«Les tensions demeurent fortes»
Prudente au sujet de l'inflation, la BCE s'offre une pause estivale

La Banque centrale européenne (BCE) a opté pour le statu quo monétaire jeudi en laissant ses principaux taux directeurs inchangés. Le taux de dépôt, qui fait référence, a été maintenu à 3,75%, après avoir été abaissé de 25 points de base en juin.
Publié: 18.07.2024 à 15:47 heures
sda-logo.jpeg
ATS Agence télégraphique suisse

La Banque centrale européenne (BCE) a sans surprise laissé ses taux directeurs inchangés jeudi, en attendant des chiffres rassurants sur l'inflation qui ouvriraient la porte à une nouvelle baisse en septembre. Le taux de dépôt, qui fait référence, a été maintenu à 3,75%, après la baisse décidée lors de la précédente réunion de juin, une première en cinq ans.

Le conseil des gouverneurs, présidé par Chistine Lagarde, «conservera les taux directeurs à un niveau suffisamment restrictif, aussi longtemps que nécessaire», pour atteindre l'objectif de 2% à moyen terme, selon un communiqué de décision de politique monétaire publié à l'issue de la réunion de l'institution. Les gardiens de l'euro ne donnent à ce stade aucune indication sur les décisions ultérieures de politique monétaire, qui «s'appuieront sur les données» d'inflation et de croissance notamment.

Futures baisses «incertaines»

En juin, la BCE avait baissé de 0,25 point de pourcentage ses taux, voulant envoyer le signal de la fin du cycle de resserrement monétaire entamé en juillet 2022 pour lutter contre une inflation qui a culminé à 10,6% en octobre 2022. Mais Mme Lagarde avait prévenu dans la foulée que la vitesse et la durée des futures baisses restaient «très incertaines» en raison de la volatilité de l'inflation, évoquant le chemin «cahoteux» de la courbe des prix. Les déclarations de la présidente de la BCE, Christine Lagarde, à partir de 12H45 GMT seront scrutées concernant l'évolution de l'économie et de l'inflation.

En juin, la BCE avait baissé de 0,25 point de pourcentage ses taux, voulant envoyer le signal de la fin du cycle de resserrement monétaire entamé en juillet 2022.
Photo: keystone-sda.ch

La Réserve fédérale américaine (Fed) n'a pas encore baissé ses taux, mais les investisseurs ont été rassurés par la récente intervention du président de l'institution, Jerome Powell, qui s'est montré encouragé par le ralentissement de l'inflation en juin, renforçant les attentes d'une baisse des taux américains dès septembre. Depuis la réunion de juin, les indicateurs en zone euro pointent une croissance plus faible et une inflation de nouveau en recul, à 2,5% en juin sur un an, après le rebond à 2,6% en mai.

«Les tensions demeurent fortes»

Les prix des services, où la composante salaires est forte, inquiètent par leur vigueur (+4,1% sur un an en juin), représentant désormais la plus grande contribution à l'inflation. «Les tensions sur les prix d'origine interne demeurent fortes, les prix des services augmentent à un rythme élevé», constate la BCE dans son communiqué jeudi.

«L'inflation globale devrait rester supérieure à l'objectif pendant une grande partie de l'année prochaine», rappelle l'institution dont la dernière prévision d'inflation pour 2025 s'établit à 2,2%. L'ensemble de ces données fait cependant pencher la balance «en faveur d'une réduction (des taux) en septembre, lorsque la BCE présentera de nouvelles estimations de croissance et d'inflation», selon Felix Schmidt, chez Berenberg.

Mme Lagarde doit se préparer à un tir nourri de questions sur la France dont le climat politique reste très incertain après des législatives n'ayant pas dégagé de majorité absolue. Les nouveaux députés se réunissent jeudi pour élire le président de l'Assemblée nationale, un poste hautement stratégique, dans un hémicycle fragmenté où pourrait se dessiner une ébauche de coalition gouvernementale.

La situation en France met la BCE sous pression

La France doit rapidement agir sur sa «trajectoire budgétaire» si «elle veut récréer des marges de manoeuvre», a prévenu mardi le chef économiste du FMI, Pierre-Olivier Gourinchas. Le flou politique dans l'Hexagone pourrait créer des tensions sur les taux d'emprunt de la dette française, mettant la BCE sous pression pour intervenir.

Le calme règne encore sur le marché obligataire, à tel point que le taux d'intérêt de l'emprunt français à 10 ans, à 3,07%, évolue jeudi en-dessous du niveau précédant l'annonce début juin de la dissolution de l'Assemblée nationale.

Mme Lagarde, d'une extrême réserve sur ce sujet, devrait répéter que la BCE est «attentive à tout moment à ce qui se passe sur les marchés» et que «les États membres de la zone euro ont convenu d'un cadre budgétaire avec lequel ils sont censés se conformer», selon Deutsche Bank. La banque centrale peut contrer une flambée des taux d'emprunt souverains via des rachats illimités de dette, mais ils sont conçus, «pour les pays qui subissent une attaque injustifiée du marché, et non pour les pays qui prennent une mauvaise direction budgétaire», rappelle M. Schmidt.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la