La Suisse doit se décider
Que faire de Xi et Poutine? Le débat sur les sanctions autonomes fait rage

Après la guerre en Ukraine déclenchée par Poutine, une politique de sanctions indépendante semble être à portée de main. Mais la résistance s'organise désormais au sein du Conseil des Etats.
Publié: 15.08.2022 à 06:10 heures
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Dernière mise à jour: 15.08.2022 à 08:38 heures
Simon Marti

Lorsque la Russie s'est attaquée à l'Ukraine, tous les partis - à l'exception de l'UDC - étaient d'accord: le Conseil fédéral devait immédiatement soutenir les sanctions de l'Occident contre Moscou. Au moment où le gouvernement tergiversait, cette unité avait été décisive.

Mais six mois plus tard, cette union n'est déjà plus qu'un lointain souvenir: la question de savoir comment la Confédération doit sanctionner les Etats autoritaires, y compris leurs auxiliaires, fait l'objet de discussions mouvementées. Sans la guerre que mène Poutine, le débat n'aurait pas apparu. Mais les relations avec la Chine devraient également amener la Confédération à prendre tôt ou tard des décisions délicates. Pékin joue toutefois dans une autre catégorie, et est intimement liée à la Suisse par un accord de libre-échange.

«Depuis des années, le gouvernement évite de se positionner clairement, alors que nos partenaires européens ont pris des sanctions ciblées contre des fonctionnaires, critique le conseiller national socialiste Fabian Molina. Il serait pourtant logique que la Suisse réagisse elle aussi lorsque les droits de l'homme ou le droit international sont brutalement violés!»

Que faire contre Vladimir Poutine ou Xi Jinping? Lors de la session d'été, le PS, les Verts, les Verts libéraux et le centre ont ancré dans la loi sur les embargos la possibilité pour le Conseil fédéral d'imposer des mesures pénales contre des Etats, des individus et des entreprises qui violent les droits de l'homme ou le droit international.
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Seulement voilà: si Berne prend des mesures contre des fonctionnaires chinois impliqués par exemple dans la répression des Ouïgours, il faut s'attendre à de vives réactions de Pékin.

Des décisions désagréables

Une majorité du Conseil national ne se laisse plus décourager: Lors de la session d'été, le PS, les Verts, les Vert'libéraux et le Centre ont ancré dans la loi sur les embargos la possibilité pour le Conseil fédéral d'imposer des mesures pénales contre des Etats, des individus et des entreprises qui violent les droits de l'homme ou le droit international. Jusqu'à présent, la Suisse ne peut que reprendre les sanctions de l'ONU ou de l'Union européenne.

La loi sur les embargos n'est qu'un petit pas, selon le président du parti centriste Gerhard Pfister. «Nous devons prendre conscience que nous vivons désormais dans une époque qui impose à notre pays des décisions qui ne sont pas toujours agréables. On le voit pour la guerre en Ukraine et, de plus en plus, dans nos relations avec la Chine.»

Dans ce contexte, la loi sur les embargos semble être un tournant. La version du Conseil national marque une césure dans la politique suisse de sanctions, traditionnellement très réservée. Reste à savoir si elle tiendra le coup. A partir de la semaine prochaine, la commission des affaires étrangères (CPE) se penchera sur la loi, la Chambre basse devant se prononcer à l'automne.

La CPS a des réserves

La Commission de la politique de sécurité (CPS) du Conseil des Etats, dominée par le PLR et l'UDC, donne déjà le ton. Dans une lettre adressée à leurs collègues de la CPE, dont Blick a obtenu une copie, ils mettent en garde contre la proposition du Conseil national.

La CPS écrit qu'elle a pris connaissance avec inquiétude du fait que le Conseil national a apporté une modification importante à la loi sur les embargos. «Cette modification, si elle était adoptée par les deux Chambres, aurait des conséquences notamment sur la neutralité de la Suisse», poursuit le texte. La CPS a l'intention de faire part de ses préoccupations dans un co-rapport.

Thierry Burkart, président des Libéraux-Radicaux, déclare à ce sujet: «Le PLR maintiendra le cap au Conseil des Etats. La version du Conseil national va beaucoup trop loin dans les mesures de contrainte et mettrait inutilement le Conseil fédéral sous pression en matière de politique étrangère.» Un changement aussi fondamental de la politique de sanctions serait une erreur et pousserait pratiquement en permanence le gouvernement à prendre des sanctions, poursuit le conseiller aux Etats argovien.

Gerhard Pfister est optimiste

Comme souvent, ce sont les voix du centre qui feront pencher la balance. Ses conseillers aux Etats soutiennent-ils l'orientation ambitieuse du Conseil national?

Certains membres du groupe parlementaire en doutent. La conseillère aux Etats du centre Andrea Gmür-Schönenberger met en garde contre les décisions hâtives. «Il est indiqué de garder la tête froide. Je veux d'abord que les conséquences sur la neutralité soient clarifiées avec précision avant que nous prenions une décision définitive.» Le DFAE présentera bientôt son rapport sur la neutralité. Il serait donc judicieux de traiter ensemble la loi sur les embargos et le rapport sur la neutralité avant de prendre une décision.

Le chef de parti Gerhard Pfister se montre optimiste. «Je suis persuadé que le Conseil des Etats soutiendra la proposition du Conseil national et tiendra ainsi également compte des défis posés par la guerre en Ukraine.» La décision tombera durant les semaines à venir.

(Adaptation par Lliana Doudot)

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