Macron exige une baisse des prix
L'essence française moins chère, une aubaine pour les Romands?

Le gouvernement français fait pression sur les distributeurs pour qu'ils acceptent de vendre du carburant à perte. Si cela fonctionne, les stations d'essence frontalières se retrouveront prises d'assaut.
Publié: 21.09.2023 à 13:27 heures
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Dernière mise à jour: 21.09.2023 à 14:05 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Les Romands sont à l’affût. Et ils ont raison. Si le plan du gouvernement français d’imposer des prix cassés du carburant à la pompe fonctionne, le litre d’essence vendu de l’autre côté de la frontière pourrait baisser de 40 ou 50 centimes d’euro par litre.

En France, le coût moyen d’un litre de super se situe entre 1,9 et deux euros, soit très proche de celui pratiqué en Suisse. Mais si la ristourne intervient, alors bingo: il suffira de se rendre en France voisine pour faire un plein sacrément bon marché, en profitant des prix cassés arrachés aux distributeurs et aux pétroliers, et du différentiel de taux de change.

Faites-vous même le calcul: 50 centimes en moins par litres, et 40 litres pour faire le plein. Vous y êtes: 20 euros d’économisés pour remplir votre réservoir. A ce tarif-là, les pompes de France voisine vont être prises d’assaut!

Le gouvernement a annoncé le 16 septembre un projet de loi devant prochainement permettre aux distributeurs de vendre du carburant «à perte» afin de faire baisser les prix à la pompe.
Photo: DUKAS
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Le carburant vendu à perte?

Que les Suisses profitent de cette volonté gouvernementale française n’est pas si anecdotique. Pour les géants Total Energies, Esso ou Shell comme pour les enseignes phare de la grande distribution, ce plan étatique est une distorsion de concurrence très problématique.

Explication: pour parvenir à une baisse des prix à la pompe de 40 ou 50 centimes, le gouvernement français a officiellement annoncé, samedi 16 septembre, un projet de loi autorisant la vente de carburant «à perte». En clair: puisqu’il n’est pas question, pour l’État, de baisser les 50% de taxes diverses par litre qui alimentent son budget et son modèle social, c’est au secteur privé de faire l’effort.

Total Énergies, pour rappel, a réalisé en 2022 19 milliards d’euros de profits! Et si ces entreprises refusent, la législation les y obligera. Vendre à perte est aujourd’hui interdit en France depuis 1963. Sauf peut-être, bientôt, pour le carburant: «Ce sera effectif à partir de début décembre puisque le texte de loi sera examiné à l’Assemblée nationale en octobre, a indiqué le ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire.

La mesure durera six mois et ça permettra de trouver des carburants moins chers partout». On a compris le message: pas question de passer l’hiver avec une surchauffe généralisée des prix. Quitte à fausser le marché et la concurrence.

Mais est-ce vraiment possible?

Possible vraiment d’imposer des prix cassés? Oui, en théorie. Une fois que les députés auront adopté ce projet de loi, d’ici la fin de l’année, la valse des étiquettes pourra avoir lieu. Et les soldes à la pompe aussi.

Problème: comment l’arrêter et ne pas accoucher d’une fronde des opérateurs privés contre la fiscalité indirecte dans un pays où les prélèvements obligatoires représentent déjà 45,4% du produit intérieur brut (PIB), record des pays les plus riches du G7 et de l’Union européenne! Comment, surtout, revenir ensuite à des prix de marché si le baril du pétrole s’envole de nouveau vers les sommets, comme beaucoup d’experts le redoutent.

Le pétrole Brent, principal indicateur, vient de franchir en septembre la barrière des 95 dollars. Il pourrait atteindre 110 dollars selon certaines estimations en juin 2024. Alors? Difficile de faire accepter, dès le printemps, ce sursaut des tarifs!

«On ne dit pas», mais…

«On ne dit pas l’essence va tomber à 1,40 euro le litre dans toutes les stations pendant six mois» a corrigé le porte-parole du gouvernement français. Attention donc coté suisse: les soldes énergétiques hexagonales ne sont pas garanties, d’autant que l’idée circule, à Paris, de restreindre ces tarifs préférentiels aux véhicules immatriculés en France.

Le PDG de Total, de toute façon, refuse d’enclencher cette machine infernale qui traduit une fois de plus le dirigisme français, avec comme objectif de limiter l’inflation en période de baisse chronique de pouvoir d’achat. Convoqués mardi 19 septembre au ministère de l’Économie, les dirigeants des grands distributeurs ont rejeté, unanimes, la revente à perte du carburant. Sauf que le gouvernement français commence à manier un autre bâton: ceux qui refusent de jouer le jeu pourraient se voir priver de licences et d'aides pour l’installation de chargeurs pour voitures électriques.

Donnant-donnant. Les Suisses, toujours aux aguets lorsque l’économie française ne tourne pas rond, ont intérêt à suivre tout cela de près.

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