Après un an de guerre en Ukraine
La Pologne, choyée par les États-Unis et debout face à la Russie

La visite du président américain à Varsovie ce mardi 21 février confirme le poids décisif de la Pologne au sein de la coalition qui soutient l'Ukraine face à la Russie. Un pouvoir que ce pays aura encore plus, demain, au sein de l'Union européenne.
Publié: 21.02.2023 à 13:02 heures
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Dernière mise à jour: 21.02.2023 à 13:14 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Ce pays-là peut transformer l’Europe. Tout, dans l’histoire récente de la Pologne, démontre que sa volonté, dopée par la guerre en Ukraine, est désormais une clé incontournable pour comprendre l’Union européenne (UE) de demain.

Joe Biden ne s’y est pas trompé en se rendant à Varsovie, où il devait prononcer ce mardi 21 février un discours très attendu, au moment même où Vladimir Poutine s’est exprimé à Moscou et à quelques jours du premier anniversaire de l’agression russe en Ukraine, déclenchée le 24 février 2022.

La Pologne est aujourd’hui, après l’Allemagne, l’autre bastion américain sur le Vieux Continent. Dix mille soldats de l'armée américaine s'y sont déployés. Plusieurs batteries de missiles antiaériens Patriot, livrées par Washington et par Berlin, défendent le long de sa frontière l’espace européen. Une frontière de 535 kilomètres qui est aujourd’hui le cœur névralgique de l’assistance militaire et humanitaire à l’Ukraine. Sachant qu’au nord, les 418 kilomètres de frontière avec la Biélorussie sont aussi sous très haute surveillance.

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La force de la Pologne de 2023 est la conjugaison de son poids et de sa volonté de résistance. Neuf millions d’Ukrainiens fuyant la guerre y ont trouvé refuge depuis un an. Un million a obtenu des autorités polonaises le statut européen de protection temporaire.

Le centre de Varsovie a été placé sous haute surveillance policière ce mardi 21 février pour accueillir le président américain, Joe Biden, qui a effectué la veille une visite-éclair à Kiev.
Photo: Anadolu Agency via Getty Images
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Coté militaire, le pays affiche son objectif de se doter, d’ici à 2030, d’une armée de 300'000 soldats contre 115'000 aujourd’hui (la France en compte environ 200'000, comme pour l’Allemagne). La Pologne, avec ses 38 millions d’habitants, est aussi un poumon économique et industriel de cette partie orientale de l’Union européenne en passe de devenir son centre de gravité.

En 2022, son taux de croissance a flirté avec les 5%. Son taux de chômage officiel est d’environ 3%, ce qui correspond au plein-emploi. Son produit intérieur brut (PIB) par habitant, autour de 18'000 dollars, est nettement au-dessus de celui de l’autre poids lourd de l’est, la Roumanie (14'000).

Le pays européen le plus engagé militairement

La Pologne est enfin le pays de l’UE (qu’elle a rejoint en 2004) et de l’OTAN (qu’elle a rejoint en 1999) le plus militairement engagé en Ukraine. Elle a livré au moins deux cents chars de fabrication russe T72 à l’armée ukrainienne, et c’est par son territoire que transite l’essentiel des armements lourds à destination de Kiev.

Exemple de cette détermination: la proposition de Varsovie de remettre à l’armée de l’air ukrainienne une trentaine d’avions de fabrication russe MiG-29 et une quinzaine de Su-22, hérités du bloc soviétique, mais modernisés aux normes de l’Alliance atlantique.

La Bulgarie et la République tchèque ont fait une offre similaire, mais pour une quantité moindre d’appareils. L’OTAN, pour l’heure, continue de mettre son véto à ses livraisons qui constitueraient à coup sûr une escalade dans le conflit.

Les deux basculements polonais

Pourquoi cette guerre est en train de tout changer pour la Pologne qui, historiquement, a toujours payé au prix fort le fait d’être située entre l’Allemagne (hier, l’Empire prussien) et la Russie (hier, l’Empire tsariste puis l’ex-URSS)? Parce que deux basculements sont intervenus depuis le 25 février 2022.

Le premier concerne l’OTAN et la protection américaine, que Donald Trump était aussi venu renforcer par ses visites à Varsovie en 2017 et 2019. Le fait qu’un missile de fabrication russe S300 soit tombé sur le sol polonais le 16 novembre 2022 a confirmé que la Pologne serait en première ligne si le conflit actuel devait, demain, opposer directement la Russie et les trente pays membres de l’Alliance (dont la Suède et la Finlande, ex-neutres, sont aujourd’hui quasi membres).

Pour Washington, le soutien affiché pour l’Ukraine «as long as it takes» (aussi longtemps que nécessaire) passe donc par Varsovie. «La Pologne est en train de devenir la première puissance militaire européenne avec l’assentiment de Washington» jugeait récemment le site français Le Grand Continent.

Le pays vient ainsi de passer commande de 116 chars M1 Abrams américains de dernière génération, et de mille blindés et obusiers K1 et K2 fabriqués par la Corée du Sud, bastion militaire des États-Unis dans le pacifique.

Avec Bruxelles, la perspective d’un compromis

Le second basculement est intervenu au sein de l’UE. Il est politique. Avant le déclenchement de la guerre, un conflit opposait Bruxelles et Varsovie sur le respect de l’État de droit. Plusieurs éléments ont amené la Commission européenne à bloquer une partie des 35,4 milliards d'euros prévus pour le pays dans le cadre du plan Next Generation EU adopté en juin 2020.

Il s'agit des interférences répétées dans le système judiciaire du parti de droite radicale Droit et justice (PiS) (au pouvoir depuis huit ans), de la remise en cause de la primauté du droit européen par le Tribunal constitutionnel polonais en décembre 2021, et des textes législatifs très controversés comme la loi de 2020 restreignant l’avortement.

Or, en ce début d’année 2023, alors que le duel avec la Russie va se prolonger, continuer de bloquer ces fonds est de plus en plus difficile. Le gouvernement polonais s’est donc dit prêt à revoir sa copie judiciaire. Avec, dans le viseur, les élections législatives de l’automne 2023 que le PiS espère remporter malgré de récents sondages défavorables.

«L’avenir de l’Europe»

Un nouveau géant européen, dont le traditionnel moteur franco-allemand de l’Union européenne devra impérativement tenir compte? Cela ne fait pas de doutes. «La Pologne est l’avenir de l’Europe. Elle est plus jeune, plus dynamique que la vieille Europe» soulignait en 2018 l’universitaire Piotr Arak dans «Politico».

Elle montre au «vieux club» qu’elle est prête à faire bouger les choses. Mais les Polonais sont aussi des Européens dévoués: selon l’enquête sociale européenne, quelque 86% d'entre eux voteraient en faveur de l’adhésion à l’UE si la question leur était posée à nouveau aujourd’hui. L’Europe se chamaille peut-être davantage aujourd’hui, comme le font les familles, mais les jeunes et les moins jeunes finiront par s’unir». Un constat qui, depuis lors, n’a cessé de se confirmer.

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