Deux Suédois tués à Bruxelles
En Belgique, des cellules djihadistes loin d'être éradiquées

Le meurtre de deux Suédois en plein centre de Bruxelles, et la revendication du meurtrier au nom de l'État islamique, démontre que la menace demeure très élevée dans le royaume.
Publié: 17.10.2023 à 06:55 heures
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Dernière mise à jour: 17.10.2023 à 09:28 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Bruxelles, capitale du terrorisme islamique en Europe? L’accusation est récurrente depuis les attentats commis à Paris dans la nuit du 13 novembre 2015 par des commandos venus de Bruxelles et dirigés par le belgo-marocain Abelhamid Abbaoud. A coup sûr, elle va refaire surface après le meurtre, lundi soir, de deux citoyens suédois en plein centre de la capitale belge qui abrite les institutions de l'Union européenne. (La Suède était depuis plusieurs mois visés par les menaces d'Al Qaïda et de l'État islamique. Mais c'est à Bruxelles qu'un terroriste a frappé.)

Les images du tueur de Bruxelles, en parka orange, fuyant à scooter la scène de son crime, ont fait le tour des réseaux sociaux, de même que sa justification de l’assassinat en arabe. L'auteur présumé – Abdesalem L. – a été arrêté mardi matin. Il serait décédé à l'hôpital. Son identité: «Un homme d'origine tunisienne qui séjournait illégalement» en Belgique, avait annoncé le Premier ministre belge Alexander De Croo lors d'une conférence de presse plus tôt.

L’enquête qui s’annonce va sans doute révéler de nouveau l’ampleur des réseaux djihadistes. En voici la cartographie en cinq points.

Des supporters suédois réagissent alors qu'ils attendent dans la tribune pendant le match de football de qualification pour l'Euro 2024 entre la Belgique et la Suède après l'attentat.
Photo: AFP
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Suède - Belgique: la cible et le ventre mou

L'attentat s'est déroulé alors qu'un match de football opposait, au stade Roi Baudouin de Bruxelles, les équipes belge et suédoise. La rencontre a d'ailleurs été interrompue et reportée après l'annonce du double meurtre. Ce qu'il faut retenir est la combinaison d'un pays, la Suède, ciblé par les djihadistes en raison des manifestations anti-islam, comme le fait de brûler ou d'outrager le Coran devant les caméras de télévision.

Et celle d'un autre pays, la Belgique, où les failles policières ont ces dernières années permis aux réseaux extrémistes de s'y installer et de recruter. La chasse à l'homme en cours, et le ratissage des lieux fréquentés par l'assassin présumé, un Tunisien en situation irrégulière qui n'était pas suivi par les services de renseignement, permettra de savoir s'il avait des connexions locales.

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Le djihadisme belge, né à Verviers

C’est un nom qui va ressortir ce mardi 17 octobre, alors que la capitale belge se retrouve de nouveau endeuillée, mais aussi ciblée pour ses foyers terroristes. Ce nom est celui de Verviers, une ville de Wallonie située dans la province de Liège, à l’est du pays. C’est là, et à Molenbeek, la fameuse commune de Bruxelles d’où venaient plusieurs auteurs des attentats français de 2015, que le djihadisme «Made in Belgium» a pris souche.

Le 15 janvier 2015, la police belge donne l’assaut. Deux suspects sont tués, un troisième arrêté. Dans l’appartement, les enquêteurs mettent la main sur l’ordinateur d’Abaaoud, dont certaines données semblent, déjà, préfigurer les attentats du métro et de l’aéroport de Bruxelles, le 22 mars 2016. C’est à Verviers que le même Abbaoud aurait aussi conçu les attentats du 13 novembre 2015 dans la capitale française.

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Abdeslam et Abrini, des modèles

Le premier a conduit les terroristes des commandos parisiens, avant de s’enfuir après la nuit d’attentats du 13 novembre et d’être capturé à Bruxelles, dans son quartier de Molenbeek, le 18 mars 2016. Le second, considéré comme l’un des instigateurs des attentats contre le métro et l’aéroport de Bruxelles, a été arrêté le 9 avril de cette même année.

Tous deux ont été condamnés le 15 septembre 2023 à, respectivement, 20 ans et 35 ans de prison. En sachant qu’Abdeslam avait déjà, en France, été condamné à la prison à vie. Ces deux hommes, ainsi que le Suédois d’origine syrienne Osama Krayem (condamné à dix ans de prison en Belgique, à 30 ans en France), sont des modèles pour ce qui reste de la nébuleuse djihadiste.

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Molenbeek, Scharbeek, le Maroc à Bruxelles

Le tueur du lundi 16 octobre n'est pas un résident en Belgique, et rien ne dit à ce stade qu’il vienne de l’un de ces quartiers bruxellois. Le fait est, en revanche, que ces deux communes de la capitale belge ont la réputation d’abriter des réseaux salafistes puissants, qui ont grandi avec l’assentiment d’une partie des autorités municipales, friandes de clientélisme politique.

La première communauté musulmane de Belgique vient du Maroc (environ 600'000 personnes). Une partie vient de la région du Rif, traditionnellement en lutte contre le pouvoir royal marocain. Ces dernières années, le trafic de drogue de la «Mocro Maffia», le surnom de la mafia marocaine, a irrigué ces quartiers d’argent facile et d’armes.

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Belgique-Suède, des pays vulnérables

Les cas belges et suédois ne sont pas comparables. Mais ces deux pays présentent des failles aisément exploitables par les djihadistes. La Belgique est morcelée en régions et communautés linguistiques, et handicapée par l’adversité entre Flamands Néerlandophones et Wallons francophones.

Les enquêtes policières ont montré combien cette cacophonie institutionnelle a entraîné des erreurs dans la traque des terroristes. Des questions sont déjà posées sur l'absence de dispositif policier lundi soir au centre de Bruxelles, malgré la présence massive de supporters suédois. Autre question: les modalités du meurtre, à l'arme automatique et non au couteau comme en France, à Arras, où le tueur d'un enseignant va voir sa garde à vue s'achever ce mardi. Existe-t-il encore des cellules actives djihadistes et armées?

La revendication de l'assassin, demandeur d'asile, montre que son passage à l'acte est lié aux événements d'actualité, ce que le chercheur Gilles Kepel nomme le «djihadisme d'atmosphère». Le personnel de la Commission européenne a reçu la consigne de rester en télétravail ce mardi, mais les écoles et les transports fonctionnent à Bruxelles. «L'Europe est bousculée», a déclaré Emmanuel Macron en déplacement en Albanie. Juste et inquiétant. 

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