Un TGV sur trois à quai
Le cadeau des contrôleurs de train français à Noël? La grève!

C'est un collectif de contrôleurs de la SNCF qui a lancé l'idée sur Facebook: faire grève durant le week-end de Noël pour dénoncer leurs conditions de travail. Un cadeau dont les usagers se seraient bien passés.
Publié: 21.12.2022 à 11:38 heures
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Dernière mise à jour: 21.12.2022 à 14:49 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Une grève née sur internet. Un train français sur trois scotché en gare. Des billets entièrement remboursés… seulement s’ils ont été achetés aux guichets de la SNCF ou sur le site des chemins de fer français. Bienvenue au pays où le père Noël est prié de ne pas faire confiance au rail et de lui préférer son habituel traîneau. A partir de ce vendredi, la loterie ferroviaire sera le lot d’au moins un voyageur français sur trois munis de billet. Si son train est maintenu, l’assurance d’une foule en colère sur les quais et durant le trajet. Si son train est annulé, un remboursement à venir ou un changement gratuit de dates. Une fois que les fêtes de Noël seront terminées…

Un collectif né sur les réseaux sociaux

Fait nouveau de la vie sociale de la Société nationale des chemins de fer français, créé en 1938 pour unifier les compagnies privées qui sillonnaient le pays avant la Seconde Guerre mondiale, cette grève-là n’a pas lieu à l’appel d’un syndicat. C’est sur les réseaux sociaux, et en particulier sur Facebook, que le mouvement de colère s’est propagé jusqu’à l’arrêt de travail programmé pour les fêtes. 3500 employés-internautes sur les 270’000 que compte la SNCF ont tout fait basculer, face à une direction qui ne cesse de déplorer leur attitude et leur blocage dans les médias. Un arrét de travail précédent de conctrôleurs a déjà eu lieu début décembre.

Objectif des grévistes: dénoncer à nouveau leurs conditions de travail. Lesquelles, selon ce collectif, amènent les contrôleurs à se retrouver avec «de plus en plus de choses à faire en étant généralement seul à bord, pour gérer 500-600 voyageurs». Les négociations entamées depuis plusieurs jours n’ayant rien donné - même si la direction met en avant une prime annuelle de 600 euros - le mot d’ordre de grève est tombé. Rien d’étonnant. Les 200’000 voyageurs environ qui se retrouveront privés de train expérimenteront une habitude française: utiliser les périodes de départ en vacances pour bloquer le trafic dans les gares ou les aéroports afin d’obtenir des concessions rapides.

Samedi 17 décembre, les artistes en grève ont organisé des concerts spontanés dans les gares parisiennes. Durant le week-end de Noël, les contrôleurs, eux, ont décidé de priver les usagers de la musique des vacances en famille.
Photo: DUKAS

L’ampleur du mouvement social reste à déterminer. Les dix mille contrôleurs employés par la SNCF ont jusqu’à ce mercredi soir pour faire savoir, ou non, s’ils officieront ce week-end de Noël. Pas simple, pour ceux qui travailleront, d’affronter les usagers qui seront à coup sûr excédés: «Le pire de cette grève est qu’elle risque de se retourner contre nous, racontait ce mercredi matin à Blick Philippe L., 42 ans, contrôleur sur un TGV franco-suisse Lyria. Quels que soient nos arguments sociaux, ils ne tiendront pas face à l’énervement et à l’envie de vacances des passagers.» La compagnie Lyria, qui exploite les TGV entre la France et la Suisse, devrait être aussi touchée par cette grève dont les contours précis seront connus jeudi. Mieux vaudra donc vérifier si votre TGV est confirmé ou non avant d’espérer passer le réveillon au pied de la Tour Eiffel ou de l’Arc de Triomphe!

Des revendications sociales compréhensibles

Côté arguments sociaux, les contrôleurs français ont des raisons de protester. Avec des salaires mensuels autour de 2500 euros en milieu de carrière, ces derniers affichent un bulletin de paie inférieur de moitié à ceux de leurs homologues suisses qui, dans les TGV Lyria, officient avec eux en binôme. Un autre fossé différencie toutefois le rail français et helvète. Côté budgétaire, la SNCF affiche en effet une dette de 35 milliards d’euros reprise par l’Etat en 2018, lors de la réforme du statut des agents adoptée au début du premier mandat présidentiel d’Emmanuel Macron.

Cette réforme, qui avait entraîné l’un des grèves les plus longues de l’histoire du rail hexagonal, a été adoptée par le parlement en juin 2018. Elle a fait disparaître le statut socialement avantageux de cheminot pour les nouvelles embauches. Elle a changé le statut de la SNCF en une société anonyme à capitaux publics. Et elle a permis, depuis 2019, l’ouverture de la concurrence, y compris internationale. Depuis un an, des trains italiens de Trenitalia circulent ainsi entre Paris et Lyon.

Les syndicats traditionnels restent prudents, mais en embuscade

Selon les syndicats, le dialogue social s’est durci à la SNCF, autrefois bastion de cheminots communistes, depuis l’adoption de la réforme. Les régions les plus touchées par la grève devraient être le nord et l’ouest de la France ce week-end. A moins qu’un accord de dernière minute ne fasse retomber la pression.

Pour l’heure, le collectif de contrôleurs grévistes ASCT (CNA) n’a pas obtenu le soutien actif de la CGT-Cheminots et de SUD rail, les deux premiers syndicats de la SNCF. Ceux-ci ont déposé un préavis, mais ils n’ont pas appelé à la grève. Vu de l’étranger, les TGV français «InOui» n’ont jamais aussi bien porté leur nom qu’en cette veille de Noël 2022.

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