Coopérer ou contester?
L'Allemagne se déchire sur l'attitude à adopter face à l'extrême-droite

Faut-il tendre la main au parti Alternative pour l'Allemagne (AfD)? De plus en plus d'Allemands de différents partis se questionnent sur l'attitude à adopter vis-à-vis de la formation d'extrême droite. Coopérer ou contester? Des experts mettent en garde.
Publié: 07.09.2024 à 06:03 heures
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Dernière mise à jour: 07.09.2024 à 07:59 heures
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Guido Felder

Après les élections régionales en Thuringe et en Saxe, la perplexité règne. Jusqu'à présent, les grands partis comme l’Union chrétienne-démocrate d'Allemagne (CDU) et le Parti social-démocrate d’Allemagne (SPD) se sont toujours montrés réticents à collaborer avec le parti d'extrême-droite Alternative pour l'Allemagne (AfD). Mais en raison du succès de ce dernier, il devient difficile de former un gouvernement sans inclure le parti d'extrême droite.

La question se pose de plus en plus. Faut-il tendre la main à l'AfD? Les premiers représentants de la CDU ainsi que certains commentateurs répondent à la question. Ils demandent une collaboration et une intégration du parti, adoubé par environ un tiers des électeurs allemands. Mais les experts mettent en garde. Et proposent une autre solution, tout aussi délicate.

Pour la députée CDU de Thuringe Martina Schweinsburg, nouvellement élue, la donne est claire: il faut désormais intégrer l'AfD et chercher le dialogue avec la formation d'extrême-droite. Elle part du principe que l'AfD se laissera rapidement «désenchanter». «Cette politique de cour d'école où l'on cherche à évincer l'AfD à tout prix ne fonctionne pas», martèle-t-elle.

L'AfD est considérée comme un parti d'extrême droite. Les autres partis doivent-ils malgré tout collaborer?
Photo: imago/Jochen Tack

Plus les critiques sont nombreuses, plus l'AfD se renforce

D'autres camps formulent également la même demande. Le maire de Tübingen, dans le Bade-Wurtemberg, Boris Palmer, anciennement Vert-e-s et aujourd'hui sans parti, déclare que cette stratégie d'évitement a «passablement échoué». Plus on insulte l'AfD et plus on la qualifie d'extrême droite, plus elle se renforce, estime-t-il. Tant qu'elle s'en tient à la Constitution, il faut être ouvert au dialogue.

Dans les médias, le ton semble également changer. Alors qu'auparavant, la majorité tirait à boulets rouges sur l'AfD, beaucoup plaident désormais pour une ouverture vers le parti. «Peur de l'AfD? La démocratie en Allemagne n'est pas en danger, seulement en vigueur», écrit notamment le journaliste allemand Gabor Steingart écrit sur le média en ligne focus.de.

Le refus est aussi démocratique

Mais pour les experts politiques, l'AfD, malgré le soutien de plus de 30% des électeurs, demeure un tabou. Alexander Marguier, rédacteur en chef du magazine politique Cicero, déclare à Blick: «Une collaboration est impossible et déchirerait la CDU. Ce n'est en effet pas un secret que l'AfD, du moins en partie, soit d'extrême droite.» Selon lui, le fait de refuser une collaboration avec un autre parti, même s'il a du succès, fait également partie du processus démocratique.

Wolfgang Schroeder, expert en politique allemande à l'université de Kassel, évoque lui le Parlement européen, où l'AfD a même été exclue du groupe de droite «Identité et démocratie» en raison de ses positions trop extrêmes.

L'AfD doit changer selon un expert en politique

Wolfgang Schroeder qualifie certes les électeurs de l'AfD de «personnes majoritairement normales». Mais il estime que l'attitude du parti demeure trop extrême pour permettre une quelconque alliance. «Une collaboration n'est donc en aucun cas une option», affirme l'expert.

Pour envisager une collaboration, l'AfD doit admettre «qu'elle est excessive, qu'elle a trop exploité certaines positions et qu'elle est trop étroitement intégrée dans le couloir de l'extrême droite». Si elle exprimait une volonté de changer, «la situation serait alors tout à fait différente», affirme Wolfgang Schroeder.

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