait de bousculer et transformer, mais n’est parvenu qu’à chahuter depuis sa première élection en 2017. Et si la démocratie directe, façon helvétique, permettait de réinsuffler de l’oxygène dans le système politique français asphyxié? A priori, on connaît la réponse. Le président français l’avait donné en 2019 à l’hebdomadaire «Le Point», alors que des foules de gilets jaunes réclamaient l’instauration d’un «référendum d’initiative citoyenne», le fameux RIC.

Les votations régulières «à la Suisse» peuvent-elles convaincre le président français?
Photo: Keystone
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«On n’est pas du tout fait pour ça, avait-il dit. Je crois aux identités profondes des peuples. La France n’est pas la Suisse et la Suisse ne marche pas aussi bien qu’on le pense. Le modèle suisse est inadapté. Il y a un système confédéral, avec une présidence tournante, des équilibres politiques très différents, un rapport différent à l’ouverture/fermeture, une acceptation des inégalités, un rapport au monde qui est profondément différent. […] Nous sommes un peuple violent, depuis des siècles et des siècles. La France n’est pas la Suisse.»

Fermez le ban?

Fermez le ban? Oublier l’idée d’helvétiser un peu la France comme le propose, au fil de ses livres, l’essayiste franco-suisse François Garçon, auteur de «France, démocratie défaillante» (Ed. L’Artilleur)? «Il y a pourtant matière à importer quelques recettes, dont nos habitudes bien plus démocratiques que celles de la Constitution de la Ve République», explique ce dernier. Or justement, une brèche vient d’être ouverte. Et pas par n’importe qui!

Jean-Louis Debré, 78 ans, est ancien président de l’Assemblée nationale (2002-2007) après avoir été ministre de l’Intérieur de Jacques Chirac, dont il était très proche. Il est surtout le fils de l’ancien Premier ministre gaulliste Michel Debré, l’un des auteurs de l’actuelle Constitution française. Et il a présidé le Conseil constitutionnel de 2007 à 2016. Or que dit celui qui, désormais, se consacre au théâtre et à ses livres? «Dissolution ou référendum, c’est un choix du président. De Gaulle a réglé la crise de 1968 par un retour devant le peuple souverain. Il faut l’accepter. La dissolution a été prévue pour ça. C’est le président seul qui décide d’y recourir. Vous ne pouvez pas passer des textes aussi importants que la réforme des retraites sans avoir une consultation populaire». Et d’ajouter: «Je serais le premier à regretter l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite. Mais la démocratie, c’est la volonté du peuple.»

Macron et l’apprentissage

Du côté suisse, on connaît le refrain. Pas question de s’immiscer dans les affaires de la France. Mais la preuve est faite que des visites d’État peuvent servir à mieux informer les dirigeants étrangers sur la complexité et les performances du système helvétique. En avril 2015, François Hollande s’était rendu à Zurich, à Lausanne puis à Berne, où il avait été reçu avec les honneurs militaires par le Conseil fédéral, profitant d’un long voyage en train pour se faire expliquer les spécificités suisses, et notamment les performances de la Confédération en matière de recherche ou d’apprentissage.

Cet automne, Emmanuel Macron pourra anticiper les 70 ans du CERN, le centre d’études et de recherche nucléaire basé à Genève, qui fut créé en septembre 1954. Mieux: l’actuel président français, qui fut ministre de l’Économie sous la présidence de François Hollande (2014-2016), a importé les recettes suisses pour créer de nouveaux contrats d’apprentis, qui ont bénéficié à plus de 700'000 jeunes français en 2021. Un record dont il se félicite régulièrement!

Sous le signe de la démocratie

Alors, pourquoi ne pas placer sa visite de la mi-novembre sous le signe de la démocratie? Cela permettra aussi d’éviter les sujets qui fâchent, comme l’achat par la Suisse d’avions de chasse américains F-35, ou la pénible reprise des négociations bilatérales avec l’Union européenne, en attente d’être formalisées ce mardi 18 juillet lors d’une visite d’Ignazio Cassis à Bruxelles. Référendum, votation, initiation aux retrouvailles avec le «souverain» populaire… Le programme pourrait être riche. Jean-Louis Debré dans «Le Parisien» a, à sa manière, lancé l’invitation.

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