Habib Ammar, ministre tunisien du tourisme
«Les touristes suisses peuvent venir en Tunisie en toute sécurité»

Confronté tour à tour à des événements violent et à la crise du Covid, la Tunisie tente de faire revenir les Suisses sur ses plages. Blick a rencontré le ministre du tourisme à Montreux.
Publié: 19.06.2021 à 17:59 heures
Robert Habel

La Tunisie est durement touchée par la crise sanitaire, au point que l’on craint l’arrivée d’une quatrième vague cet été, mais son ministre du tourisme, Habib Ammar, qui parle évidemment un français parfait, assure qu’elle peut accueillir des touristes sans aucun problème. Ayant contracté lui-même le Covid lors d’un voyage en France – quatre jours de violentes migraines, de courbatures, de mal aux yeux – il ne sous-estime pas la pandémie, mais plaide pour le retour à la vie normale. Nous l’avons rencontré mercredi 16 juin à Montreux, où il est venu renouer les liens avec les professionnels suisses du tourisme.

Vous êtes en Suisse pour inciter les Suisses à passer leurs vacances en Tunisie cet été, alors que la situation sanitaire est alarmante: une moyenne quotidienne de 70 décès et 1500 nouveaux cas pour douze millions d’habitants. Ce n’est pas de l’inconscience?
La Suisse est un pays avec lequel nous avons des relations très anciennes et c’est aussi un grand marché touristique. Il y a dix ans, nous avons dépassé les 100’000 touristes, mais ces dernières années, même avant le Covid, nous étions descendus jusqu’à 35’000 touristes seulement. Nous voulons retrouver un niveau plus élevé. Mon autre objectif, c’est de ramener les croisières en Tunisie. J’ai rencontré aujourd’hui le président des croisières MSC et nous avons convenu que MSC reprendrait ses croisières à partir de l’année prochaine. C’est une très bonne nouvelle pour la Tunisie.

Mais la Tunisie redoute une quatrième vague pour cet été…
C’est une extrapolation qui ne tient pas compte des mesures très strictes que nous avons mises en place. Nous sommes en train de traverser une période difficile, il y a des pics qui peuvent durer deux à trois semaines, mais nous faisons tout pour éviter cette vague-là. La tendance des contaminations est en baisse ces trois derniers jours. On a mis en place des confinements ciblés dans certaines régions un peu excentrées, mais les grandes places touristiques ne sont pas du tout concernées par cette menace de vague. Ce que je peux vous dire, c’est que nous avons déjà entamé une saison touristique avec plus de 16’000 touristes qui sont venus et qu’il n’y a eu aucun problème. Nous avons protégé le secteur du tourisme avec un protocole sanitaire spécifique.

Concrètement, quelles sont les conditions pour un Suisse qui veut aller en Tunisie cet été?
Pour les gens qui viennent en groupe, avec un tour-opérateur, il faut un test PCR négatif à l’entrée. C’est tout! Ensuite, les touristes passeront le temps et vivront ensemble dans de grandes structures hôtelières où l’on observe un protocole sanitaire rigoureux. Et si vous êtes vacciné, vous n’avez pas besoin de ce PCR en arrivant.

Et pour le touriste suisse qui voyage seul?
Pour un touriste qui vient individuellement, s’il est vacciné, il entre et il fait ce qu’il veut. Si vous prenez un billet d’avion et que vous venez seul, avec votre femme et vos enfants, vous pouvez entrer avec un test PCR négatif, mais si vous n’êtes pas vacciné, il y a quand même une période d’autoconfinement de cinq jours. Mais c’est un autoconfinement dans des hôtels confortables. Tout ce qu’on vous demande, c’est de ne pas trop quitter votre chambre. Et après ces cinq jours, il n’y a aucun problème, vous faites ce que vous voulez.

Doit-on porter un masque en Tunisie, à l’intérieur ou à l’extérieur? Y a-t-il un couvre-feu le soir?
Le touriste qui arrive à l’aéroport doit porter un masque. Il est conduit par son agence de voyages jusqu’à son hôtel, et le masque est obligatoire dans le bus et à l’hôtel. Mais quand il est à la plage et qu’il se baigne, bien sûr, il enlève le masque! Quand il est dans un restaurant aussi!

Et dans la rue?
Oui, c’est obligatoire.

Et dans les discothèques, on peut enlever son masque?
En Tunisie, c’est maintenant l’été! Toutes les discothèques sont en plein air, donc il y a beaucoup plus de liberté que dans des endroits fermés. Voilà un argument de plus pour ne pas rester en Suisse! (rire)

Est-ce qu’il a aussi un couvre-feu, comme ce fut le cas en France pendant des semaines?
Oui, il y a un couvre-feu qui est fixé maintenant à 22 heures. A Tunis, Sousse, Hammamet. Dans certaines régions où le taux était très élevé, il a été avancé à 20 heures. Mais ce sont des mesures qui sont réexaminées toutes les deux semaines et il est possible qu’il y ait des allégements selon l’évolution de la situation sanitaire.

Ça donne moyennement envie d’aller passer des vacances au milieu des masques et des couvre-feux.
Les vacances c’est une expérience personnelle et humaine. Cette pandémie nous a imposé de vivre avec des masques, c’est une contrainte que je n’aime pas trop, moi non plus, mais cela ne doit pas nous décourager d’aller en vacances. Je trouve que ce n’est pas une grande contrainte par rapport à tout ce que l’on peut découvrir et recevoir en découvrant d’autres pays et d’autres gens.

Les Suisses ont la réputation d’être prudents. Vous pensez qu’ils vont aller dans un pays où l’on parle d’une possible quatrième vague?
Je pense que les Suisses, pour une grande partie, sont déjà vaccinés. Aujourd’hui, ils ont envie d’aller ailleurs et de voir autre chose. Ils savent que la Tunisie est une destination très agréable. Nous avions hier une réunion avec Hotelplan, ils sont agréablement surpris par le nombre de réservations.

Notre journaliste, Robert Habel, a rencontré Habib Ammar, ministre tunisien de la culture le 16 juin à Montreux.

Ce n’est pas une fausse sécurité que vous faites miroiter aux touristes en groupe, car bien qu’ils soient dans des hôtels protégés, ils vont entrer en contact avec la population tunisienne qui est très peu vaccinée.
Pour l’instant on encourage les touristes à rester ensemble à l’hôtel ou dans les activités et les excursions prévues, des musées, des sites historiques, où l’on respecte strictement le protocole sanitaire. Depuis juin 2020, ça fait un an, nous avons fonctionné comme cela et il n’y a pas eu de problème.

Savez-vous combien de touristes ont contracté le Covid en Tunisie?
En Tunisie, nous n‘avons eu aucun cas. Il y a juste eu un cas isolé dans un hôtel, en janvier ou février dernier, c’était des seniors présents pour un long séjour. Ils sont venus pour trois mois, avec des tests PCR négatifs, tout a été géré normalement par les autorités sanitaires tunisiennes.

Le taux de vaccination demeure très bas: 6% des Tunisiens ont reçu une première dose, 3% seulement les deux doses.
Comme dans beaucoup de pays européens, il y a eu un retard dans la livraison des vaccins. Mais ce problème va être résolu d’ici trois semaines, puisque nous allons recevoir un grand stock pour juillet-août. La Tunisie a une petite population, nous sommes douze millions. Avec les personnes qui ont déjà eu le Covid et celles qui sont vaccinées, on peut espérer arriver à l’immunité générale d’ici septembre au plus tard. Et puis, une grande partie de la population n’est pas concernée par le vaccin. La Tunisie, c’est une population jeune, donc pour laquelle le Covid est moins dangereux. Sinon, on a quand même vacciné une grande partie des personnes qui sont à risque. C’est le plus important.

Donc il faut braver le risque et venir?
Bien sûr, parce que voyager fait partie de la vie. Sinon on va tous se mettre dans sa chambre à coucher et on va dire: on arrête, on ne vit plus. Est-ce que quelqu’un accepterait cette vie-là? Moi j’ai contracté le virus en France, mais je ne me suis pas dit que je n’aurais pas dû aller à l’étranger. Il y a longtemps que je n’avais pas vu Paris! Personnellement, je prendrais tous les risques pour visiter des pays même si les taux sont élevés. Je suis sûr qu’il n’est pas naturel de dire aux gens ne plus voyager et de ne plus s’amuser. Ça peut être accepté pendant un, deux, trois mois, mais je suis certain qu’il y a aujourd’hui, en chacun de nous et dans toute la population mondiale, cette envie de retrouver une liberté.

Le premier ministre tunisien a dit il y a un peu plus d’un mois que système hospitalier était au bord de la catastrophe.
Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que ces choses évoluent de jour en jour. Vous pouvez arriver à 80% de taux d’occupation du système hospitalier et une semaine après vous serez à 60%.

Si je tombe malade, est-ce que j’ai la garantie d’avoir une place à l’hôpital?
Oui, bien sûr! Il y a des centres hospitaliers dans les hôtels et toute une infrastructure de cliniques privées. Vous savez qu’on reçoit des Européens non seulement pour des soins esthétiques mais pour faire des doubles ou des triples pontages, nous avons une médecine très compétente et relativement bon marché par rapport à l’Europe. Nous avons de grands spécialistes dans les différents domaines de la médecine et des cliniques hypermodernes.

Depuis une semaine il y a de violentes manifestations de jeunes chaque nuit à Tunis, depuis une semaine. Est-ce le signe que la situation sécuritaire se dégrade?
Non, les chiffres ne montrent pas cela. Il y a eu des incidents, des mouvements sociaux et des protestations après la mort de deux jeunes hommes dans des conditions répréhensibles. Je pense que les responsables du Ministère de l’intérieur prendront toutes les mesures qui s’imposent pour punir les coupables.

Le traumatisme du terrorisme qui avait frappé le pays en 2015 reste très présent.
Il est vrai que nous avons eu un traumatisme en 2015, lorsqu’il y a eu des attentats, comme cela s’est produit aussi dans plusieurs pays européens. Mais il a la même couleur partout, ce terrorisme, il ne tue pas plus en Tunisie qu’en Europe. Le terrorisme est un phénomène mondial, pas un phénomène qui a une nationalité et un passeport. Il peut exister au bout de la rue, dans n’importe quel pays. Je peux vous dire aussi que nous avons mis en place, depuis 2015, une politique extrêmement rigoureuse pour améliorer encore la sécurité des établissements touristiques, nous avons imposé des règles très strictes dans les hôtels, dans les restaurants, nous avons développé la surveillance vidéo. Nous avons également un système sécuritaire qui travaille en collaboration avec les services de renseignements européens et amis.

En Tunisie, ce sont les touristes qui avaient été visés spécifiquement, sur les plages et au musée du Bardo à Tunis.
Je peux vous dire aujourd’hui que beaucoup de mesures ont été prises pour protéger davantage les établissements touristiques, mais la sécurité ne commence pas dans les hôtels, elle commence bien avant, il y a tout un travail qui se fait en amont, dans les services de sécurité.

Ces souvenirs terribles ne pèsent-ils pas quand on envisage un séjour en Tunisie?
Peut-être, mais je me rappelle aussi les grands attentats qui ont eu lieu ailleurs, dans des pays européens. Ce sont aussi des images très dures qui nous restent dans le cœur. On a été très touchés, en tant que Tunisiens, en voyant les images terribles à Berlin, Paris, Londres…

Ce n’étaient pas des touristes qui étaient visés.
C’étaient des êtres humains et le touriste, avant d’être un touriste, est un être humain. Je pense qu’il faut raisonner dans ce cadre-là, on ne va pas catégoriser les gens.

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