Il a été kidnappé par le Hamas
A Genève, une mère se bat pour son fils pris en otage

«Je viendrai te chercher», promet Doris Liber. Depuis deux semaines, elle n'a plus de nouvelles de son fils Guy. Il a été pris en otage par le Hamas. Elle est venue jusqu'à Genève pour demander de l'aide internationale.
Publié: 22.10.2023 à 18:43 heures
Raphael Rauch

Guy Iluz a 26 ans et voulait faire la fête avec ses amis. Profiter de la musique transe et du yoga lors du Supernova Sukkot Gathering, un festival de musique dans le sud d'Israël. Mais à l'aube, des terroristes du Hamas sont arrivés, ont tué les amis de Guy – et ont tiré sur le jeune Israélien.

En fuite, il donne de ses nouvelles à ses parents, qui vivent séparés. «Guy m'a d'abord appelée», raconte sa mère Doris Liber à Genève. «Il ne m'a pas dit ce qui se passait. Il ne voulait pas que je m'inquiète.» Puis, il a appelé son père. Doris Liber explique: «Plus tard, nous nous sommes parlés tous les trois au téléphone. Nous n'avons pas beaucoup parlé parce que le père de Guy disait: 'Il ne doit rien dire, sinon les terroristes vont l'entendre'.»

Une partie de la conversation téléphonique a été publiée sur Internet. «Papa, je t'aime», dit Guy en hébreu. «Je suis entre le kibboutz Re'im et le kibboutz Nir Am. Je me cache derrière un arbre.» Le père veut savoir: «Tu vois des soldats?» Guy répond: «Oui, il n'y a pas d'agents de sécurité ici.»

Le fils de Doris Liber, Guy Iluz, est otage du Hamas.
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La mère de Guy raconte que les terroristes du Hamas ont ensuite tiré sur Guy. «Il n'a plus réussi à panser sa blessure ouverte avec une chemise. Les secours lui ont alors dit de la plier en boule pour arrêter le saignement.» Lors du dernier appel téléphonique, la mère promet à son fils: «Je vais venir te chercher.» A ce moment-là, elle ne sait pas que le Hamas a tué environ 260 personnes sur le site du festival – et en a enlevé autant que possible pour les emmener à Gaza. Au final, on en compte plus de 200.

A Genève pour demander de l'aide

Depuis le 7 octobre, Doris Liber est en état de choc. Elle craint pour la vie de son fils unique.

Deux de ses amis ont pu se mettre à l'abri, l'un est porté disparu comme Guy, les autres ont été tués par les islamistes. «Les deux dernières semaines en Israël, je n'ai quitté la maison que pour les enterrements», raconte la mère. Elle s'attendait chaque jour à recevoir la visite des autorités. «Quand quelqu'un meurt, la police passe avec un travailleur social. Jusqu'à présent, personne n'est venu me voir. Cela me donne de l'espoir. Mais il reste une grande incertitude.»

Depuis quelques jours, ses «montagnes russes émotionnelles» se sont aggravées, comme l'avoue Doris Liber. En effet, une vidéo de propagande du Hamas a été publiée. Un islamiste y affirme que Guy a été tué par des bombes israéliennes dans la bande de Gaza. Il n'y a pas de confirmation officielle. Et les autorités israéliennes lui ont donné du courage. De nombreux éléments indiquent que son fils est encore en vie. «Je ne sais pas à quel jeu psychologique se livre le Hamas en ce moment. Tout ce que je veux, c'est retrouver mon fils.»

Espérer? Craindre? Attendre? Doris Liber en est convaincue: son fils ne lui reviendra qu'avec l'aide et la pression internationale. Elle s'est donc rendue à Genève avec des proches d'autres otages. Leur mission: secouer le monde pour que le Hamas cède et libère les otages.

Doris Liber a rencontré vendredi Mirjana Spoljaric Egger, présidente du Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Elle a également pu s'entretenir avec le commissaire aux droits de l'homme de l'ONU, Volker Türk, une chance que n'ont pas les parents des civils palestiniens. Le message de Doris Liber était aussi simple qu'accablant: «Faites tout ce que vous pouvez faire. Ramenez moi mon fils.» Depuis son arrivée en Suisse, elle n'a aucune nouvelle de l'état de santé de Guy.

Le CICR n'a pas accès aux otages

A Genève, la ville des droits de l'homme et de la diplomatie, Doris Liber découvre les difficultés de la politique internationale. Le CICR ne peut s'occuper des otages que si les deux parties au conflit sont d'accord. De plus, il n'a pas encore accès aux personnes enlevées.

Même le commissaire aux droits de l'homme de l'ONU ne peut agir que si Israël le lui demande. Mais les relations entre Jérusalem et les Nations unies sont très mauvaises en raison des récents reproches de la communauté internationale à l'Etat hébreu.

Doris Liber reçoit les journalistes dans un bureau à Genève, non loin du siège des Nations Unies. Des journalistes de Suisse, mais aussi d'autres nations comme le Mexique, s'intéressent au sort des nombreux otages.

Lueur d'espoir

Vendredi soir, elle apprend que deux personnes enlevées et détentrices d'un passeport américain ont été libérées. «C'est une lueur d'espoir. Mais nous devons maintenir la pression pour que les autres soient également libérés le plus rapidement possible. La nationalité ne doit pas jouer de rôle. Il s'agit de personnes innocentes.» La mère ne veut pas parler de politique. «Il ne s'agit pas de guerre, mais de civils. Ils ont besoin de soins médicaux et doivent être libérés immédiatement».

Doris Liber parle de son fils qui ne vivait que pour la musique. «Il joue de la guitare depuis l'âge de neuf ans. Il a commencé à jouer grâce à des musiciens comme Shalom Hanoch.» Ce dernier est considéré comme le père du rock israélien.

Doris Liber montre une vidéo que la famille a enregistrée pour attirer l'attention sur le sort de Guy. Le film est à pleurer, mais les larmes ne coulent pas sur les joues de la mère de Guy: «Je ne sais pas ce que je dois ressentir. Ma vie a changé d'un coup. Il y a un avant et un après.» Elle a l'air fatiguée et désespérée. «Quand je souris, c'est parce que je ne comprends pas ce qui se passe.»

Qu'est-ce qui lui permet de tenir ces jours-ci? Doris Liber esquive la question. Elle répète la promesse qu'elle a faite à son fils: «Je viendrai te chercher.»

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