Harris secoue la tête face à une question de Trump
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Première poignée de main:Harris secoue la tête face à une question de Trump

Deux visions de l'Amérique
Kamala Harris défend son plan, Donald Trump répète ses obsessions

La vice-présidente américaine a tenu bon face au bulldozer Donald Trump lors du débat télévisé sur ABC News. Elle a plusieurs fois réaffirmé avoir un plan pour le pays. Son adversaire a répété ses obsessions, revenant sans cesse à deux sujets: économie et immigration.
Publié: 11.09.2024 à 06:32 heures
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Dernière mise à jour: 11.09.2024 à 08:16 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick
Ce débat télévisé organisé par ABC News a Philadelphie, en Pennsylvanie, sera-t-il le seul de la campagne présidentielle américaine? Les deux candidats semblent sur le point d'en accepter un, voire deux autres.
Photo: Getty Images

Kamala Harris est prête pour un second débat télévisé. Tombée juste après le duel télévisé sur ABC News entre les deux candidats à l’élection présidentielle américaine, cette information résume bien la donne, à la sortie de leur confrontation. En position d’outsider, la vice-présidente a tenu bon, répétant comme un mantra «I have a plan» (J’ai un plan) et concluant son intervention par un «I have only one client: you» (je n’ai qu’un seul client: vous) à l’intention des téléspectateurs américains. Tandis qu’à l’opposé, Donald Trump a choisi, sitôt le débat achevé, de descendre dans la salle de presse pour rencontrer les journalistes, affirmant qu’il n’avait jamais «aussi bien débattu».

Les caméras d’ABC News, installées dans le «Constitution Center» de Philadelphie aux États-Unis (l’un des sept États clés pour la présidentielle) ont-elles accouché d’un vainqueur cette nuit? La réponse est non. Ni Kamala Harris, pugnace et sans cesse tournée vers son adversaire comme pour mieux le défier, ni Donald Trump, affairé à revenir sans cesse autour de ses deux thèmes favoris que sont la lutte contre l’immigration et l’économie, n’ont emporté la partie. Le point d’orgue de ce débat est peut-être intervenu après, sitôt l’échange achevé, avec l’annonce officielle par la chanteuse Taylor Swift, la star milliardaire, de son soutien à Kamala Harris.

Langage corporel

C’est sur un autre terrain que la partie s’est peut-être jouée: celui du body language, le langage corporel, entre deux adversaires qui doivent convaincre leur électorat qu’ils sont à la hauteur. Là, Kamala Harris, 59 ans, a su prendre l’avantage. C’est elle qui, d’emblée, s’est avancée vers Donald Trump pour lui serrer la main. C’est elle qui, à chaque prise de parole, l’a regardé, cherchant la confrontation visuelle. C’est elle qui, lorsqu’elle a asséné ses propositions, s’est montrée la plus expressive, tendant les bras et parlant comme si le public était devant elle, ce qui n’était pas le cas. Un public qui, d’après Kamala Harris, quitte souvent les meetings de Trump «par épuisement et par ennui», lassé de l’entendre parler «de choses bizarres telles que les éoliennes qui causent le cancer», ce qu’il a effectivement dit.

D'emblée, les deux candidats se sont serrés la main sur le plateau de ABC News.
Photo: AFP
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Donald Trump, 78 ans, n’a pour sa part pas réussi, comme il l’avait fait le 28 juin à Atlanta face à Joe Biden, à déstabiliser son adversaire, au point que celui-ci a fini par jeter l’éponge et a renoncé à briguer un second mandat. Rien d’étonnant. La forme physique de Kamala Harris ne fait aucun doute. Le point fort de l’ancien locataire de la Maison-Blanche reste en revanche sa pugnacité et ses convictions directes, simples, assénées avec force exagérations. «Mes meetings sont les plus incroyables, nous avons les plus grands rassemblements, les plus formidables rassemblements de l’histoire de la politique», a-t-il tonné en réponse.

Accusations contre les migrants

Pour dénoncer l’immigration, Trump est allé jusqu’à répéter que les clandestins Haïtiens «mangent les chiens et les chats» à Springfield, une ville de l’État de l’Ohio. Ce que les deux journalistes modérateurs du débat ont démenti en direct, tout comme l’avaient fait les autorités municipales.

Sur l’économie, le candidat républicain est revenu sans cesse à ce qu’il estime être ses trois meilleures armes électorales: la dénonciation de la montée de l’inflation sous la présidence Biden, qui rogne le portefeuille des Américains, sa capacité à créer des emplois en rapatriant les entreprises ou en faisant barrage aux importations, et sa prouesse passée qui a consisté à faire payer les alliés des États-Unis pour leur défense.

Offensive trumpiste

Trump en version originale? Oui. Même s’il n’a pas fait preuve de la même pugnacité visuelle et corporelle que son adversaire, l’ancien président est resté sur sa ligne offensive habituelle. Il a ainsi répété sa fausse affirmation selon laquelle sa défaite à l’élection de 2020 était due à une fraude, a traité Kamala Harris de «marxiste» et a dénoncé la responsabilité des migrants dans les vagues de crimes violents auxquelles le pays est confronté.

Interrogé sur l’assaut mené par ses partisans contre le Capitole le 6 janvier 2021 à Washington, l’ex-chef de l’État a insisté sur le fait qu’il n’avait «rien à voir avec cela, si ce n’est qu’ils m’ont demandé de faire un discours». Il a également maintenu, à tort, qu’il avait remporté les élections de 2020. Il s’est à nouveau moqué de Joe Biden, avec lequel Kamala Harris d’ailleurs pris soin de garder ses distances. «Il la déteste», a-t-il déclaré à propos des relations entre le président et son ex-colistière. «Il ne la supporte pas.»

Pas de vainqueur

Un vainqueur à l’issue de ce débat télévisé de près de deux heures? Non, une fois encore. Mais deux stratégies opposées à la manœuvre. Pour Trump, repassé légèrement devant Harris dans les sondages ces derniers jours, la priorité reste de faire peur à tous ceux qui redoutent de perdre leurs emplois, et d’être encore plus fragilisé par la politique économique des démocrates. Une stratégie dans laquelle ses arguments portent, notamment dans les «swing states», ces États-clefs soumis à la fois à une forte pression migratoire et à une désindustrialisation continue.

Pour Kamala Harris, l’objectif est d’incarner à la fois la relève et la promesse d’une Amérique capable de s’unir, au-delà de ses fractures sociales, politiques, religieuses et communautaires. On l’a vu lorsque Trump, interrogé sur le fait qu’il avait publiquement mis en doute le double héritage de la vice-présidente, d’origine caribéenne par son père et indienne par sa mère. «Je me fiche de ce qu’elle est, a-t-il répondu. J’ai lu qu’elle était noire. Puis j’ai lu qu’elle n’était pas noire.» Ce à quoi son adversaire a répliqué, en citant la façon dont l’ex-promoteur immobilier avait mené campagne dans la presse contre cinq jeunes hommes noirs et latinos, condamnés à tort pour avoir agressé un joggeur à Central Park, à New York, en 1989.

«Je pense qu’il est tragique que nous ayons quelqu’un qui souhaite devenir président et qui, tout au long de sa carrière, a constamment tenté d’utiliser la race pour diviser le peuple américain», a riposté la candidate démocrate.

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