Bientôt une rencontre annuelle?
Avis aux patrons suisses: les Français veulent vous entendre

L'initiative vient du MEDEF, le patronat français qui organise ce mardi 12 juillet le forum économique annuel franco-italien. Pourquoi ne pas tenir, chaque année, une rencontre entre patrons français et suisses? La région Rhône-Alpes serait partante.
Publié: 12.07.2022 à 10:27 heures
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Dernière mise à jour: 13.07.2022 à 12:50 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Le modèle existe. Il suffit de le dupliquer, en lui donnant peut-être davantage une tonalité «terrain», par exemple en le rapprochant de la frontière, du côté de Rhône-Alpes. Et si, chaque année, les patrons suisses et français se retrouvaient à l’image du forum économique annuel franco-italien qui se tient ce mardi 12 juillet à Paris à l’initiative du MEDEF, le mouvement des entreprises de France, organisation faîtière du patronat hexagonal?

Une instance de dialogue économique

L’idée est dans l’air. Elle a été confirmée à Blick par Bernard Spitz, le dynamique président de la commission internationale du MEDEF, sorte de ministère des Affaires étrangères du patronat. «Il nous manque une instance de dialogue économique de haut niveau avec les Suisses. Il faut trouver le bon format car, pour les grandes multinationales suisses présentes en France, ce genre de forum n’est pas indispensable. Idem du côté français. Ce qu’il faut, c’est rapprocher les dirigeants de nos moyennes entreprises.» L’hypothèse envisagée est de proposer rapidement une rencontre en région Rhône-Alpes, centrée sur les relations transfrontalières. «Nous allons y travailler. Le MEDEF est ouverte à toutes propositions.»

L’atout Macron-Brabeck

Bernard Spitz peut compter sur deux atouts, côté français, pour faire avancer ce dossier qui offrirait aussi aux entreprises suisses la possibilité d’utiliser leurs homologues français comme relais auprès des instances européennes. Le MEDEF est en effet très influent au sein de Business Europe, la fédération patronale basée à Bruxelles dont le Français Pierre Gattaz vient de quitter la présidence en juin, pour être remplacé par le Suédois Fredrik Persson.

Le premier atout se nomme Emmanuel Macron. Même s’il est fâché contre Berne depuis l’achat des avions F-35 américains aux dépens du Rafale de Dassault, le président français s’entretient régulièrement avec l’ancien patron autrichien de Nestlé Peter Brabeck, qu’il a connu lorsqu’il était banquier d’affaires chez Rotschild. Brabeck a fait partie des toutes premières personnes consultées par le chef de l’État lorsqu’il a décidé, en 2018, de lancer le sommet annuel «Choose France» pour convier les grands patrons internationaux à investir davantage. Sa quatrième édition s’est tenue lundi 11 juillet au château de Versailles, mais le plan initial est de tenir cette rencontre juste avant le Forum économique mondial de Davos, en janvier. L’édition 2022 a rapporté officiellement 6,7 milliards d’annonces d’investissements.

Le MEDEF, l'organisation faitière du patronat français, estime indispensable de se rapprocher davantage de la Suisse, partenaire commercial important de l'hexagone
Photo: keystone-sda.ch

Plus de 300’000 Français employés par des entreprises suisses en France

Brabeck aurait même, dans le passé, proposé à Macron de rejoindre la multinationale de l’agroalimentaire basée à Vevey après que ce dernier l’a épaulé dans le rachat de la division nutrition de Pfizer en 2012, juste avant que l’actuel président français ne rejoigne l’équipe de son prédécesseur François Hollande à l’Elysée. Une ombre ponctuelle, toutefois, plane sur Nestlé en France ces jours-ci: l’affaire des pizzas Buitoni, responsables présumées d’une intoxication meurtrière à l’E. coli pour laquelle le président de Nestlé France, Christophe Cornu, vient de présenter ses excuses aux familles et de créer un fonds d’indemnisation.

Le deuxième atout de Bernard Spitz pour mettre sur pied rapidement ce futur forum économique franco-suisse – dont la première édition pourrait se tenir à Lyon – est le volume d’affaires entre les deux pays. Les entreprises suisses en France y emploient plus de 300’000 personnes, et les investissements en provenance de la Confédération se classent au sixième rang derrière l’Allemagne (19%), le Royaume-Uni (11%), les Etats-Unis (8%), l’Italie (7%) et la Chine (6%). Mieux pour le MEDEF, la France dont le déficit commercial ne cesse de se creuser (84 milliards d’euros en 2021) affiche un excédent d’environ deux milliards d’euros avec la Suisse.

Quel programme?

Mais au-delà des intentions, quel programme? «L’idée de ces rencontres est de créer une base solide et pérenne à nos relations économiques, pour y aborder les questions concrètes que les rencontres au niveau politique ne permettent pas toujours de résoudre. C’est aussi un canal d’influence, y compris pour les sujets européens décisifs qui vont nous occuper ces prochaines années avec les conséquences de la guerre en Ukraine sur l’énergie, sur les conséquences des sanctions contre la Russie…», juge l’Européen convaincu qu’est Bernard Spitz, par ailleurs auteur de «Merci l’Europe: réponse aux sept mensonges populistes» (Grasset).

«En route avec la Suisse»

Un homme œuvre déjà à ce rapprochement entre patrons et entreprises. L’ambassadeur helvète en France Roberto Balzaretti, ancien négociateur européen pour la Confédération, le fait à deux routes avec son «tour de France» baptisé «En route avec la Suisse». «La densité des relations économiques entre nos deux pays me frappe à chaque étape. Nous avons clairement beaucoup de choses à nous dire», confiait-il à Blick, avant d’attaquer le 7 juillet les pentes du Mont Ventoux. Autre relais de choix pour une telle initiative: le nouveau député des Français de Suisse Marc Ferracci, très proche d’Emmanuel Macron et spécialiste des questions du marché du travail, donc fin connaisseur des pratiques en vigueur en Suisse. Or à Paris, beaucoup au Ministère des finances plaident pour une nouvelle réforme de l’assurance chômage afin d’inciter les Français à accepter plus rapidement les offres d’emploi aujourd’hui trop délaissées.

Un modèle suisse pour la France? Du côté des entreprises et du MEDEF au moins, l’idée est volontiers évoquée. Bernard Spitz et son équipe vont maintenant s’atteler à la transformer en réalité.

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