Le troisième tour
Macron président? Jean-Luc Mélenchon dit non!

Pour le leader de la «Nouvelle union populaire écologique et sociale» (Nupes), le Chef de l'État réélu le 24 avril avec 58,5% des voix n'est pas légitime. Saper son autorité présidentielle avant le premier tour des législatives le 12 juin est donc une priorité.
Publié: 08.06.2022 à 16:34 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

D’abord unir la gauche. Puis jeter toutes ses forces dans la bataille, pour rejouer dans les urnes l’élection présidentielle d’avril dernier. À quelques jours du premier tour des législatives françaises dimanche le 12 juin – les Français de l’étranger, y compris en Suisse, ont voté pour leur part le 5 juin – Jean-Luc Mélenchon est aux commandes de l’assaut politique contre l’Elysée.

Feu sur tous ceux qui diabolisent le programme de la NUPES

Pas question de laisser respirer, et encore moins s’installer, le Chef de l’État réélu avec 58,5% des voix le 24 avril. Feu sur la police, que le leader français de la gauche radicale accuse ni plus ni moins de «tuer» au pays de Voltaire, après une fusillade meurtrière le 4 juin à Paris et le placement en garde à vue de trois membres des forces de l’ordre. Feu sur tous ceux qui «diabolisent le programme économique et social de la Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale» (Nupes), cette bannière sous laquelle se présentent la plupart des candidats de gauche dans les 577 circonscriptions françaises. Feu sur tous les soi-disant partisans du «there is no alternative» («il n’y a pas d’alternative»), l’ex formule de la très libérale Margaret Thatcher, reprise à son compte pour mieux la dénoncer, par le leader de la «France Insoumise».

Union et confrontation

Stratégie d’accélération de l’Union et de la confrontation avant le vote de dimanche, pour profiter de l’élan constitué par les très bons scores des candidats mélenchonistes auprès des Français de l’étranger pourtant en général majoritairement classés à droite? La méthode Mélenchon est en fait surtout celle du procès en légitimité tous azimuts fait à Emmanuel Macron, caricaturé comme un chef de l’État ligoté par les forces du marché et les grands patrons. «Nous avons tenu à répondre aux attaques de plus en plus virulentes de la part du gouvernement et des économistes néolibéraux, qui sont relayés par de nombreux médias contre notre programme économique» expliquait, mardi 7 juin, Aurélie Trouvé, porte-parole de la Nupes sur les questions économiques lors d’une conférence de presse. «L’actuel débat public est saturé d’idées erronées, de caricatures, de données fausses et nous voulons finalement mettre les points sur les i. Il n’y a pas une seule vérité en économie qui serait la vérité néolibérale.»

Macron Président? Mélenchon dit non!

Macron Président? Sur la forme comme sur le fond, Mélenchon dit non! Non, car pour cet opposant acharné à la Ve République (qu’il considère trop présidentielle, d’où son soutien à une VIe République qui intègrerait le mode de scrutin proportionnel et le Référendum d’initiative citoyenne), l’élection du chef de l’État au suffrage universel n’est qu’un premier acte. Le fait d’avoir obtenu 7,7 millions de voix, et d’être arrivé aux portes du second tour avec 40'000 voix de retard sur Marine Le Pen (21,95% contre 23,15%) est, dans sa rhétorique, la preuve… que les électeurs Français n’ont pas choisi.

«Mélenchon a besoin de présenter Macron comme illégitime pour faire tenir sa coalition, estime le journaliste Jean-François Kahn, qui vient de publier le second tome de ses «Mémoires d’outre-vie» (Ed. Observatoire). Tout son calcul consiste à se présenter comme le recours républicain. Cela lui permet à la fois d’agréger les colères d’extrême-gauche et d’extrême droite, et de ratisser large au sein de l’électorat socialiste-écologiste». Avec, à son actif, deux armes électorales massives. D’abord l’importance anticipée de l’abstention, qui pourrait être supérieure à 50% ce dimanche. De l’autre la conviction d’une bonne moitié de l’électorat que ces législatives sont un nouveau match. «41% des Français considèrent que ce scrutin est la suite des présidentielles mais 41% considèrent aussi que c’est une autre élection» juge l’institut de sondages Kantar Public. L’heure est donc à la bataille des marques: la marque Mélenchon qui a su s’imposer aux forceps à gauche contre la marque Macron qui peine aujourd’hui bien plus à rassembler sur le thème «Ni droite Ni Gauche» au centre qu’en 2017.

L’assaut mélenchoniste va se poursuivre

Qu’en attendre? A coup sûr un assaut mélenchoniste continu entre les deux tours. «Plus Macron sera perçu comme empêché ou illégitime, plus l’électorat Le Pen risque de se reporter sur les candidats pro-Mélenchon au second tour des législatives dans l’espoir de faire vaciller l’édifice» pronostique Jean-François Kahn. Autre objectif: semer la peur dans les rangs macronistes, où l’inexpérience des candidats, bien moins enracinés dans les territoires qu’une bonne partie de leurs opposants de gauche (les socialistes, notamment gardent un bon ancrage départemental et régional) ou de droite (Les Républicains comptent une centaine de sortants, souvent vétérans politiques) peut semer le trouble in extremis chez les électeurs.

Emmanuel Macron est bien président et il le restera au-delà des législatives pour les cinq ans à venir, doté de pouvoirs garantis par la constitution de 1958 taillée sur mesure pour la figure quasi-monarchique du Général de Gaulle. Mais pour Jean-Luc Mélenchon, candidat au poste de premier ministre à 70 ans si la NUPES emporte la majorité, le troisième tour est arrivé pour le pays. Et pour cette Ve République qu’il espère encore bien déboulonner.

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