Panique à Paname
Et si la paranoïa parisienne des punaises de lit était exagérée?

Paris est-elle une capitale infestée par les punaises de lit? A en croire les médias, oui. Dans les faits, ces épidémies d'insectes n'ont rien de nouveau. Et les mesures prises par les autorités sanitaires portent leurs fruits.
Publié: 05.10.2023 à 19:38 heures
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Dernière mise à jour: 06.10.2023 à 09:43 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Paris en mode panique! Impossible, ou presque, de ne pas entendre parler des punaises de lit qui commencent à interroger les Parisiens sur l’état de leur ville. Il faut dire que depuis des années, échanger avec les habitants de la capitale française revient à entendre une litanie de lamentations. La prolifération des rats, la saleté des rues, l’absence d’entretien des parterres, les trous dans les chaussées, le nombre extravagant des travaux… Vous en voulez encore? 

Pas besoin, car la paranoïa des punaises de lit dépasse de loin tous ces fléaux. «Il ne faut pas rentrer dans une logique d’inquiétude totale et de paranoïa» a osé le responsable du syndicat des entreprises spécialisées dans l’hygiène et la dératisation sur BFM TV. Résultat: une avalanche de commentaires inquiets sur les réseaux sociaux l’accusant d’être «hors-sol»…

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Alors, délire collectif ou épidémie? Un rappel de calendrier est d’abord utile. Les punaises de lit n’ont rien de nouveau dans la capitale française. En 2020, lors de la campagne pour les élections municipales remportées par la maire sortante socialiste Anne Hidalgo, le sujet était en tête de l’agenda de ses opposants. 

En Suisse comme en France, des chiens sont spécialement dressés pour traquer les punaises de lit qui s'installent dans les matelas. Mais ils sont encore trop peu nombreux.
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Parmi ces derniers, l’ancien porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux, ce très proche d’Emmanuel Macron, obligé de déserter la course électorale en raison de la diffusion d’une image de lui en fâcheuse posture. «Les punaises de lit, c’est alerte rouge», nous avait-il asséné lors d’un déjeuner avec des journalistes étrangers. Lui-même en avait d’ailleurs été victime. Problème: la pandémie de Covid-19 a ensuite fait passer les méchants insectes au second rang, derrière le virus.

«Le chiffre du million d’interventions de désinfection à Paris a été franchi en 2020, explique un entrepreneur habitué à travailler avec la municipalité. Le problème est qu’il aurait fallu, dès l’entrée en fonction de la nouvelle équipe municipale en juin 2020, un plan de grande ampleur. On sortait du confinement. Les gens n'avaient quasiment pas bougé durant des mois. C’était le bon moment. La mairie a raté le coche».

La question principale, selon les experts, n’est pas la prolifération des punaises en raison d’une quelconque hausse du nombre de visiteurs, de touristes ou de personnes sans-domicile fixe, comme on a pu l’entendre sur certains plateaux de télévision. «On oublie que les punaises se reproduisent, précise notre entrepreneur, basé dans le quartier parisien de Bastille. Elles n’ont pas besoin d’être apportées par quelqu’un. Or, on a stoppé toutes les mesures de désinsectisation durant le confinement. Faites le calcul: pendant les mois de Covid, les punaises ont pu proliférer. Et comme au sortir du confinement, rien n’a été fait, on ne pouvait pas intervenir. Les chiffres ont donc explosé.»

Conséquence: des immeubles entiers se sont retrouvés infectés à partir d’un seul appartement initialement contaminé, en raison des va-et-vient dans le bâtiment. Autre problème cité par les spécialistes: les hausses de température et l’automne qui ressemble à un été. En dessous de 16 degrés, température typique pour un mois de septembre en temps normal, les punaises hibernent et ne se reproduisent plus. Au-dessus, elles se répandent et prolifèrent.

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Alors, paranoïa? «Dans un sens, c’est bien, corrige l’adjoint au maire d’une commune de banlieue de l’est de Paris. Au moins, tout le monde fait maintenant attention. Il faut conscientiser les concierges et les gardiens, dans les immeubles où il y en a encore. Le nettoyage des parties communes est essentiel pour éviter la propagation.» 

Réaction typiquement française: la colère des parisiens est dirigée contre l’État et la municipalité. L’idée de légiférer sur le sujet sera d’ailleurs évoquée lors d’une réunion interministérielle ce vendredi 6 octobre. Le ressentiment et la peur sont surtout alimentés par la découverte de punaises de lit dans les cinémas, les bâtiments collectifs, les musées ou encore dans le métro. À noter que la régie des transports parisiens a depuis affirmé que la situation est «sous contrôle». 

Dans une ville de province importante comme Rennes, le budget consacré à la désinsectisation a presque triplé entre 2021 et aujourd’hui. On assiste aussi à un alarmisme entretenu par les entreprises spécialisées, qui peuvent ainsi facturer plus cher leurs interventions. Certaines facturent jusqu’à 2000 ou 3000 euros l’intervention dans un quartier de la capitale française.

Cauchemar ou opportunité?

Les punaises de lits sont un cauchemar pour la plupart, et sont une opportunité pour les quelques centaines de professionnels qui opèrent à Paris. «Nous ne savons pas aujourd’hui s’il y a plus de punaises de lit qu’en 2019» a reconnu le député pro-Macron Bruno Studer, qui avait déjà déposé une proposition de loi en 2022. Celle-ci visait «à reconnaître le fléau des punaises de lit et à structurer un dispositif de lutte et de prévention». 

Un rapport parlementaire avait aussi été rendu en 2020. Il préconisait la création d'un observatoire piloté par l’Institut national d’étude et de lutte contre la punaise de lit (INELP). Le rapport recommandait aussi de travailler à l’élaboration d’un protocole d’intervention national approuvé par les scientifiques, à faire appliquer par les professionnels ou industriels pour réduire le recours aux traitements chimiques. Des campagnes de communication grand public étaient proposées. Mais malgré ces recommandations, les actes concrets n’ont pas suivi.


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