Meurtre dans un bal populaire
Un village français pris d'assaut par des voyous armés de couteaux

Un bal populaire qui se transforme en bataille rangée au couteau. Un jeune joueur de rugby de 16 ans a été tué par une bande qui tentait de pénétrer dans la salle des fêtes de Crépol. La France est scandalisée.
Publié: 21.11.2023 à 14:16 heures
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Dernière mise à jour: 21.11.2023 à 19:13 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Toutes les circonstances sont réunies pour parler d’un drame national. Un drame qui, pour une fois en France, ne se déroule pas dans une banlieue présumée «difficile». Une tragédie qui n’oppose pas les forces de l’ordre et des jeunes révoltés. La scène qui s’est déroulée samedi 18 novembre dans la soirée à Crépol, un petit village rural de la Drome (sud de la France), a de quoi alimenter les peurs devant la montée irrésistible des violences.

Dans une salle des fêtes de village

Le lieu? Une salle des fêtes de village, où des jeunes des environs s’amusent et dansent dans un bal populaire. Les circonstances? Une bande de jeunes rivale, présumée venue d’une cité de Romans-sur-Isère, la ville la plus proche de Crépol, résolue à en découdre. L’enchaînement des faits? Une bataille au couteau, après que le vigile posté à l’entrée du bal a refusé l’accès aux jeunes désireux de s’immiscer dans cette fête qui n’était pas la leur.

Bilan: un jeune de seize ans est mort poignardé. Depuis lundi, le visage de Thomas, joueur de rugby dans un club local, est montré sur les écrans de toutes les chaînes de télévision françaises. Il est le symbole d’une violence qui n’est plus cantonnée dans les quartiers à problème. La preuve, peut-être, d’une France «Orange mécanique», décrite par l’essayiste Laurent Obertone dans un essai du même nom il y a dix ans. En s’inspirant du titre du film d’anticipation de Stanley Kubrick qui montrait un déferlement de violence dans une cité urbaine où les jeunes avaient pris le pouvoir.

Le village de Crepol, dans la Drome, compte moins de 600 habitants. Le bal populaire se déroulait samedi 18 novembre.
Photo: Photo Google Street View
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Un déferlement de violence gratuit?

Laurent Obertone n’a jamais caché ses sympathies pour la droite dure. Mais le fait est que sa thèse, celle d’une France rongée par les règlements de compte face auxquels la police se retrouve débordée et impuissante, trouve de plus en plus souvent des illustrations au quotidien. «Tous les ingrédients d’une déflagration sont là», expliquait-il voici un an au magazine 'Causeur'. Pour l’heure, la justice n’a pas identifié les agresseurs du village de Crépol. S’agissait-il d’un déferlement de violence gratuit? Ou d’un règlement de compte? Faut-il voir, dans cette zone rurale, la contamination des phénomènes de bandes rivales constatées à Paris et dans les grandes villes?

Le 31 mars 2023, quatre mineurs ont été jugés coupables dans l’affaire de la mort d’un jeune de quatorze ans à Paris, gravement blessé sous une avalanche de coups de barres de fer. Âgés de moins de seize ans au moment des faits, les deux suspects du meurtre ont été condamnés par le tribunal des enfants à cinq et trois ans de prison. Une peine jugée beaucoup trop indulgente pour s’avérer dissuasive.

Expédition punitive?

Que s’est-il passé à Crépol, ce village a priori tranquille? Le procureur de la République a parlé d’une «expédition punitive». Huit personnes ont été blessées, dont deux grièvement. Une enquête pour «homicide volontaire et tentative d’homicide en bande organisée» a été confiée à la gendarmerie de Grenoble. L’assaut sur le village aurait été «programmé». Sept interpellations ont eu lieu mardi 21 novembre près de Toulouse. Les responsables de l'attaque se trouveraient parmi eux.

Une «marche blanche» doit avoir lieu, en mémoire du jeune défunt, ce mercredi 22 novembre à Romans-sur-Isère, une commune de 33'000 habitants où la délinquance est un sérieux problème. En septembre 2023, de nouvelles émeutes avaient éclaté dans le quartier de la monnaie, d’où seraient originaires les agresseurs. Un jeune majeur avait été interpellé et déféré devant la justice en comparution immédiate pour caillassage des forces de l’ordre.

Violences en milieu rural

La montée de la violence en milieu rural avait été signalée en France par une enquête publiée en 2021, à la sortie de la pandémie de Covid-19. «Depuis environ trois ans, les forces de l’ordre observent que les faits de délinquance avec violences physiques s’installent dans les campagnes. Tout comme dans les zones périurbaines. Faisant ainsi basculer certains lieux dans une insécurité jusqu’alors inconnue. Ainsi, le milieu rural subit de plus en plus d’incidents qui impliquent des coups et des blessures volontaires», notait le bulletin des communes. «Les policiers et les gendarmes qui sont sur le terrain constatent que les coups et les blessures volontaires ont une dangereuse tendance à se banaliser. Et qu’ils ne sont en tout cas plus le triste privilège des cités dites à problèmes.»

La tragédie de Crépol, dans la Drome, a alimenté les discussions au 105e Congrès des maires de France qui se tient cette semaine à Paris. 40 élus municipaux démissionnent chaque mois en raison de la recrudescence des agressions contre eux ou contre la population dans leurs communes.

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