Il a déjà écrit l'histoire
Qui est Alvin Bragg, l'homme qui veut mettre Trump à l'ombre?

Le procureur du district de Manhattan est la première personne à traduire un ex-président des États-Unis en justice. Il a de la peine à se faire entendre, et pas uniquement parmi les républicains. Récit du parcours d'un combattant.
Publié: 02.04.2023 à 14:59 heures
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Chiara Schlenz

Alvin Bragg, 49 ans, a déjà écrit deux fois l’histoire. En 2021, il est devenu le premier procureur afro-américain du district de Manhattan à New York. Et depuis ce jeudi, il est le tout premier procureur à inculper un ancien président américain.

Depuis, vous avez peut-être entendu parler de lui en 2020, année lors de laquelle il a été propulsé sous les feux de la rampe pratiquement du jour au lendemain. Il avait alors traîné devant la justice l’ex-producteur hollywoodien Harvey Weinstein pour agressions sexuelles. Résultat: celui-ci a écopé de 23 ans de prison.

Des attaques acerbes

Mais c’est bien sûr aujourd’hui qu’on lit le plus souvent le nom d’Alvin Bragg dans les journaux. Car l'accusé, Donald Trump, est encore bien plus puissant que n'importe quel producteur de cinéma et n'est pas habitué à mâcher ses mots.

Alvin Bragg a mis en cause l'ex-président Donald Trump.
Photo: AFP
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Selon les accusations du procureur en chef, l'ex-président aurait acheté le silence d’une actrice porno en 2016 et aurait dissimulé de l'argent dans ses comptes. La réponse du républicain ne s'est pas fait attendre. Il l'est jeté sur lui dès que l’accusation a été rendue publique. L'homme d'affaires, qui n'a jamais accepté son éviction de la maison Blanche, a même été jusqu’à qualifier le juriste de «honteux personnage» qui fait le «sale boulot» de l’actuel président des États-Unis Joe Biden.

Mais il en faut plus pour faire reculer Alvin Bragg. Qui est ce procureur très engagé? Portrait d’un personnage qui n’a pas peur de traduire les puissants devant la justice.

Critique pour sa démarche timide

Pour bien cerner le procureur en chef, il faut remonter à ses origines. Dans sa biographie, Alvin Bragg se présente comme un «fils de Harlem», ce quartier de New-York qui est considéré comme l’un des centres les plus importants de la culture afro-américaine.

Toute sa vie, il s’est consacré à «l’exigence de justice», narre-t-il. Il a été formé à la prestigieuse université de Harvard et, depuis, œuvre pour la ville de New York. Où Alvin Bragg s’est consacré tout entier à la lutte contre «l’abus des New-Yorkais ordinaires par les puissants».

Pas dénué d’ironie

Que dire du fait que ce soit lui qui fasse comparaître Trump devant la justice? Ceux qui le connaissaient déjà verront que l’épisode n’est pas dénué d’ironie. Au début de l’année 2022, Alvin Bragg avait en effet déclaré qu’il ne poursuivrait pas Trump dans le cadre de pratiques commerciales frauduleuses.

Il n’en fallait pas plus pour que le fonctionnaire électoral se voie reprocher d’agir trop timidement contre l’ex-homme d'État américain. Deux procureurs de haut rang – Mark Pomerantz et Carey Dunne – avaient même donné leur démission pour cette raison. Alvin Bragg avait alors rejeté avec véhémence ces accusations. «Depuis plus de 20 ans, en tant que procureur, j’ai enquêté sur tout le monde: démocrates, républicains, indépendants», s’était-il défendu.

Ce qui n’avait pas suffi à faire taire ses détracteurs. Mark Pomerantz avait même écrit un livre sur le sujet, dans lequel il s’exprime sur la réticence d’Alvin Bragg à intenter un procès contre Trump. Le procureur en chef, très peu enclin à s’exprimer dans les médias, avait à cette occasion accepté de répondre face caméra, dans l'une de ses rares interviews télévisées. «Je porte les affaires difficiles devant les tribunaux lorsqu’elles sont mûres», s'était-il défendu.

«Je me concentre sur le travail»

Doit-on en tirer que la dernière affaire en date concernant Donald Trump est «mûre»? Pas forcément, si l'on en croit la droite politique américaine. Celle-ci reproche à Alvin Bragg de préférer éliminer des adversaires politiques en abusant de son pouvoir plutôt que de s’attaquer à de vrais criminels.

Le procureur de district est membre du parti démocrate, mais se considère pourtant comme apolitique. Dans une interview accordée au «New York Times» quelques mois après son entrée en fonction, il a exprimé une grande aversion pour les manœuvres politiques. «À la seconde où nous pensons être des politiciens, nous avons définitivement pris le mauvais tournant», avait-il alors asséné. Mais quand on officie à son échelon, peut-on vraiment s’affranchir de la chose politique? Cela reste à prouver.

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