«Il n'y pas d'argent!»
Le nouveau président Javier Milei annonce à l'Argentine un «choc» d'austérité

L'ultralibéral Javier Milei est devenu dimanche président de l'Argentine, annonçant un inévitable «choc» d'austérité, et avertissant d'emblée que la situation économique dans le pays va «empirer» à court terme.
Publié: 11.12.2023 à 13:06 heures
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Dernière mise à jour: 11.12.2023 à 18:48 heures

«Il n'y pas d'alternative à un ajustement, il n'y a pas d'alternative à un choc» budgétaire, car «il n'y pas d'argent!», a lancé Javier Milei à plusieurs milliers de partisans, à l'extérieur du Parlement, où il venait de prêter serment, à la suite de son élection à la présidence de l'Argentine.

«Nous savons que la situation va empirer à court terme. Mais après nous verrons les fruits de nos efforts», a-t-il ajouté dans un discours offensif, promettant «toutes les décisions nécessaires pour régler le problème causé par 100 ans de gaspillage de la classe politique», et «le pire héritage» jamais reçu par un gouvernement.

Face à lui, une mer ciel et blanc, de drapeaux argentins et maillots de la sélection mêlés, acclamait ses interventions, aux cris de «Libertad, Libertad», voire «Motosierra !» (à la tronçonneuse!), en référence à l'outil qu'il brandissait en campagne, pour symboliser les coupes à venir dans l'"Etat ennemi», à savoir les dépenses publiques.

Javier Milei est devenu dimanche président de l'Argentine. Le nouvel homme fort du pays a annoncé un «choc» d'austérité et prévenu que la situation économique dans le pays va «empirer» à court terme.

A la mi-journée, Javier Gerardo Milei est devenu le douzième président de l'Argentine depuis le retour de la démocratie il y a 40 ans, jurant devant les parlementaires d'honorer «avec loyauté et patriotisme» la charge de président, puis revêtant l'écharpe présidentielle ciel et blanc.

Il a aussi reçu le traditionnel sceptre fait sur mesure pour chaque président. Dans son cas, les gueules de ses cinq chiens, des mastiffs anglais, ont été gravées sur le pommeau.

En deux ans à peine, l'outsider Milei, un économiste connu depuis 6-7 ans comme polémiste prisé des plateaux TV, a renversé la politique argentine. Elu député en 2021, il a balayé les blocs péroniste (centre-gauche) et de droite, qui alternaient au pouvoir depuis 20 ans, avec un message dégagiste.

«Salut, je suis le lion!», a-t-il lâché depuis le palais présidentiel

Le 19 novembre, il a signé une victoire retentissante à la présidentielle face au ministre de l'Économie centriste sortant, Sergio Massa, avec 55,6% des voix.

Troisième économie d'Amérique latine mais engluée dans une inflation chronique, à 143% sur un an, un endettement structurel, et 40% de pauvreté, l'Argentine se prépare à des ajustements douloureux.

Après son discours, ponctué de son slogan fétiche «Viva la Libertad, carajo!» (Vive la Liberté, bordel!), Javier Milei, avec à ses côtés sa sœur Karina – qui sera secrétaire générale de la présidence –, a parcouru en décapotable les 2 km du Parlement à la Casa Rosada, la présidence, s'arrêtant parfois pour aller à la rencontre de la foule.

Du balcon de la présidence, il a plus tard salué la foule d'un rugissement caractéristique: «Salut à tous, je suis le lion!», empruntant quelques lignes à un air de hard-rock argentin.

Mais il a répété que «si nous allons devoir traverser une période difficile, nous allons la surmonter», lançant un «Rendons à l'Argentine sa grandeur!», aux accents Trumpistes.

Dans la foule massée au fil de la journée, les Argentins, parfois venus de très loin dans le pays, saluaient en Javier Milei, l'incarnation d'un «virage à 180 degrés, et une lueur d'espoir», comme s'enthousiasmait Ariel Carabetta, commerçant de 42 ans.

Une incertitude demeure sur les toutes premières mesures: dévaluation du peso notoirement surévalué ? Premières coupes budgétaires, notamment les chantiers publics? Restriction, voire interdiction d'émission monétaire?

Dimanche, il a réaffirmé qu'un premier objectif concret sera une réduction de 5% du PIB du déficit budgétaire, qui «tombera sur l'État, pas le secteur privé».

L'inflation ne sera pas maîtrisée avant «18 à 24 mois», selon Javier Milei

Javier Milei lui-même a prévenu que l'inflation ne sera pas maîtrisée avant «18 à 24 mois».

Le porte-monnaie des Argentins pourra-t-il encore le supporter ? Beaucoup dimanche se disaient prêts, même «si ça va être dur», à lui «laisser du temps».

«Bien sûr que l'ajustement va nous impacter à tous. Mais il faut faire face à la mitraille. On en est là et il faut du courage», indiquait Ana Avellaneda, avocate de 50 ans.

Seules les postures plus controversées du candidat Javier Milei restent hors champ, pour l'heure: son opposition à l'avortement, légalisé en 2021, ou son déni du changement climatique comme «responsabilité de l'homme».

Javier Milei a été investi sous le regard bienveillant de dirigeants ou politiciens nationalistes ou conservateurs, qui avaient salué sa victoire avec enthousiasme: le Brésilien Jair Bolsonaro, le Hongrois Viktor Orban, le chef de la formation espagnole d'extrême droite Vox, Santiago Abascal.

Volodymyr Zelensky était présent lui aussi lors de l'investiture de Javier Milei, avec qui il a partagé une longue accolade. Le président ukrainien avait récemment remercié Javier Milei pour son «soutien clair» à l'Ukraine.

Le roi d'Espagne ainsi que les présidents d'Uruguay, du Chili, du Paraguay voisins étaient également à Buenos Aires. Le Brésilien Lula, vivement critiqué par le nouveau président argentin par le passé, avait quant à lui délégué son chef de diplomatie.

Après la prestation de serment de neuf ministres – un gouvernement restreint, en raison de l'austérité promise par Milei –, la journée d'investiture devait se clôre par un office interreligieux, puis un spectacle au prestigieux Teatro Colon.

(AFP)

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