La pluie et la fureur
Pourquoi les Parisiens sont en colère contre la plus belle ville du monde

Les violents orages qui se sont abattus sur Paris mardi 16 août ont relancé la colère des Parisiens sur les réseaux sociaux. La capitale française mérite-t-elle autant de rage? Réponse au fil des rues.
Publié: 17.08.2022 à 15:32 heures
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Dernière mise à jour: 17.08.2022 à 15:45 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Ils devraient être les citadins les plus heureux qui soient. Vivre à Paris, cette ville enviée et visitée par les touristes du monde entier, que rêver de mieux? Mais voilà: les 2 millions de Parisiens sont en colère. Et lorsque leur cité est brutalement submergée par les orages, comme cela s’est passé mardi 16 août en fin d’après-midi, plus rien ne retient leur rage, qui déferle sur les réseaux sociaux, avec force photos et vidéos.

Paris paralysée par des travaux qui n’en finissent pas. Paris dont les égouts sont bouchés à force de manque d’entretien. Paris dont les poubelles se sont retrouvées, par endroits, à flotter dans les rues, emportées par les pluies diluviennes. Est-ce bien cette capitale, et cette population-là qui accueilleront, du 26 juillet au 11 août 2024, les Jeux olympiques d’été?

Quelques-unes des images les plus marquantes des orages parisiens:

Stations de métro fermées, rues impraticables, égouts bouchés... La colère des Parisiens s'est répandue comme un éclair après les orages qui se sont abattus les 16 août sur la capitale française.
Photo: Richard Werly
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Le plus frappant, à lire et à regarder l’éruption de témoignages sur les réseaux sociaux dans la foulée des orages de mardi, est que toute occasion se transforme désormais en référendum spontané pour dénoncer le «naufrage» de la ville.

Eric était, ce mardi, à la station de métro Daumesnil, proche de la gare de Lyon, fermée en urgence pour cause d’inondation massive. Il ne cache pas son animosité envers l’actuelle équipe municipale socialiste et écologiste, dirigée par la maire, Anne Hidalgo, pourtant réélue en juillet 2020 avant de sombrer en dessous des 2% des voix au premier tour de la dernière élection présidentielle. «Demandons leur avis aux touristes. Ils viennent ici pour profiter de la soi-disant plus belle ville du monde et ils galèrent à tous les étages», s’énerve-t-il.

Réfugié sous un porche pour s’abriter de l’orage, ce quadragénaire s’est fait un plaisir d’envoyer à tous ses amis, via son téléphone portable, le lien sur un sondage réalisé en octobre 2021 pour «Le Journal du Dimanche». Pas moins de 84% des Parisiens interrogés jugeaient alors leur ville sale. «Le problème de la malpropreté à Paris est un caillou dans la chaussure de la municipalité, pointe François Kraus, directeur à l’Ifop, la grande entreprise de sondage d'opinion et de marketing. Le sentiment de saleté s’aggrave malgré les multiples annonces».

Révolte contre la saleté de Paris

La saleté? Les orages de mardi l’ont de nouveau révélée, avec les rues transformées en torrents, charriant bouteilles, emballages, résidus de toutes sortes. Mais un autre coupable est pointé du doigt: la multiplication des chantiers de travaux, mal sécurisés. Près de 30'000 chantiers sont lancés chaque année dans Paris.

Mis sur pied fin 2021, le «plan travaux» de la maire Anne Hidalgo, présenté comme la solution au ras-le-bol des riverains, est supposé les coordonner. La ville a pour cela été découpée en une trentaine de quartiers, au sein desquels l’équipe municipale affirme tenir des «réunions d’information constantes» sur l’avancement des travaux de voirie: aménagements de la voie publique pour rajouter des pistes cyclables; interventions liées au gaz, à l’électricité et à l’eau; réparation des nids-de-poule dans le bitume. Une page dédiée, sur internet, permet de localiser les chantiers.

Le règne des incivilités

Problème: les barrières qui les protègent sont souvent arrachées, les incivilités transforment certains sites en lieux de deal ou en mini-décharges. Des riverains affairés à rénover leurs appartements vident leurs déchets dans les bennes de la ville.

Le hashtag #saccageparis, soutenu par des personnalités telles que l’animateur Stéphane Bern ou l’ancienne dirigeante du patronat Laurence Parisot, est en la matière injuste. Il dénonce les poubelles éventrées, les chaussées défoncées, les chantiers qui n’avancent pas, le mobilier urbain tagué… en oubliant de dire que les Parisiens sont aussi responsables de leurs malheurs: «J’ai vu mardi, en plein orage, un voisin qui pestait contre les cartons mal entreposés de notre magasin, explique le gardien d’un hypermarché place Daumesnil, dont l’entrée a été inondée. Ces gens oublient de dire qu’ils sont les premiers à venir mettre leurs poubelles perso dans notre local. On doit aussi faire attention aux gens du voyage qui viennent défaire le contenu de ces poubelles et les laissent par terre. Le responsable saccage de Paris, c’est l’indiscipline généralisée.»

Quelques photos et vidéos diffusées par #saccageparis

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Depuis les pluies diluviennes de mardi, #saccageparis diffuse sur Twitter des vidéos de rats morts flottant dans des flaques le long des trottoirs, de terrasses éphémères balayées par les vents, de barrières de métal jetées au sol par les bourrasques que personne ne ramasse… Peut-on imaginer que dans deux ans, cette même capitale sera parée de ses plus beaux atours, pour accueillir sur la Seine le défilé de barges colorées et festives qui ouvrira les Jeux olympiques d’été? Le comité d’organisation des JO promet, pour le centenaire de cette compétition, «la plus grande cérémonie olympique jamais organisée», entièrement sur le fleuve.

Objectif: mettre la «Ville Lumière» au service de la plus grande fête populaire du sport, au cœur de Paris. «La ville deviendra le décor vivant d‘un moment d’exception, les différents tableaux d’un spectacle total mettront en scène les monuments, ponts et établissements culturels qui bordent la Seine», promet le comité. Les orages de cette semaine ont au moins une vertu: ils viennent de révéler l’étendue des progrès à faire pour y parvenir.

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