Forte poussée du parti Chega
Le Portugal aux mains de l'extrême-droite? Pas si simple

La droite traditionnelle sort victorieuse des élections législatives du dimanche 10 mars au Portugal. L'extrême droite triple son score. Est-elle la grande gagnante du scrutin? Pas si sûr.
Publié: 11.03.2024 à 09:54 heures
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Dernière mise à jour: 11.03.2024 à 16:44 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Après les urnes, les négociations. C’est sur le tapis vert de la politique et des possibles coalitions que le vainqueur des élections législatives portugaises, Luis Montenegro, leader de la coalition de droite Alliance démocratique (AD), va maintenant poursuivre la partie. Ce dimanche 10 mars, sa formation a gagné la première manche.

Le Parti socialiste au pouvoir, qui avait obtenu il y a deux ans 40% des voix et la majorité absolue des 230 députés, a perdu de justesse les commandes du pays. Selon les premiers résultats, l’AD devancerait Partido Socialista d’un petit point: 30% des suffrages contre 29%. La preuve que la popularité du Premier ministre socialiste sortant Antonio Costa, poussé à la démission en novembre 2023 par des affaires de corruption, et contraint d’organiser des élections anticipées, n’a pas pu être remplacée dans son camp politique.

Les commentateurs ont toutefois focalisé sur un autre résultat, historique, il est vrai. Dans ce pays européen qui vécut sous la dictature de Salazar entre 1932 et 1974, l’extrême-droite qui regarde ce passé avec indulgence a triplé son score dimanche. Le parti «Chega» (assez en portugais) remporte 19% des voix (contre 7,2% aux législatives de 2022) et pourrait disposer d’une quarantaine de députés. 

Un succès indéniable, qui alerte sur la poussée attendue des formations nationales-populistes aux élections européennes qui se tiendront du 6 au 9 juin à travers les 27 pays de l’Union. Chega est un parti allié au Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen avec lequel son leader, André Ventura, a souvent été vu.

Le vainqueur du scrutin est le leader de la droite traditionnelle, Luis Montenegro. Il a promis de ne pas gouverner avec l'extrême-droite.
Photo: AFP
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Droite identitaire

Voilà donc le Portugal, démocratie que l’on croyait apaisée, aspiré vers la droite identitaire dont les thèmes favoris sont la lutte contre l’immigration, la crise du logement, les bas salaires, l’affaiblissement des soins de santé et la corruption? Pas si simple. 

D’abord parce que Chega est une formation protestataire dont l’idéologie n’est pas gravée dans le marbre. Son fondateur André Ventura s’est d’abord engagé du côté socialiste, et défendait autrefois l’intégration européenne. C’est en 2017 qu’il a pris un virage, multipliant les attaques xénophobes contre la communauté gitane. Penser que les lecteurs de Chega sont des extrémistes résolus à mener une campagne anti-européenne au Portugal serait donc une erreur. C’est avant tout le rejet de la nomenklatura socialiste sortante qui a motivé leur vote, à quelques semaines du 50e anniversaire, fin avril, de la révolution des œillets qui acheva le régime Salazar.

L’autre raison pour laquelle Chega ne va pas faire basculer le Portugal est la promesse de la droite traditionnelle de tenir cette formation à l’écart du futur gouvernement. Le Portugal vit donc toujours, contrairement à la France où une partie des Républicains lorgnent vers le Rassemblement national, à l’heure du cordon sanitaire qui sépare les formations politiques traditionnelles de ce nouveau parti.

Séisme politique

Le séisme politique est réel. Mais il faut voir, maintenant, ce que les négociations vont donner pour la constitution d’une coalition gouvernementale. Aux Pays-Bas, la victoire de l’extrême-droite du PVV de Gert Wilders en novembre 2023 n’a toujours pas accouché d’un gouvernement dirigé par ce dernier. Le Portugal sort secoué de ces législatives. Il n’est pas encore submergé par une vague nationale populiste inarrêtable.

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