Ils le réclament pourtant
Ce référendum sur les retraites que les Français n'arrivent pas à obtenir

Après avoir rejeté le 14 avril la première demande de référendum sur la réforme des retraites, le Conseil constitutionnel français doit examiner une seconde demande. Les juges répondront le 3 mai. Mais très peu y croient...
Publié: 17.04.2023 à 19:39 heures
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Dernière mise à jour: 17.04.2023 à 19:41 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Voter sur la réforme des retraites? Non, trois fois non! Pas question de soumettre aux électeurs le projet de loi qu’Emmanuel Macron s’est empressé de promulguer, en pleine nuit samedi, quelques heures seulement après l’aval du Conseil constitutionnel donné vendredi 14 avril à 18 heures.

Sept Français sur dix, selon les sondages, désiraient pourtant voter sur le report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans (contre 62 ans jusque-là). Deux tiers de la population en faveur d’un référendum! Qu’importe. Le Conseil constitutionnel a tranché: Non aux urnes. Pas question de faire pencher la République du côté (présumé obscur et populiste par beaucoup) de la démocratie directe! Saisis d’une demande de Référendum d’initiative partagée, prévu par l’article 11 de la Constitution, les neuf juges du Conseil ont balayé cette hypothèse en quelques lignes, dans leur décision du 14 avril.

Une nouvelle proposition de référendum

Conscients que leur proposition initiale de référendum allait sans doute être rejetée, 252 parlementaires de gauche sont revenus à la charge la veille de la décision. Le Conseil constitutionnel va donc devoir à nouveau se prononcer le 3 mai sur une éventuelle consultation populaire, dans le cadre de la procédure très complexe du Référendum d’initiative partagée qui, si elle est enclenchée, obligera ses promoteurs à recueillir 4,8 millions de signatures (un dixième du corps électoral) en neuf mois. Cela voudrait dire que toute l’année 2023 y serait consacrée. Mais le plus probable est que cette motion référendaire sera de nouveau rejetée. On vous explique pourquoi.

La présidence d'Emmanuel Macron est jugée beaucoup trop verticale par une partie importante de la population française. Résultat: deux tiers des personnes interrogées dans les sondages veulent plus de référendum.
Photo: DUKAS
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Le Conseil constitutionnel s’est prononcé, le 14 avril, sur une demande de référendum à la fois claire et problématique d’un point de vue légal. La question était limpide. Elle visait à demander aux Français de répondre «oui» ou «non» à l’affirmation suivante: «l’âge légal de départ à la retraite ne peut être fixé au-delà de 62 ans». Le problème est que cette question, selon les juges, ne rentre pas dans le cadre d'«une réforme relative à la politique sociale de la nation, au sens de l’article 11 de la Constitution». Le fait de fixer un âge de départ relève de la loi. Laquelle peut donc être modifiée. Faire voter les Français sur un plafond d’âge n’aurait pas eu de sens.

Une décision motivée

«À la date d’enregistrement de la saisine, la proposition de loi visant à affirmer que l’âge légal de départ à la retraite ne peut être fixé au-delà de 62 ans n’emporte pas de changement de l’état du droit, justifie l’avis du Conseil constitutionnel. En outre, le législateur peut toujours modifier, compléter ou abroger des dispositions législatives antérieures, qu’elles résultent d’une loi votée par le Parlement ou d’une loi adoptée par voie de référendum. Ainsi, ni la circonstance que ses dispositions seraient adoptées par voie de référendum ni le fait qu’elles fixeraient un plafond contraignant pour le législateur ne permettent davantage de considérer que cette proposition de loi apporte un changement de l’état du droit.»

La seconde proposition de référendum, qui fera l’objet d’une réponse le 3 mai, est différente. Elle propose de soumettre aux électeurs français non plus un âge légal de départ à la retraite, mais un mécanisme de financement. Il s’agirait de répondre par l'affirmative ou la négative à «la création d’une recette fiscale liée aux ressources du capital pour sécuriser le financement de la retraite par répartition». Ce qui serait bien, a priori, une «réforme» relative à la politique sociale.

Reste qu’ouvrir la voie à une telle consultation populaire contredirait l’adoption, le 14 avril, du projet de loi existant, promulgué aussitôt par Emmanuel Macron, et supposé entrer en vigueur à partir du 1er septembre. Difficile, par conséquent, d’imaginer un feu vert référendaire.

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Le référendum sur les retraites a-t-il quand même une chance en France, in extremis? C’est très peu probable, même si, selon le constitutionaliste Dominique Rousseau dans «Le Monde», ce chapitre n’est pas clos: «La décision du Conseil s’impose mais, parce qu’elle est mal fondée et mal motivée en droit, elle n’a pas les qualités lui permettant de clore le contentieux des retraites […]. Assurément, la décision du 14 avril 2023 ne rentrera pas dans l’histoire.»

Si le Conseil constitutionnel français devait ouvrir la voie à la récolte de signatures, celle-ci n’empêcherait pas, de toute façon, la nouvelle loi de s’appliquer. Elle n’imposerait pas, non plus, le retour à 62 ans. Le référendum, supposé clarifier les choses, ajouterait donc à la confusion actuelle dans un climat où les oppositions, tout comme l’Exécutif, sont le dos au mur. Seul avantage: l’hypothèse d’une future consultation populaire pourrait permettre au président français de justifier ce que les syndicats réclament jusqu'ici en vain: une mise en «mode pause» du texte législatif jusqu’à l’obtention des 4,8 millions de paraphes.

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