Dernier volet du rapport du GIEC
Il faudrait investir 2 à 4 fois plus dans la protection du climat

Il ne resterait que trois années pour inverser la courbe des émissions de gaz à effet de serre afin de conserver un monde vivable. L'une des autres conclusions du rapport porte sur l'importance de multiplier par 2 à 4 les investissements pour le climat en Europe.
Publié: 04.04.2022 à 17:06 heures
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Dernière mise à jour: 05.04.2022 à 13:02 heures

L'humanité dispose de moins de trois années pour inverser la courbe des émissions de gaz à effet de serre, principales responsables du changement climatique, si elle veut conserver un monde «vivable», alertent lundi les experts climat de l'ONU dans un nouveau rapport.

L'objectif le plus ambitieux de l'Accord de Paris de limiter le réchauffement à +1,5°C par rapport à l'ère pré-industrielle est «hors de portée» avec les engagements internationaux actuels, soulignent les experts du GIEC. Et même si le «pic d'émissions» est effectivement atteint avant 2025 et que des «actions immédiates» sont prises, le réchauffement pourrait atteindre 2°C.

«Nous sommes à un tournant. Nos décisions aujourd'hui peuvent assurer un avenir vivable», insiste le patron du GIEC Hoesung Lee.

La transition et la décroissance énergétique sont possibles, par l'efficacité, la sobriété et le renouvelable, selon les auteurs du rapport (photo d'illustration).
Photo: Martin Meissner

L'abandon des énergies fossiles: une priorité

Ce document publié lundi porte sur la mitigation du changement climatique, à savoir quelles sont les actions qui peuvent être mises en place pour l'atténuer. Pas mois de 278 scientifiques y ont participé, dont des Suisses.

Selon les auteurs, les paquets de mesures à large spectre qui impliquent le plus grand nombre possible d’acteurs sociaux sont particulièrement efficaces. L’abandon rapide des sources d’énergie fossiles est au cœur des mesures à prendre.

Dans les villes, des infrastructures appropriées, par exemple dans les transports, permettent de réduire considérablement les besoins en énergie. Côté transports terrestres, c’est l’électrification qui présente le plus grand potentiel, a indiqué l'Académie suisse des sciences naturelles (SCNAT) lors d'un point de presse à l'occasion de la publication du rapport.

Dans le monde entier, des adaptations dans l’agriculture et la sylviculture ainsi qu’une modification de l’utilisation des sols peuvent réduire rapidement et en grande quantité les émissions de gaz à effet de serre.

La demande de biens, d’énergie et de services en général est également essentielle: une stratégie globale de gestion et de réduction de la demande en fonction du climat pourrait réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 à 70% d’ici 2050. Si les subventions accordées aux énergies fossiles étaient stoppées, les émissions de gaz à effet de serre diminueraient jusqu’à 10% d'ici 2030.

«Pas d'exception suisse»

«Il n'y a pas d'exception suisse, les recommandations du GIEC sont valables pour la Suisse», a indiqué à Keystone-ATS Julia Steinberger, professeure d'économie écologique à l'Université de Lausanne, co-directrice académique de CLIMACT et auteure principale du chapitre 3 du rapport. Elle rappelle par ailleurs que la Suisse ne fait pas partie des bons élèves puisqu'elle figure parmi les vingt pays les plus polluants en termes d'émissions de CO2 par habitant dues à la consommation.

«La décroissance énergétique est possible, par l'efficacité, la sobriété et le renouvelable», selon elle, et ce en maintenant une bonne qualité de vie pour tout le monde.

Les différents rapports du GIEC montrent qu'une action urgente est nécessaire, ajoute la professeure lausannoise: «Si l'on voulait agir rapidement, ce serait sans problème. La transition aurait été plus douce si on s'y était mis il y a 20 ou 30 ans, mais le point positif aujourd'hui, c'est que les possibilités n'ont jamais été aussi bonnes, on a des pistes pour tous les secteurs».

Pour Julia Steinberger, les énergies fossiles sont triplement dangereuses, pour la santé, pour le climat et également au niveau géopolitique. Nous avons donc avantage à en sortir.

Flux financiers «verts»

Stefano Battiston, professeur aux universités de Zurich et Venise, également un des auteurs principaux du rapport, souligne pour sa part que les flux financiers «verts» sont encore trois à six fois inférieurs au niveau requis d'ici 2030 pour limiter la hausse des températures à deux degrés.

La place financière suisse, particulièrement forte, a ici un rôle à jouer en soutenant la politique climatique, selon cet expert en finance durable. La coopération entre le secteur financier, la politique et l'économie sera décisive pour la mise en oeuvre des mesures.

La Suisse pourrait assumer un rôle de pionnier en investissant dans les technologies vertes, poursuit le spécialiste, interrogé par Keystone-ATS. Pour cela, il faut que le système financier y croie et agisse de manière déterminée, faute de quoi trop peu d'argent ira dans la décarbonisation.

(ATS)

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